Le gouvernement a publié vendredi un guide pour accélérer l'implantation de centres de données en France. L'exécutif veut soutenir l'intelligence artificielle française et renforcer la souveraineté numérique du pays, tout en veillant à la performance énergétique.

Le ministère de l'Économie vient de dévoiler, ce vendredi 28 novembre 2025, son mode d'emploi complet pour installer des datacenters sur le territoire français. Roland Lescure, ministre de l'Économie et des Finances, et Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique, voulaient clarifier les règles du jeu. Avec 63 sites déjà identifiés et 109 milliards d'euros d'investissements annoncés, la France accélère pour devenir un hub européen majeur de l'infrastructure numérique.
L'Île-de-France saturée pousse la France à repenser sa carte des datacenters
Derrière l'écran de votre smartphone se cachent des hangars bourrés de serveurs qui tournent jour et nuit. Ces centres de données, véritables usines du numérique, stockent vos photos de vacances comme ils entraînent les modèles d'IA d'aujourd'hui et de demain. Le guide gouvernemental publié en cette fin de semaine fait le tri entre les catégories, allant du placard informatique d'entreprise aux mégacentres de colocation, en passant par les infrastructures dédiées au cloud ou au calcul haute performance pour l'intelligence artificielle.
Mais pourquoi un tel intérêt de l'État pour ces bâtiments ? La réponse tient en un mot : souveraineté. Héberger nos données sensibles sur le territoire national, c'est s'affranchir des législations étrangères à portée extraterritoriale, comme le Cloud Act américain. C'est aussi nourrir l'écosystème des start-up françaises de l'IA qui, sans accès à la puissance de calcul, resteraient au stade de prototype. La France, déjà troisième d'Europe, veut muscler son jeu.
Le Sommet de Paris sur l'IA en février a servi d'électrochoc. Une task force réunissant la Direction générale des Entreprises (DGE), Business France et RTE a passé au crible le territoire pour dénicher les pépites foncières et identifier les terrains adaptés à l'accueil de centres de données. Soixante-trois emplacements ont été retenus, de la Normandie au Grand Est, en passant par l'Occitanie. Ces nouveaux sites permettront de désengorger la région parisienne, dont les capacités électriques sont saturées.
Électricité, fibre et friches, une équation à trois inconnues
Trouver le bon terrain relève parfois du casse-tête pour qui veut implanter un datacenter. Car il n'est pas question de faire pousser ces installations n'importe où. Selon leur gabarit, elles avalent entre quelques centaines de mètres carrés à plusieurs dizaines d'hectares. Le guide du gouvernement recommande de cibler en priorité les friches industrielles ou les zones déjà artificialisées, histoire de respecter le principe du zéro artificialisation nette sans s'empêtrer dans les quotas locaux.
Le nerf de la guerre, comme vous pouvez vous en douter, c'est l'électricité. Un datacenter de taille moyenne réclame entre 50 et 250 mégawatts, soit la consommation d'une petite ville. Cette boulimie énergétique impose la présence à proximité d'un poste haute tension et de lignes adaptées. Il faut en tout cas s'y prendre en avance, le gouvernement rappelant qu'il faut entre deux à neuf ans pour finaliser un raccordement, selon l'ampleur des travaux. En Île-de-France, la file d'attente s'allonge dangereusement.
Il ne faut évidemment pas oublier la question de la connectivité. Un datacenter doit se brancher sur des réseaux fibre performants, idéalement près d'un hub de peering, ces points d'échange qui font circuler les données entre opérateurs. Marseille tire aujourd'hui son épingle du jeu grâce à ses câbles sous-marins qui la relient à l'Afrique et au Moyen-Orient. Mais attention à ne pas trop s'approcher des habitations, car les systèmes de refroidissement génèrent un bruit de fond permanent.
Les exigences de la France en matière de récupération de la chaleur
Le guide aborde de front la question environnementale. Chaque centre de données doit adapter son système de refroidissement au climat local. Les régions froides peuvent exploiter l'air extérieur gratuitement pour rafraîchir les serveurs. Les zones chaudes nécessitent des technologies plus performantes. Quant aux territoires manquant d'eau, ils doivent bannir les systèmes qui en consomment beaucoup au profit du refroidissement par air.
Un indicateur clé mesure la performance. Il s'agit du PUE (Power Usage Effectiveness, un indicateur d’efficience énergétique), qui compare l'énergie totale consommée par le datacenter à celle utilisée uniquement par les serveurs. Les grands centres devront atteindre un score de 1,20 d'ici 2030. Mais l'enjeu majeur reste la récupération de la chaleur produite par les machines, obligatoire en Europe pour les nouvelles installations dépassant un mégawatt. Certains centres de données pas très loin de chez nous, comme le D4 d'Infomaniak à Genève, y parviennent.

Les bénéfices locaux, voilà l'argument décisif pour convaincre les élus. Un datacenter de 100 mégawatts crée environ cinquante emplois directs et rapporte des recettes fiscales substantielles aux collectivités. Certains porteurs s'engagent aussi sur la formation ou privilégient les entreprises locales. Pour aider les territoires à évaluer ces promesses, le guide fournit une grille d'analyse qui combine critères économiques et environnementaux. Un indispensable, pour les entreprises qui se lancent le défi d'implanter une telle infrastructure en France.