Les accusations pourraient paraître improbables si elles ne visaient pas l’une des entreprises les plus puissantes du monde. De nouveau sous le feu des critiques concernant l'entrainement de son IA, Meta fait cette fois-ci l'objet d'une plainte pour piratage de contenus pour adultes. On vous explique le pourquoi du comment et, d'un côté comme de l'autre, les arguments ont de quoi surprendre.

Selon deux producteurs, la maison mère de Facebook aurait utilisé leurs œuvres téléchargées illégalement via BitTorrent afin d’enrichir l’entrainement de ses modèles d’intelligence artificielle. Meta dément et invoque une utilisation « personnelle » par d’éventuels employés. Les plaignants y voient, au contraire, la trace d’un système bien coordonné.
Une nouvelle plainte contre Meta
En juillet dernier, Strike 3 Holdings et Counterlife Media ont porté plainte en Californie, accusant Meta d’avoir récupéré leurs films X sans autorisation. L’affaire n’évoque pas seulement l’extraction de contenus à partir du web ouvert à des fins d'entrainement pour l'IA de Meta, comme l’ont déjà dénoncé des auteurs de livres ou certaines agences de presse, mais s’intéresse à un volet plus discret : les activités BitTorrent liées à des adresses IP appartenant à Meta.
Face à ces accusations, Meta a demandé le rejet de la plainte. Selon l’entreprise, les IP identifiées ne suffisent en rien à démontrer que Meta aurait organisé un programme de piratage pour nourrir ses modèles IA. La firme propose une autre explication pour justifier ce comportement. Des salariés – ou des visiteurs connectés à son réseau – auraient pu télécharger ces contenus pour un usage strictement personnel.
Meta rappelle d'ailleurs le chiffre, suffisamment bas pour appuyer son explication, puisqu'il n'y aurait eu environ que 22 téléchargements de contenu appartenant à ces deux sociétés de production par an en moyenne sur l’ensemble des adresses IP visées. Un volume trop faible, selon elle, pour bâtir des datasets utilisables à des fins d’entrainement IA. Mais… les plaignants voient les choses d'un autre œil !
Les producteurs parlent de schémas « non humains »
Les ayants droit n’adhèrent pas à cette version. Dans leur réponse déposée cette semaine, ils estiment que l’argument du l'utilisation personnelle ne correspond ni aux volumes observés ni aux schémas relevés.
Avant même les contenus adultes en cause, les plaignants citent un épisode où plusieurs adresses IP liées à Meta auraient téléchargé, en quelques heures, de multiples versions de Microsoft Office. Un comportement qu’ils jugent incompatible avec une utilisation humaine classique, mais cohérent avec une collecte automatisée de fichiers, comme celles destinées à alimenter des modèles d’intelligence artificielle. Une autre séquence d’activité viserait des contenus n’ayant en commun qu’un seul mot-clé : "origin". Le même jour, plusieurs adresses IP attribuées à Meta auraient ainsi téléchargé, coup sur coup, le roman Origin de Dan Brown, un outil logiciel baptisé "Origin Offline Start", puis le film Origin sorti en 2023. Pour les ayants droit, cette convergence autour d’un terme isolé ressemble moins à un choix humain qu’à une requête automatisée balayant tous les fichiers portant ce nom.
Les plaignants avancent aussi une théorie plus inattendue. Ils suggèrent que Meta aurait utilisé leurs films comme monnaie d’échange dans les "swarms" BitTorrent, afin de bénéficier du mécanisme de réciprocité qui accélère les téléchargements pour les pairs partageant eux-mêmes des fichiers populaires…
L'hypothèse est techniquement discutable car le bénéfice de ce mécanisme se limite normalement au torrent en cours et ne s’étend pas aux téléchargements distincts. Mais elle illustre le cœur du reproche : Meta ne pourrait pas, selon eux, se servir de fichiers dont elle ne détient pas les droits, quelle que soit la finalité.
En bref, voilà une nouvelle bataille judiciaire qui ne fait que commencer. Une audience sur la demande de rejet est prévue le 21 janvier 2026. Après plusieurs plaintes visant l’usage de contenus protégés dans l’entraînement des IA, le dossier Strike 3 / Counterlife pourrait contribuer à préciser une question majeure : jusqu’où les géants de l’IA peuvent-ils puiser dans les contenus culturels pour nourrir leurs modèles ?
Source : Torrent Freak