Quarante ans que le même nom s’affiche sur les écrans, alors même que les versions se succèdent en sautant des numéros, en changeant de logique et en empilant les concepts marketing. Derrière Windows, il y a une histoire de fenêtres, bien sûr, mais aussi une belle série de contorsions entre technique et communication.

Windows a 40 ans : de l’Interface Manager à Windows 11, histoire d’un nom banal devenu iconique. © Dede Andro / Shutterstock
Windows a 40 ans : de l’Interface Manager à Windows 11, histoire d’un nom banal devenu iconique. © Dede Andro / Shutterstock

Le 20 novembre 1985, Microsoft lance officiellement Windows 1.0, une surcouche graphique pour MS-DOS qui ajoute des menus, des icônes et plusieurs fenêtres ouvertes sur un même écran. Quarante ans plus tard, le nom du système n’a pas changé, alors que le système a traversé la période MS-DOS, les années 9x, l’ère NT, la grande promesse du Windows unique et la rupture imposée par Windows 11.

Ce qui a évolué, en revanche, c’est la façon de numéroter et de baptiser les versions. On est passé de Windows 3.1 à Windows 95, de Windows 2000 à XP, de Vista à Windows 7, puis directement à 10, en sautant mystérieusement le 9 avant de revenir à une numérotation plus sage avec Windows 11. Le tout avec, sous le capot, des numéros de versions internes qui racontent parfois une histoire très différente.

Mais au fait, pourquoi Windows s’appelle Windows ?

Avant de tirer tout ça au clair, il faut revenir au point de départ. Car si Windows s’appelle Windows, ce n’est pas un hasard, ni une fulgurance de développeur inspiré.

Au début des années 80, Microsoft vit encore au rythme de MS-DOS, un système entièrement piloté au clavier, en mode texte. Comme tout le monde à cette époque, l’éditeur voit arriver les interfaces graphiques inspirées de Xerox et popularisées par Apple, avec leurs icônes et leurs fenêtres que l’on déplace à la souris. Bill Gates comprend vite que cette approche finira par s’imposer sur les PC compatibles IBM.

En interne, le projet de nouvelle interface est lancé sous un nom assez austère, Interface Manager. L’idée tient davantage de la description de fonctionnalité que du futur produit grand public. Le logiciel doit afficher des zones rectangulaires, des fenêtres qui se partagent l’écran et permettent d’exécuter plusieurs programmes sans quitter l’environnement graphique.

C’est alors que Rowland Hanson, marketeur recruté par Microsoft au début des années 80, apporte son grain de sel. Peu impressionné par ce nom froid et technique, il assiste à une présentation du projet et remarque que les équipes utilisent sans cesse le mot windows pour parler des zones de l’écran. Il plaide pour transformer ce terme générique en marque, en misant sur un nom très simple à prononcer, immédiatement compréhensible et qui décrit exactement ce que l’utilisateur voit.

Le choix est validé. En 1983, Microsoft annonce publiquement Windows, présenté comme un environnement graphique abordable pour les PC, là où les systèmes concurrents restent coûteux ou limités. Le logiciel mettra encore deux ans à sortir, mais le nom est fixé. À partir de ce moment, Microsoft vend moins un simple gestionnaire de tâches graphiques qu’une promesse très visuelle, celle d’un bureau couvert de fenêtres où l’on jongle entre ses applications.

Au passage, Windows 1.0 reste techniquement un environnement qui se superpose à MS-DOS plutôt qu’un système d’exploitation autonome. Mais cette nuance importe peu au niveau marketing. Ce qui compte, c’est l’image gravée dans l’esprit des utilisateurs et utilisatrices, celle d’un écran rempli de fenêtres qui s’ouvrent et se referment, et d’un nom qui colle parfaitement à cette promesse.

Ce pari fonctionne si bien que le mot Windows va finir par avaler tout le reste, y compris les différences profondes de technologie entre les versions. C’est là que la valse des noms et des numéros commence à devenir intéressante.

Avant Windows, il y avait MS-DOS, piloté au clavier, en mode texte. © DwiJarduk / Shutterstock
Avant Windows, il y avait MS-DOS, piloté au clavier, en mode texte. © DwiJarduk / Shutterstock

De Windows 1.0 à 98, et six versions majeures seulement

Les premières années se déroulent avec une certaine logique. Windows 1.0 en 1985, puis Windows 2.0 en 1987, puis Windows 3.0 et enfin 3.1 au début des années 90. Ces numéros restent proches du schéma de versionnement classique, avec un chiffre majeur et parfois une décimale qui signale une évolution importante sans tout bousculer. Windows 3.1 apporte par exemple une meilleure stabilité, un support matériel élargi et les fameuses polices TrueType, au point de devenir la première version vraiment populaire sur PC.

Au milieu des années 90, Microsoft change de registre. L’éditeur lance Windows 95, puis Windows 98, en alignant le nom sur l’année de sortie ou au moins sur la période visée. Derrière cette apparente simplicité se cache une distinction importante. Windows 95 et 98 forment la famille 9x, basée sur MS-DOS, pensée pour le grand public, les jeux et les PC de salon. Les versions Windows NT, elles, ciblent plutôt les serveurs et les postes professionnels. Le marketing renvoie pourtant tout ce monde sous une même bannière Windows, ce qui entretient une certaine confusion mais renforce la marque.

Comme son nom l'indique, Windows 95 est sorti en... 1995. © CapturePB / Shutterstock

Millenium, XP, Vista, l’art du storytelling

Le passage à Windows 2000 renforce encore cette idée de calendrier. Ce qui devait être NT 5.0 devient Windows 2000, avec un positionnement clairement professionnel et entreprise, tandis que le grand public reçoit Windows Me, pour Millennium Edition, sorte de baroud d’honneur de la lignée 9x. Me devient vite célèbre pour ses problèmes de stabilité, mais son nom résume bien l’ambition du moment, surfer jusqu’au bout sur le passage symbolique à l’an 2000.

Avec Windows XP, Microsoft change de ton. L’éditeur fusionne enfin les mondes 9x et NT sur une base commune, mais abandonne les numéros visibles au profit d’un sigle censé évoquer l’expérience, eXPerience, et une approche plus conviviale de l’informatique grand public. Sous le capot, XP reste une version 5.1 du noyau NT, mais cette information n’intéresse que les développeurs. Pour tout le monde, XP devient le Windows de référence des années 2000, celui que beaucoup garderont longtemps.

Vista poursuit la logique des noms concepts. Officiellement lancé en 2007, ce Windows met en avant un nouvel horizon graphique avec l’interface Aero, la transparence des fenêtres et un discours très axé sur la clarté et la sécurité. Certains y voient un simple vernis marketing, d’autres une tentative de couper le cordon avec l’image vieillissante d’XP. Le contraste entre le nom très ambitieux et la perception réelle, plombée par des exigences matérielles élevées, marquera durablement la réputation de Vista.

Avec Millenium, XP et Vista, Microsoft pense que Windows doit désormais raconter une histoire. © Konektus Photo / Shutterstock

Et 7, et 8, et… 10 ?

Après cette séquence un peu trop chargée pour son propre bien, Microsoft choisit la sobriété à l’affiche. Windows 7 revient à un simple chiffre, facile à retenir et rassurant, accompagné d’une promesse implicite de continuité après le tumulte de Vista. Techniquement, le noyau s’appelle pourtant 6.1, signe que les équipes veulent signaler une évolution importante sans tout bouleverser côté compatibilité. Windows 8, suivi de 8.1, reprend cette logique, avec un numéro unique mis en avant, mais tente une métamorphose beaucoup plus radicale de l’interface, notamment avec l’écran d’accueil à tuiles pensé pour le tactile. Oups.

Et puis arrive Windows 10, annoncé en 2014, qui fait disparaître tout espoir de voir un jour un Windows 9. Officiellement, Microsoft parle de nouvelle génération et de plateforme unifiée, capable de tourner sur PC, tablettes et mobiles, avec l’idée d’un Windows unique mis à jour en continu. Aucune raison précise n’est donnée pour ce saut numérique. Très vite, les spéculations se multiplient. Certains y voient un simple choix marketing, le chiffre 10 étant jugé plus fort, plus moderne, dans la lignée d’un Mac OS X ou de produits qui jouent déjà avec ce numéro. D’autres rappellent qu’une partie des vieux logiciels détectent la version du système en lisant une chaîne de caractère et pourraient confondre Windows 9 avec Windows 95 ou 98 si le test cherche la mention Windows 9 sans plus de nuance.

Rien ne prouve que cette hypothèse de compatibilité soit la seule explication, mais elle illustre bien le type de compromis que Microsoft doit gérer. Le nom impressionne le grand public, tout en évitant de réveiller de vieilles applications qui n’auraient pas apprécié de se retrouver soudain sur un système baptisé Windows 9.

Après les remous causés par Vista, Microsoft préfère revenir à quelque chose de plus simple et rassurant, et lance Windows 7. © Adriano Castelli / Shutterstock

Windows 11, la version inattendue qui relance les paris

Lorsqu’en 2021 Microsoft dévoile Windows 11, après avoir expliqué pendant des années que Windows 10 serait la dernière version numérotée, la logique redevient presque classique. En façade, le système arbore un numéro qui s’inscrit dans la suite naturelle de 10, avec un design remanié, un menu Démarrer recentré et des exigences matérielles plus strictes, notamment l’obligation de puce TPM pour l’installation sur les machines supportées. En interne, en revanche, le noyau conserve la numérotation 10.0, preuve que le saut est davantage symbolique que structurel.

En parallèle, les rumeurs autour d’un futur Windows 12 reviennent régulièrement. Microsoft met surtout en avant de grandes mises à jour de Windows 11, très axées sur l’IA et sur Copilot, mais l’idée d’un nouveau numéro reste dans l’air, prête à servir dès que l’éditeur jugera qu’il a besoin d’un marqueur fort pour signifier une nouvelle étape.

Quarante ans après Windows 1.0, la marque imaginée pour un simple environnement de fenêtres recouvre désormais une mosaïque de technologies, de branches et de ruptures plus ou moins assumées. Les chiffres, les années, les sigles et les noms concepts racontent chacun une phase différente de cette histoire. Le seul élément vraiment constant, du Windows 3.1 installé sur les 486 aux éditions les plus récentes de Windows 11, reste ce mot choisi au début des années 80 pour faire tenir tout un futur graphique dans un terme simple et parlant, ces fameuses fenêtres ouvertes sur l’écran.

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