Certains objets célestes se laissent observer par la lumière des étoiles, d’autres par les rayons X ou leur action sur les ondes gravitationnelles. Celui-ci, en revanche, est perceptible exclusivement dans les longueurs d’onde radio : un cercle monumental, d’une régularité presque parfaite, détecté par un télescope sud-africain.

Les Odd Radio Circles sont une classe d'objets astronomiques très rares et peu nombreux. © Triff / Shutterstock
Les Odd Radio Circles sont une classe d'objets astronomiques très rares et peu nombreux. © Triff / Shutterstock

Ils font partie des phénomènes astronomiques les plus récents et les moins bien compris : les « cercles radio », plus correctement appelés par leur appelation anglaise Odd Radio Circles (ORC). D'étranges structures circulaires mises au jour pour la première fois en 2020, dont les contours brillent lorsqu'on les observe grâce aux ondes radios, mais qui échappent à toute autre technique de détection.

Le dernier en date, baptisé ORC J0356–4216, a été détecté en octobre 2023 grâce au radiotélescope sud-africain MeerKAT. Une équipe internationale dirigée par Sam Taziaux (Université de la Ruhr à Bochum en Allemagne) vient d’en partager l'analyse sur la plateforme arXiv.

ORC J0356–4216 est structuré sous la forme d'un double anneau parfaitement symétrique, d'environ deux minutes d'arc de diamètre (1/15ᵉ de la pleine Lune vue depuis la Terre) soit… 2,18 millions d'années-lumière. La Voie lactée, à ses côtés, est donc 21,8 fois plus petite que lui. Lui-même appartient à une galaxie elliptique nommée WISEA J035609.67–421603.5. Que sait-on réellement à son propos ?

Une signature radio qui intrigue les astrophysiciens

Pour sonder cet anneau, les astronomes ont utilisé à la fois ASKAP (le télescope australien SKA Pathfinder) et MeerKAT (Karoo Array Telescope). Ils ont mesuré l’intensité du flux radio qui s'en dégageait : 4,07 et 2,82 millijanskys à 943 MHz, 2,77 et 1,98 millijanskys à 1,28 GHz. Un jansky correspond à une quantité infinitésimale de rayonnement ; c’est l’unité standard pour décrire la puissance des signaux cosmiques reçus par nos antennes.

Les chiffres relevés par les deux télescopes montrent que le signal émis par ORC J0356–4216 est bien plus intense aux basses fréquences qu’aux hautes fréquences. Ce qui signifie que l'énergie qui s'en dégage chute rapidement quand on monte en fréquence. En astrophysique, on parle d'un spectre raide, souvent caractéristique du rayonnement synchrotron, produit lorsque des électrons, accélérés à des vitesses proches de celle de la lumière, spiralent dans un champ magnétique.

Les chercheurs ont également noté que l’anneau lui-même est parcouru par un champ magnétique moyen d’environ 1,8 microgauss. Infime, par rapport à celui de la Terre, qui est plus de 275 000 fois plus intense, mais à l'échelle cosmique cela suffit à structurer certaines particules cosmiques.

La polarisation mesurée atteint entre 20 et 30 % (c’est-à-dire que les ondes radio émises oscillent dans une direction privilégiée, plutôt que de manière aléatoire). Cette orientation suit exactement la courbure du cercle, ce qui montre que le champ magnétique épouse les deux cercles. Un détail essentiel pour comprendre d'où cet ORC viendrait ; il apparaît comme une structure très ordonnée résultant de puissants mécanismes cosmiques, capables de canaliser la matière et les champs magnétiques sur des distances équivalent à plusieurs millions d’années-lumière.

Carte du ciel à 1,28 GHz issue du radiotélescope MeerKAT, montrant l’ORC J0356–4216 et sa galaxie associée. © arXiv (2025)
Carte du ciel à 1,28 GHz issue du radiotélescope MeerKAT, montrant l’ORC J0356–4216 et sa galaxie associée. © arXiv (2025)

D’où vient ce cercle mystérieux ?

Une fois ce « portrait radio » dressé, intéressons-nous à l'origine d'ORC J0356–4216, qui, comme c'est souvent le cas en astrophysique, fait débat. Deux pistes explicatives sont privilégiées par les chercheurs. Soit il est une trace fossile, une relique d'une ancienne phase d'activité du trou noir central de la galaxie qui l'abrite. Soit il s’agit de l’empreinte laissée par une onde de choc géante, née lors d’une interaction ou d’une fusion ancienne entre galaxies.

Pour Sam Taziaux et ses collègues, la première hypothèse semble la plus convaincante : « Dans le cas d’ORC J0356–4216, la morphologie double et les caractéristiques de polarisation s’expliquent mieux par une émission relique d’une activité passée de noyau actif, ou par des flux entraînés par des jets. Les couleurs mesurées sont cohérentes avec un AGN hébergé par une galaxie elliptique[NDLR : AGN est l’acronyme anglais de “noyau actif de galaxie”, une galaxie dont le trou noir central est en activité]. À la lumière des données disponibles, une origine liée à un AGN apparaît comme l’interprétation la plus cohérente », expliquent-ils.

D'où qu'il provienne, cet ORC est la preuve la plus éclatante que notre vison de l'Univers reste encore très parcellaire. Ces structures nous obligent, à l'évidence, à admettre que la matière et l'énergie cosmique s'organisent à des échelles qui dépassent de loin celles de nos modèles cosmologiques standards. Peut-être devrions-nous un jour adapter nos cadres théoriques pour mieux les comprendre ? Actuellement, ils sont peu nombreux, mais peut-être sont-ils les premiers à arriver à nos yeux, et qu'une population bien plus vaste existe, larvée dans les ondes radio ?

Source : Phys.org