Pendant qu'Orange, Free et Bouygues Telecom lorgnent sur SFR, beaucoup de Français ignorent que les forfaits mobiles et box internet français affichent des tarifs parfois 40 à 50% moins chers que nos voisins européens. Un avantage qui se savoure, mais jusqu'à quand ?

La vente prochaine de SFR, avec une potentielle consolidation de quatre à trois opérateurs télécoms en France, fait ressurgir le spectre de prix à la hausse pour les forfaits mobiles et box internet. Le ministre de l'Économie, Roland Lescure, affirme que c'est dans l'Hexagone que les tarifs sont les plus faibles en Europe. Certains contestent les dires du nouvel homme fort de Bercy. Nous avons mené notre petite enquête, en recoupant notamment les données des opérateurs, du régulateur du secteur (l'ARCEP) et de différents comparateurs.
Des forfaits mobiles deux fois moins chers qu'ailleurs en Europe
Pendant que SFR négocie son avenir, le marché français des télécoms continue d'afficher une compétitivité hors norme. En octobre 2025, un forfait 5G de 200 Go coûte 13,50 euros en moyenne dans en France, contre 25 à 30 euros en Allemagne ou au Royaume-Uni. Pour les box internet sous fibre optique, l'écart reste tout aussi impressionnant. Mais voyons les détails sur mobile.
Le constat est assez rapide. La France écrase la concurrence européenne sur les forfaits mobiles. Free Mobile propose par exemple 350 Go en 5G à 19,99 euros (9,99 euros pour les clients Freebox), quand les Allemands paient entre 25 et 30 euros pour 100 à 200 Go avec engagement de deux ans. Une différence qui aujourd'hui s'explique par un marché unique où quatre opérateurs se livrent une bataille sans merci.
Orange, SFR, Bouygues et Free possèdent chacun leur propre réseau 5G, ce qui crée une concurrence que l'ARCEP, le régulateur français, surveille de près. Plus de 70% des forfaits fonctionnent sans engagement, de quoi permettre aux clients de changer d'opérateur en quelques clics en 2025. La couverture 5G, excellente, atteint désormais 92% du territoire métropolitain, avec des débits réels entre 500 Mbit/s et 1,2 Gbit/s.
Des offres sans engagement comme YouPrice à 9,99 euros pour 200 Go ou B&You à 14,99 euros chamboulent le marché. En Espagne, des forfaits équivalents coûtent entre 20 et 27 euros. Au Royaume-Uni, il faut compter entre 25 et 35 euros. La Pologne (pays où Free et Orange sont présents) rivalise avec la France sur les prix, mais avec une couverture 5G limitée selon nos constatations à 65% du territoire, contre nos 92%. La Roumanie et le Danemark seraient les pays les plus compétitifs du point de vue tarifaire.
La fibre française pulvérise les standards du continent
Sur le front des box internet, l'avance française impressionne un peu plus encore. Pour 26 euros par mois en moyenne, les Français accèdent à des débits entre 2 et 8 Gbit/s en fibre optique. La Freebox Pop de Free par exemple débute à 23,99 euros, avec 5 Gbit/s et la toute nouvelle norme Wi-Fi 7, une configuration introuvable à ce prix ailleurs en Europe.
Orange franchit même la barre des 8 Gbit/s avec sa Livebox Up à 39,99 euros, quand les Britanniques paient 36 euros pour seulement… 500 à 900 Mbit/s. Au-delà, les prix s'envolent. L'Allemagne, pourtant première économie européenne, facture 35 euros pour du 1 Gbit/s maximum. La France peut aussi compter sur un déploiement massif, puisque 98% des foyers sont raccordables à la fibre, contre 75% en Allemagne et à peine 60% outre-Manche.
Cette infrastructure exceptionnelle découle d'investissements publics importants et d'une régulation stricte des tarifs par l'ARCEP, qui veille au grain. Les marques sans engagement comme RED by SFR à 22,99 euros ou B&You forcent aussi les opérateurs historiques à rester agressifs. Et si la Suède affiche des performances comparables avec 97% de couverture fibre, ses abonnements tournent autour de 38 euros mensuels. La Pologne (22 euros en moyenne) parvient à faire mieux que la France.
Les opérateurs français peinent à maintenir une solide compétitivité
Derrière la compétitivité apparente, les opérateurs pourraient se laisser rattraper par la réalité économique. Il y a évidemment le cas brûlant de la vente de SFR, qui conduira peut-être à un passage de quatre à trois opérateurs, et qui fait craindre une hausse globale des prix du marché des télécoms. Les opérateurs français investissent aussi dans leurs réseaux, à grands coups de milliards ces dernières années, tout en maintenant des tarifs qui défient toute logique économique comparée au reste de l'Europe. Peut-être que les consommateurs finiront par le payer, au propre comme au figuré.
Les géants européens comme Deutsche Telekom en Allemagne ou Vodafone au Royaume-Uni génèrent des revenus moyens par client bien supérieurs aux Français, et font plus de marges que nos Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom. Ils capitalisent sur des marchés moins concurrentiels où les engagements de 24 mois restent la norme. En France, cette liberté totale offerte aux consommateurs coûte cher aux opérateurs, qui peinent à fidéliser leur clientèle.
La consolidation du secteur paraît donc inévitable, mais une question demeure : les prochains rapprochements maintiendront-ils cette exception française qui fait la fierté des consommateurs, ou assisterons-nous à un alignement progressif sur les standards tarifaires européens, synonyme de hausse pour les abonnés français ? L'équation économique actuelle paraît difficilement tenable sur le long terme.