Stoke Space lève 510 millions de dollars pour développer Nova, une fusée entièrement réutilisable capable de récupérer ses propres étages. Ce financement double les investissements totaux de la startup à 990 millions de dollars et montre que des investisseurs importants croient au modèle de la réutilisabilité complète.

L'industrie spatiale américaine veut rendre ses fusées recyclables comme des gobelets en plastique. Stoke Space vient d'annoncer mercredi une levée de fonds de série D de 510 millions de dollars, menée par le fonds américain pour les technologies innovantes de Thomas Tull. Ce nouvel apport porte les capitaux totaux levés par la startup à 990 millions de dollars depuis sa création en 2020. L'argent financera le développement de Nova, une fusée qui promet quelque chose de radicalement différent : rester réutilisable du décollage à l'atterrissage, y compris l'étage supérieur. Stoke prévoit son premier lancement en 2026.
L'entreprise vient de remporter un contrat de la US Space Force pour des lancements de sécurité nationale. Elle dispose aussi d'un carnet de commandes commercial solide. Les investisseurs, qui n'ont pas pour habitude de mettre des billes sur du vent, voient là une demande réelle d'accès à l'orbite plus rapide et moins cher.
Ce que les autres ont échoué à faire
Stoke n'invente pas la roue. Relativity Space s'était lancée dans une aventure similaire et bien plus ambitieuse encore. Fondée en 2016, Relativity voulait imprimer une fusée presque entièrement en 3D. En novembre 2020, elle levait 500 millions de dollars en série D. À cette époque, Relativity comptait environ 230 employés et promettait un lancement l'année suivante. Le projet ressemblait à celui de Stoke, sauf qu'il n'a pas tenu ses promesses. La fusée Terran 1 n'a décollé qu'en 2023, bien après la date annoncée, et depuis, rien. Relativity a frôlé la faillite l'année dernière avant de recevoir une injection de fonds.
Aujourd'hui, l'entreprise a largement abandonné l'impression 3D et développe une fusée plus traditionnelle, Terran R. Entre 2020 et 2025, tout a changé. Les capitaux qui circulaient librement ont disparu. Le marché qui accueillait chaque promesse d'innovation spatiale est devenu prudent. Les investisseurs refusent désormais des promesses sans preuves tangibles.

Une différence de stratégie qui peut tout changer
Stoke a fait d'autres choix. L'entreprise compte actuellement 280 employés, un peu plus que Relativity à l'époque. Mais au lieu d'investir massivement dans de grandes installations de production, Stoke a concentré ses efforts sur le développement matériel. Depuis sa dernière levée, la startup a mené des essais de cycle complet sur les moteurs des deux étages. Elle a réalisé des qualifications structurelles avancées pour l'intégralité du véhicule. Le complexe de lancement 14 de Cap Canaveral, réaménagé par Stoke, doit être opérationnel début 2026.
Andy Lapsa, cofondateur et PDG de Stoke, explique dans un communiqué que ce financement « [leur] donne les moyens d'achever le développement et de démontrer Nova jusqu'à ses premiers vols ». Le message : on n'est plus au stade des promesses. On teste. On travaille. On se prépare à voler.
La technologie de Nova elle-même reste complexe. La fusée dispose d'un bouclier thermique régénéré au deuxième étage, capable de survivre à des rentrées répétées dans l'atmosphère. En mode entièrement réutilisable, Nova pourra emporter trois tonnes en orbite basse. En mode consommable, elle monte à sept tonnes. Pendant ces mois de développement intensif, tout peut basculer. Les ingénieurs du secteur connaissent bien cette zone dangereuse où les défis techniques se multiplient avant le premier vol.
Source : Ars Technica, Stoke Space