La compagnie Ryanair devient, ce mercredi 12 novembre, la première compagnie aérienne au monde à totalement abandonner les cartes d'embarquement papier. Sans téléphone ni application mobile, embarquer pourrait devenir mission impossible.

C'est un vrai tournant pour le système de carte d'embarquement, symbole des aéroports et voyageurs, sésame parfois conservé précieusement pendant des années, en souvenir. Après avoir annoncé la mesure en février, puis l'avoir repoussée à deux reprises, Ryanair franchit aujourd'hui le Rubicon numérique. La compagnie irlandaise low-cost impose désormais son application mobile à l'ensemble de ses 206 millions de passagers annuels. Une première mondiale qui suscite autant d'enthousiasme que d'inquiétudes pratiques.
Ryanair supprime les cartes d'embarquement papier dès aujourd'hui
Le 28 février dernier, Ryanair prévoyait alors de supprimer le papier dès le 1er mai 2025. Il y a ensuite eu des reports, jusqu'à la mise en œuvre ce 12 novembre. Dara Brady, la directrice marketing de la compagnie aérienne, justifie ce timing par une période « traditionnellement un peu plus calme pour les voyages après les vacances de mi-trimestre ». Mais passons !
Ryanair a des raisons de croire en la généralisation de la carte d'embarquement à 100% numérique. Près de 80% des clients utilisent déjà la carte d'embarquement numérique depuis l'application. Reste 20% de passagers à convaincre, ou plutôt à contraindre. « Presque 100% des passagers possèdent un smartphone, et nous voulons que tout le monde adopte cette technologie », assume Michael O'Leary, le PDG au franc-parler légendaire.
Officiellement, cette dématérialisation permettra d'économiser 300 tonnes de papier annuellement et d'accélérer les procédures d'embarquement. Officieusement, elle pousse surtout les voyageurs vers les services payants de l'application, comme les commandes de repas à bord, les notifications premium et autres options lucratives. Un modèle économique qui ne surprend guère venant de Ryanair, pionnière historique en la matière.

Les passagers sans smartphone ne seront pas totalement abandonnés
Alors attention, pas de panique, la carte d'embarquement n'est pas non plus une obligation absolue pour ceux qui n'ont pas de smartphone, ou ceux dont la batterie rend l'âme (une très bonne excuse), qui pourront théoriquement obtenir une carte papier gratuite à l'aéroport. Il faudra, dans tous les cas, avoir effectué l'enregistrement en ligne avant d'arriver. À défaut, la facture pourrait s'élever à plusieurs dizaines d'euros. Le patron de Ryanair n'a pas fait dans la dentelle à ce sujet, en déclarant que toute personne arrivant sans s'être enregistrée serait « stupide » d'avoir ignoré les instructions de la compagnie.
L'ironie du sort, c'est que certaines destinations desservies par Ryanair refusent encore les cartes d'embarquement numériques. En Turquie, au Maroc et en Albanie, l'enregistrement en ligne reste obligatoire, mais la compagnie doit ensuite imprimer... des cartes papier. Une contradiction que montre peut-être les limites d'une vision un poil trop unilatérale de la modernisation des cartes.
Les experts du voyage, malgré la prise de conscience de l'enjeu écologique, font en tout cas preuve de scepticisme. « Il y aura un chaos absolu quand cela prendra effet », prédit Eoghan Corry, commentateur irlandais spécialisé, auprès du Telegraph. Michael O'Leary reconnaît lui-même qu'il y aura « quelques problèmes de rodage », tout en assurant que « personne ne sera laissé de côté ». Entre les seniors peu technophiles, le manque de bornes dans les aéroports et les bugs informatiques inévitables, Ryanair fait un pari risqué, qui pourrait à plus long terme inspirer toute l'industrie aérienne.