Le RER A et huit lignes de métro risquent l'arrêt total en 2038. Un défaut logiciel, imputé à Alstom, vient d'entraîner la condamnation de l'industriel français, qui l'avait dissimulé.

Alstom a été condamnée pour avoir masqué un bug majeur sur le métro RATP. © Pierre Laborde / Shutterstock
Alstom a été condamnée pour avoir masqué un bug majeur sur le métro RATP. © Pierre Laborde / Shutterstock

Le scénario catastrophe est prévu pour le 19 janvier 2038, à 3h14 très précisément. Plus d'un tiers du réseau RATP pourrait s'immobiliser d'un coup. Pas de grève cette fois ni de panne mécanique ou d'électricité, « juste » un bug informatique tapi dans les entrailles des rames. Ce souci, caché par Alstom depuis des années, a débouché sur une condamnation du tribunal administratif de Paris, qui a ordonné au géant ferroviaire de le corriger sous peine de lourdes astreintes financières.

Le bug informatique qui menace de paralyser le RER A et le métro parisien était connu d'Alstom

Pour comprendre le souci, il faut remonter le temps jusqu'au mois d'octobre 2017, lors d'une simple vérification de routine sur un train MI09 du RER A. Un technicien de la RATP tente de saisir une date supérieure à 2037 dans le système informatique embarqué de la rame. Blocage complet. L'écran refuse obstinément d'aller au-delà. Et c'est cette petite anomalie technique qui va mettre au jour une véritable bombe à retardement informatique enfouie dans les rames.

Le coupable a un nom : le bug de l'an 2038. Comme son cousin le bug de l'an 2000, il provient d'une limite de programmation des systèmes informatiques embarqués. Ces ordinateurs de bord ne peuvent tout simplement pas enregistrer de dates postérieures au 19 janvier 2038 à 3h14 et 7 secondes. Passé cette limite fatidique, ils ne savent plus quelle date afficher et risquent de dysfonctionner gravement.

Comme nous l'apprend le média l'Informé, la RATP a découvert avec stupeur qu'Alstom a volontairement camouflé le problème en ajoutant du code pour bloquer la saisie de dates au-delà de 2037. Une manœuvre que le constructeur n'expliquera jamais devant le tribunal. Pour le juge, « le vice a été volontairement masqué ». Sur les 261 logiciels embarqués, 223 ont été analysés. 38 au total étaient infectés.

Le tribunal très ferme avec Alstom, qui se rebiffe

Les dégâts potentiels causés par un tel problème font froid dans le dos. Huit lignes de métro (1, 2, 4, 5, 6, 9, 11 et 14), plus le RER A et six lignes de tramway, sont concernés. Chaque jour, plus d'un million de voyageurs empruntent le RER A, ligne faut-il le rappeler la plus fréquentée d'Europe. Une paralysie, même partielle, transformerait les transports franciliens en cauchemar logistique, aussi bien pour les opérateurs que pour les voyageurs.

Le tribunal ne plaisante pas. Le juge donne cinq ans à Alstom pour réparer sa bêtise, avec un calendrier millimétré et des sanctions qui font mal au portefeuille. Un état des lieux devra être fait d'ici un an. Le moindre mois de retard coûtera 100 000 euros d'amende à l'entreprise. Si rien n'est réglé d'ici cinq ans, l'astreinte atteindra le million d'euros par mois. De quoi concentrer l'attention des ingénieurs et des juristes du constructeur.

Alstom a annoncé faire appel de la décision. Mais au-delà de ce bras de fer juridique, l'affaire pourrait avoir des répercussions ailleurs qu'en France. Car entre 1989 et 2014, Alstom a équipé des dizaines de réseaux à travers le monde. D'autres opérateurs, en France comme à l'étranger, pourraient ainsi découvrir que leurs matériels souffrent du même mal. Le feuilleton ne fait (peut-être) que commencer.