Imaginez… Dans l'auditorium Louis Lumière du Festival de Cannes, les lumières s'éteignent. Une note s’élève, presque timide, puis une autre. Elles glissent dans l’air, se déplacent au-dessus des têtes, puis viennent se dissoudre derrière vous. À cet instant, on sait déjà qu'on ne va pas simplement regarder un film, mais le vivre ! C’est peut-être ça, la véritable promesse de Dolby qui fête ses soixante ans cette année : donner au son une texture, à la lumière une présence, pour donner pleinement vie aux émotions !

60 ans d'innovations ont transformé le cinéma, puis notre expérience et notre perception du son et de l'image à domicile. © Juergen Bode / Shutterstock
60 ans d'innovations ont transformé le cinéma, puis notre expérience et notre perception du son et de l'image à domicile. © Juergen Bode / Shutterstock

Quand Ray Dolby fonde sa société en 1965, il n’imagine sans doute pas que sa quête de silence posera les jalons d'une nouvelle ère dans le monde de l'audio. Lui qui voulait simplement effacer le souffle audible sur les bandes magnétiques pour restituer la pureté du son sera finalement à l'origine d'une idée qui allait redéfinir toute une industrie.

Le son aussi peut raconter une histoire

Ce qui commence comme une amélioration technique dans les studios londoniens en 1965 avec le Dolby NR-A, un système de filtrage analogique audio, va transformer, à peine 10 ans plus tard, l'audio et le son au cinéma. Alors que le premier film sonorisé en Dolby au cinéma n'est autre qu'Orange mécanique de Stanley Kubrick en 1971, le laboratoire londonien va très vite faire profiter de son expertise au monde entier. Comment ? En tentant de délivrer le son de sa cage technique pour qu’il puisse circuler, flotter, surprendre, comme s’il avait une vie propre. À partir de 1975, le Dolby Stéréo donne à la salle obscure une profondeur inédite. On n’écoute plus un film, on vit la bande-son avec autant de profondeur que l'image.

Et effectivement, avec la sortie de Star Wars, en 1977, on comprend que le son peut être un élément central dans le film : il peut raconter des choses, nous plonger dans une ambiance, nous transporter dans le film. En spatialisant des choses qui ne sont pas visibles à l'écran, en renfonçant une tension, ou en dessinant un lieu sans jamais le montrer. La respiration de Dark Vador, les sons de blasters ou le grondement des vaisseaux semblent surgir d’un espace qui nous entoure. C’est un choc culturel comme perceptif. On ne reviendra pas en arrière !

Le virage s’accentue et la technologie continue de s'améliorer, notamment en 1992, avec Batman Returns, premier film mixé en Dolby Digital. Deux décennies plus tard, Rebelle, le film d’animation de Pixar, marque l’arrivée d’un nouveau palier dont nous avons tous vécu l'expérience au moins une fois aujourd'hui, celui du Dolby Atmos. Cette fois, il ne s’agit plus de répartir le son sur quelques canaux. Le son devient un objet, libre, autonome. Il flotte dans un volume. Il tourne, monte, se précise. Le mixeur ne travaille plus dans une grille, mais dans un espace. Et le spectateur, lui, cesse d’être un auditeur passif pour devenir le centre d’un monde sonore.

« L’apport du Dolby Atmos c’est la verticalité et l’objet sonore. L’objet sonore est un son qu’on va pouvoir déplacer dans un espace à plusieurs dimensions ».

Anaïs Libolt, Directrice Broadcast & Contenu chez Dolby

Ce qui paraît magique à l’oreille repose en réalité sur une ingénierie fine. Chaque son, chaque mouvement est défini par des métadonnées qui précisent sa position, sa trajectoire, sa dynamique. Lorsqu’un contenu Atmos est lu, un moteur de rendu adapte cette spatialisation à l’équipement réel : que ce soit un système 7.1.4, une barre de son, ou un simple casque. Le rendu peut varier dans sa forme, mais l'intention spatiale, elle, reste fidèle. Et c’est là l’un des grands paris de Dolby : garantir une immersion cohérente, sans trahir la vision artistique.

Quand la lumière entre en scène

Mais Dolby ne s’est pas arrêté au son. Dix ans après Atmos, c’est l’image qui entre dans la danse avec Dolby Vision, un format HDR qui fait lui aussi bouger les lignes. Pas dans le spectaculaire, mais dans la justesse. Là où, à ce moment, d’autres formats HDR imposent un traitement uniforme à l’ensemble d’un film, Dolby Vision joue une autre partition : celle de la lumière vivante. Grâce à des métadonnées dynamiques, chaque plan peut être ajusté individuellement – contraste, luminosité, saturation, etc. L'image est ainsi optimisée scène par scène, pour devenir plus fidèle à l’intention du réalisateur.

Ainsi, sur un téléviseur compatible, une scène nocturne n’est plus une tâche noire informe (je grossis le trait bien sûr), mais un tableau profond, texturé. Un visage éclairé à la bougie ne devient pas une masse surexposée, mais garde ses moindres détails. Ce réalisme-là a, à mon sens, pour seul but de nous faire oublier l’écran, comme le Dolby Atmos fait oublier les haut-parleurs !

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Longtemps, ces technologies étaient réservées aux salles de cinéma les mieux équipées. Aujourd’hui, elles nous entourent. Dolby Atmos et Dolby Vision sont devenus des standards incontournables. Netflix, Apple TV+, Disney+, Amazon Prime Video : tous les géants proposent leurs contenus les plus ambitieux dans ces formats. Bien sûr, d'autres formats cohabitent souvent sur nos appareils : DTS:X, THX Spatial Audio, Auro-3D pour les connaisseurs, et côté image l'HDR10+ est lui aussi devenu incontournable. Toujours est-il que, côté matériel, les TV compatibles Dolby Vision se comptent désormais par millions, tout comme les barres de son et les casques certifiés Atmos.

Le plus frappant, c’est la souplesse de l’écosystème. Atmos ne nécessite pas forcément 12 enceintes, ni même un salon dédié. Une barre de son bien conçue, un casque spatial, voire un smartphone compatible peuvent déjà donner une sensation d’espace crédible. Dolby l’a bien compris : l’immersion ne doit plus dépendre du lieu, mais de la capacité du système à s’adapter. À l’environnement, à l’équipement, et même à l’heure de la journée si l'on en croit le développement récent du Dolby Vision IQ, sur le marché depuis 2020, qui adapte l'image en fonction de la luminosité dans la pièce.

C’est d’ailleurs vers cela que Dolby regarde désormais, ce que l'on pourrait appeler une personnalisation de l'expérience perceptive. Avec des technologies comme Dolby Vision IQ ou Dolby FlexConnect, lancé récemment avec le combo TCL Z100 et TCL C89K, l’expérience visuelle et sonore devient sensible au contexte.

L’intensité lumineuse ambiante, la position des enceintes dans la pièce, la distance au mur… tout est pris en compte pour ajuster l’expérience en temps réel. Ce n’est plus au spectateur de se conformer aux normes de diffusion, c’est la technologie qui s’adapte à lui.

Et demain ?

Aujourd’hui, Dolby ne se contente plus de concevoir des formats audio ou vidéo. La marque explore une ambition plus large : adapter l’expérience au contexte réel de chaque spectateur. Grâce à l’intelligence artificielle, au streaming et à des technologies d’ajustement en temps réel, elle imagine une immersion capable de s’ajuster à l’environnement de chaque utilisateur.

C’est dans cet esprit que s’annonce Dolby Vision 2, une évolution du HDR pensée pour affiner encore davantage la relation entre image et perception. Son moteur d’image redessiné promet un meilleur traitement du contraste et des noirs, des ajustements intelligents plus fins en temps réel selon l’éclairage ambiant, mais aussi, demain, une gestion plus précise du mouvement ou de l’intention colorimétrique scène par scène. Une technologie à venir, certes, mais déjà pensée pour donner de nouveaux outils aux créateurs pour s'adapter au contexte de chaque spectateur.

L'objectif n'a finalement pas beaucoup changé depuis 1965. Il ne s’agit pas de produire du son ou de l’image, mais de les rendre plus humains. Ray Dolby parlait de "révéler le silence". Soixante ans plus tard, ses héritiers apprennent à "révéler l’espace".

Et dans cet espace, chaque note, chaque éclat de lumière, chaque souffle a les capacités de générer une émotion chez le spectateur. Invisible, peut-être. Mais, souvent, inoubliable.