Alors que le piratage IPTV continue de prospérer, les autorités de nombreux pays se tournent, comme c'est massivement le cas en Espagne et en Italie, vers une méthode jugée simple et rapide : le blocage d’adresses IP et de noms de domaines.

Cette solution technique aussi radicale que controversée est sous les projecteurs et essuie de sérieuses critiques depuis un certain nombre d'années. Aujourd'hui, c'est l’Internet Society qui dénonce avec force cette stratégie dans son dernier rapport. L’organisation y voit une méthode inefficace, coûteuse et nuisible à l’architecture même d’Internet.
Offre partenaire
Proton VPN propose un large choix de serveurs dans plus de 115 pays vous permettant d'accéder à vos émissions et films en 4K, sans mise en mémoire tampon, ralentissement ni limitation.
Offre partenaire
Un remède pire que le mal ?
Imaginez qu’on tente d’empêcher l’accès à un bâtiment en coupant une rue entière. Il s'agirait là d'une mesure brutale, qui entraverait aussi les hôpitaux, écoles et commerces situés à proximité. C’est exactement ce qu’il se passe lorsque les autorités ordonnent le blocage DNS ou IP pour faire disparaître un site de streaming illégal ou des flux IPTV, selon les détracteurs de la méthode.
Ces techniques consistent à empêcher la résolution de noms de domaine ou l’établissement de connexions avec des adresses IP précises. Le contenu visé devient alors inaccessible… en théorie. Car dans la pratique, il reste disponible via des outils de contournement comme les VPN ou les DNS alternatifs. Pendant ce temps, des services parfaitement légitimes peuvent se retrouver bloqués eux aussi. Un simple dommage collatéral sans importance ?
L’exemple italien du "Piracy Shield"
Le rapport revient longuement sur l’expérience de l’Italie avec son système « Piracy Shield ». Déployé il y a près de deux ans, ce dispositif impose aux FAI, fournisseurs DNS et même VPN de bloquer dans un délai maximal de 30 minutes les adresses liées au streaming sportif illégal. Seulement, dans la précipitation, plusieurs services essentiels ont déjà été touchés. Parmi les victimes de cette méthode qui s'apparente à du "surblocage", des domaines appartenant à Google ou encore Cloudflare sont régulièrement bloqués, provoquant des interruptions pour les entreprises et les particuliers. Même le célèbre service Google Drive a été interrompu pendant plusieurs longues heures lors d'une opération des autorités italiennes.
Un cas emblématique, selon l’Internet Society, de ce qu’il ne faut pas faire : bloquer sans discernement, sans transparence, sans cadre clair.
Le rapport explique ainsi que, non seulement ces mesures sont imparfaites, mais elles pousseraient les internautes à chercher des moyens de contournement… souvent au détriment de leur propre sécurité. Pour accéder à leurs sites habituels, certains utilisateurs se tournent vers des services non vérifiés, des VPN douteux ou des résolveurs DNS peu fiables, faisant ainsi monter le risque de piratage, de fuite de données ou de fraude.
Ces politiques peuvent aussi affaiblir des infrastructures de cybersécurité comme les résolveurs publics (Quad9, par exemple), détournés de leur mission de filtrage de contenus malveillants au profit d’ordres de blocage politique ou commercial.
Une efficacité douteuse, des coûts bien réels
Dans le fond, le rapport met en lumière la problématique qui se dessine au fil des années : celle que la stratégie du blocage repose sur l'illusion qu’en coupant les accès, on fait disparaître le problème. Or, comme le rappelle l’Internet Society, ces mesures ne suppriment aucun contenu. Elles déplacent le problème, au mieux. Et elles imposent aux opérateurs des frais techniques, juridiques et humains importants. Sans compter les pertes potentielles pour les entreprises affectées par des erreurs de ciblage.
Au-délà du simple constat, l'Internet Society propose plusieurs solutions afin de déboucher sur une approche plus responsable :
- S’attaquer à la source du contenu illégal : via des actions ciblées, en coopération avec les hébergeurs et les autorités compétentes.
- Renforcer la transparence : tout blocage devrait être justifié, documenté et limité dans le temps.
- Impliquer les utilisateurs : par des outils de filtrage à l’échelle individuelle (contrôle parental, blocage local), mieux acceptés et moins intrusifs.
« Ces méthodes de blocage perturbent l’architecture technique qui permet à Internet d’être ouvert, accessible à l’échelle mondiale et résilient. »
L'Internet Society explique ainsi que, dans sa volonté de combattre le piratage IPTV, le législateur pourrait bien affaiblir l’Internet qu’il prétend protéger. En misant sur des outils de blocage massifs et opaques, le risque de fragiliser les services essentiels est réel et, au final, cette obstination à bloquer tous azimuts nous éloignerait des vrais leviers d’action.
Source : Internet Society