Le Conseil d'État a divisé par deux l'amende de 32 millions d'euros infligée à Amazon France Logistique. Juste avant Noël, le juge administratif a désavoué partiellement la CNIL sur la surveillance des employés en entrepôt.

C'est un revers pour la CNIL, et une victoire partielle pour Amazon. Près de deux ans après la sanction prononcée par la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, le Conseil d'État a rendu son verdict le mardi 23 décembre 2025. L'amende au départ prononcée, dont le montant avait été fixé à 32 millions d'euros, est tombée à 15 millions d'euros. Les juges estiment que les trois indicateurs de surveillance pointés du doigt par le régulateur français ne constituent finalement pas des violations du RGPD. Une décision qui rebat les cartes sur les limites du contrôle des salariés.
Le Conseil d'État réhabilite les trois indicateurs de surveillance d'Amazon
Le 27 décembre 2023, la CNIL avait marqué le coup contre Amazon France Logistique. L'autorité reprochait, dans une décision rendue publique quelques semaines plus tard, le système de surveillance « excessivement intrusif » dans les entrepôts Amazon français, chaque salarié utilisant un scanner pour enregistrer ses tâches. Trois outils de contrôle étaient visés. Il y avait le « Stow Machine Gun », qui détecte un scan trop rapide (moins de 1,25 seconde après le précédent), l'« idle time », qui comptabilise toute pause de plus de 10 minutes, et le « temps de latence », qui lui trace les arrêts avant et après les pauses officielles.
Mais le Conseil d'État a invalidé l'analyse de la Commission. Les juges estiment que le « Stow Machine Gun » vise à repérer les erreurs, pas à presser les employés. Un scan très rapide (moins de 1,25 seconde) peut signaler une manipulation bâclée qui risque d'entraîner des erreurs de stockage. De plus, cet indicateur ne concerne qu'une seule activité parmi les quatre tâches possibles en entrepôt, le rangement des produits.
Même raisonnement pour les temps d'inactivité. Le Conseil d'État souligne que l'« idle time » ne se déclenche qu'après dix minutes consécutives d'arrêt et n'interfère pas avec les pauses légales. Quant au « temps de latence », il ne concerne que les périodes encadrant immédiatement les pauses réglementaires. Pour la juridiction, ces dispositifs répondent à des « intérêts légitimes » d'organisation logistique, sans porter atteinte excessive à la vie privée des salariés.

Pourquoi Amazon doit quand même payer 15 millions d'euros d'amende
La victoire n'est cependant pas totale pour Amazon, loin de là. Le Conseil d'État maintient fermement le manquement au principe de minimisation du RGPD. Pour lui, l'entreprise stockait toutes les données de performance (scans, erreurs, pauses) de chaque salarié pendant 31 jours, sans tri ni limitation. Et elle n'a jamais pu démontrer pourquoi une telle durée était indispensable à son activité. Or, le RGPD est clair : on ne conserve que le strict minimum nécessaire.
La négligence concernait qui plus est plusieurs milliers de salariés et intérimaires, dont les moindres gestes professionnels étaient archivés pendant un mois complet. Le Conseil d'État a aussi confirmé le défaut d'information des intérimaires sur la politique de confidentialité jusqu'en avril 2020, avec des informations jugées insuffisantes sur la vidéosurveillance dans deux sites, et une sécurisation défaillante du logiciel qui gère les caméras, avec des mots de passe partagés entre utilisateurs.
Aux yeux de la plus haute juridiction administration, tout cela justifie une amende, mais réduite. En la ramenant à 15 millions d'euros, le Conseil d'État rappelle que surveiller ses salariés avec des outils numériques est autorisé, si c'est utile à l'activité. En revanche, tout enregistrer et tout garder pendant des semaines reste illégal. Une décision qui clarifie ce qu'Amazon peut faire ou non avec les données de ses employés.