Live Japon : Sony, l'ami Kaz contre-attaque

28 avril 2012 à 16h11
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Pour un patron de groupe nippon, il est jeune, il est avenant, élégant, parfaitement anglophone, s'exprime franchement et clairement, sait prendre des décisions, bref, aux dires de son mentor et prédécesseur Howard Stringer, le nouveau numéro un de Sony, Kazuo Hirai, a le profil idéal pour diriger le groupe fleuron d'électronique du Japon.

Ce quinquagénaire, auréolé de réussites dans ses précédentes fonctions dans la hiérarchie du groupe, s'est donné pour mission de vaincre la concurrence, de « redresser Sony », une société qui se sent humiliée d'être concurrencée par le groupe américain Apple et très nettement distancée par son pire rival asiatique, le sud-coréen Samsung Electronics.

A en croire le mangaka J.P. Nishi, le combat de Kaz n'est pas gagné d'avance, car tout dépendra des clients...

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Le 1er février dernier, Sony annonçait la nomination de son numéro deux alors, Kazuo Hirai, au poste de PDG à la place de son patron américain Howard Stringer. Effective depuis le début de ce mois avril, cette promotion attendue d'un Nippon mâtiné de culture américaine s'est faite sur proposition de M. Stringer, même si d'aucuns jugent que le départ de ce dernier a été accéléré par la période de fortes turbulences que traverse Sony.

Le septuagénaire M. Stringer avait fait savoir à plusieurs reprises des mois auparavant que M. Hirai était son poulain. Ce cadet ambitieux, entré en 1984 dans la filiale de musique de Sony, d'abord dans la maison de disque CBS comme traducteur, a gravi un à un les échelons au sein du groupe. Il est désormais récompensé pour avoir dynamisé l'activité des jeux vidéo et avoir bien repris en mains celle des produits numériques grand public.

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« Depuis trois ans, j'avais commencé à travailler à ma succession. Parmi plusieurs candidats possibles, Kaz Hirai s'est distingué par son travail notamment sur la gamme de consoles de jeux vidéo PlayStation et les services en réseau », avait souligné M. Stringer au moment de l'annonce, appelant son bras droit par son diminutif usuel. « Je pense que ses compétences vont constituer un avantage pour le groupe et ses clients dans les mois et années à venir », avait ajouté le seul étranger à avoir dirigé Sony, estimant que M. Hirai « était prêt à prendre les rênes du géant et que c'était précisément le moment de passer le relais ».

M. Stringer était arrivé aux commandes de Sony à la mi-2005, avec pour projet de « transformer le groupe », en mariant mieux ses produits (TV, caméras, appareils photo, consoles, baladeurs, etc.) et ses contenus (films, musiques, jeux) et en modifiant son mode de fonctionnement, quitte à sacrifier des milliers d'emplois et fermer nombre d'usines par souci de rentabilité.

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Alors que son plan était en bonne voie et que Sony affichait des résultats records en 2007-2008, artificiellement aidé par la faiblesse du yen à ce moment, la crise financière internationale de 2008-2009 a totalement renversé la donne, porté un coup sévère aux structures du mastodonte, forcé alors de redoubler d'efforts. Depuis, les mesures prises pour diminuer les coûts ont quelques effets, mais ils sont en partie gommés par l'ascension continue de la monnaie japonaise, phénomène auquel Sony est d'autant plus sensible que le groupe encaisse 80 % de son chiffre d'affaires hors du Japon.

Sony est aussi confronté depuis quelques années à l'arrivée impromptue d'acteurs venus d'autres horizons, comme le groupe américain Apple, des trouble-fête qui chamboulent tout avec des produits révolutionnaires (baladeur iPod, mobile iPhone) et des modèles économiques plus souples que celui d'un Goliath lesté de lourdeurs structurelles historiques.

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Sony est aussi victime d'une féroce concurrence sud-coréenne (Samsung Electronics, LG Electronics) et d'une compétitivité mise à mal par des frais encore trop élevés. Sa gamme a besoin d'un coup de jeune pour continuer d'être appréciée dans les pays riches tout en étant adaptée à la clientèle de nations émergentes.

M. Hirai, tribun à l'aise aussi bien en anglais qu'en japonais grâce à son expérience au Japon et aux Etats-Unis, est présenté comme un meneur d'hommes bien inspiré au fait de ce dilemme. « Le chemin que nous devons prendre est clair : faire croître notre activité centrale de l'électronique, à commencer par ce qui a trait à l'image numérique, aux télécommunications mobiles et aux jeux », résume le nouveau chef qui plaide pour l'union au sein du groupe. Kazuo Hirai, dont le style et la verve tranchent avec ceux de la plupart des PDG de grands groupes nippons, est enclin à prendre des dispositions rapides pour que Sony soit moins à la merci des brusques changements conjoncturels.

De fait, les décisions n'ont pas traîné. M. Hirai a entamé son mandat il y a quelques jours en annonçant une réduction d'effectifs mondiaux d'environ 10 000 personnes d'ici à fin mars 2013, via notamment la cession de filiales, afin de remettre d'aplomb le groupe malmené par une concurrence infernale.

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C'est que Sony est ancré dans le rouge à cause de méventes de téléviseurs et autres produits électroniques, d'une rentabilité mise à mal par une structure de production trop lourde et de taux de change défavorables. Gonflée par des impôts très élevés aux Etats-Unis, sa perte nette annuelle pour l'exercice d'avril 2011 à mars 2012 est évaluée à quelque 5 milliards d'euros. Avec de tels pitoyables résultats, Sony n'a d'autres choix que de revoir son périmètre d'activités et de réduire ses coûts fixes, a justifié Kazuo Hirai. La diminution de personnel envisagée équivaut à 6 % de la main-d'oeuvre employée par Sony au 31 mars 2011.

Aucun détail n'a été donné sur la répartition des suppressions d'emplois dans le monde, mais environ la moitié des postes en moins correspondra à la sortie des effectifs de Sony des salariés de filiales que le groupe a décidé de céder, dont celle des produits chimiques (adhésifs et films optiques) pour laquelle travaillent actuellement environ 3 000 personnes.

Sony avait déjà durement souffert à la suite de la crise financière internationale de 2008-2009, sacrifiant alors plus de 16 000 emplois dans le monde et fermant plusieurs usines pour confier davantage de tâches à des sous-traitants. « Ma mission est de redresser Sony », a insisté M. Hirai les deux fois où l'auteur de ces lignes l'a rencontré. « Nous devons renforcer nos activités centrales, à savoir ce qui tourne autour de l'image numérique pour le grand public ou les professionnels, le jeu vidéo et les mobiles », a-t-il précisé.

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A cette aune, l'absence de rentabilité depuis bientôt huit ans de l'activité pilier des téléviseurs, sur laquelle Sony a pourtant bâti sa réputation il y a des décennies, est un des plus gros cailloux dans la chaussure de M. Hirai. Il s'y était déjà attaqué depuis sa nomination comme bras droit de M. Stringer, mais il va désormais assumer la pleine responsabilité du rétablissement de ce domaine-symbole en proie à une chute vertigineuse des prix en rayon.

Bien qu'elle plombe les comptes du fleuron nippon, la branche des TV reste essentielle, a toutefois souligné M. Hirai. Il est exclu pour Sony d'abandonner la vente de téléviseurs, « un appareil central du divertissement familial », mais diverses options sont à l'étude, dont celle d'un partenariat avec un autre industriel.

Pour réduire ses frais fixes, Sony a déjà cédé sa participation de 50 % dans la coentreprise de dalles à cristaux liquides (LCD) fondée avec son concurrent sud-coréen Samsung Electronics. Il est désormais en train de revoir de fond en comble sa chaîne d'approvisionnement et la structure de coûts associée. Sony doit aussi selon M. Hirai « être davantage présent dans les pays autres que le Japon, l'Europe et l'Amérique du Nord, prendre pied dans des domaines porteurs comme les appareils médicaux et revoir son portefeuille de produits. Le groupe doit changer car il souffre de plusieurs défauts », estime M. Hirai, jugeant le mammouth « pas assez rapide dans ses décisions et actions ».

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Le successeur de M. Stringer et d'une enfilade de patrons dont aucun n'a eu la carrure du fondateur Akio Morita (décédé en 1989) insiste aussi sur la nécessité d'investir en s'appuyant sur une vision à long terme, et de renforcer les capacités de recherche et développement techniques. Grâce à la restructuration en cours, Sony escompte un chiffre d'affaires de 8 500 milliards de yens (84 milliards d'euros) et une marge d'exploitation de 5 % ou plus pour l'exercice d'avril 2014 à mars 2015, contre des recettes de 6 400 milliards de yens et une perte d'exploitation de l'ordre de 95 milliards de yens estimées pour 2011-2012.

Pour le moment, Sony peut toujours se consoler en regardant le sort de ses compatriotes, guère plus enviable, puisque son « éternel rival », Panasonic, devrait faire état dans quelques jours d'une perte nette annuelle de quelque 7,5 milliards d'euros, et Sharp vient d'annoncer un déficit record de 3,6 milliards d'euros. Ces deux groupes aussi changent de patron et vont devoir agir d'autant plus rapidement les sud-coréens Samsung ou LG continuent de prospecter et prospérer à un train d'enfer.
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