Une peinture ultra-noire conçue pour les conditions de l’espace pourrait rendre les satellites indétectables à l’œil nu. Plus absorbante et plus résistante que les revêtements précédents, Vantablack® 310 attire déjà l’attention des industriels.

La constellation des satellites Starlink est tellement lumineuse qu'elle est visible à l'œil nu - ©InnovativeBase Artistry / Shutterstock
La constellation des satellites Starlink est tellement lumineuse qu'elle est visible à l'œil nu - ©InnovativeBase Artistry / Shutterstock
L'info en 3 points
  • Vantablack® 310, une peinture ultra-noire, rend les satellites presque invisibles, réduisant leur impact sur l'astronomie.
  • Ce revêtement absorbe 98% de la lumière, surpassant les peintures spatiales actuelles, et résiste aux conditions extrêmes.
  • Un test en orbite avec le satellite Jovian 1 est prévu, promettant des avancées pour l'observation spatiale.

Les satellites lumineux perturbent les observations astronomiques. Le phénomène s’est accentué avec la multiplication des constellations comme Starlink. Certains télescopes, dont celui de l’observatoire Vera Rubin, dont on devrait contempler les premières images ce 23 juin, risquent de perdre une grande partie de leurs données à cause des traînées laissées par ces engins.

Heureusement, la perfide Albion possède une équipe de scientifiques qui a mis au point une peinture capable d’absorber presque toute la lumière réfléchie. Ce revêtement, appelé Vantablack® 310, pourrait réduire considérablement la visibilité des satellites depuis la Terre. Il a été conçu pour être appliqué directement en salle blanche, avec des outils industriels classiques. Plusieurs tests ont déjà montré sa résistance. Un premier essai en orbite est prévu l’an prochain. En attendant, la communauté scientifique suit ce projet au télescope.

La peinture Vantablack 310 absorbe presque toute la lumière visible

Les satellites Starlink affichent une magnitude située entre 3 et 5. Ce niveau de luminosité suffit pour qu’ils soient visibles à l’œil nu. Les télescopes sensibles, qui capturent des poses longues, enregistrent des traînées nettes sur leurs images. Certaines expositions deviennent inutilisables.

Avec Vantablack® 310, cette luminosité descendrait à une magnitude de 7. À ce stade, l’objet devient imperceptible sans matériel. Kieran Clifford, ingénieur chez Surrey NanoSystems, explique que ce nouveau revêtement réfléchit à peine 2 % de la lumière. « C’est bien moins que les autres peintures noires utilisées dans l’espace, qui restent autour de 5 % », précise-t-il.

Cette différence peut sembler minime, mais elle compte. L’échelle de magnitude n’est pas linéaire. Une baisse de quelques points suffit à faire disparaître un objet du ciel nocturne. Les concepteurs du télescope Vera Rubin estiment qu’en l’état, 40 % des clichés pourraient être touchés par ces traînées. Ce chiffre pourrait baisser si les futurs satellites devenaient moins lumineux.

Le Vantablack 310 résiste aux températures extrêmes, aux chocs et aux vibrations - ©Surrey Nano Systems
Le Vantablack 310 résiste aux températures extrêmes, aux chocs et aux vibrations - ©Surrey Nano Systems

Le revêtement a été pensé pour une application simple et une résistance longue durée

Les versions précédentes de Vantablack® nécessitaient un procédé compliqué. Il fallait utiliser des nanotubes fragiles, impossibles à toucher une fois en place. Les ingénieurs devaient redoubler de précautions, ce qui compliquait la production.

Vantablack® 310 utilise un autre mélange. Les équipes ont choisi du noir de carbone associé à des liants conçus pour supporter les conditions extrêmes de l’orbite basse. Cette version peut être manipulée normalement. Elle résiste aux rayonnements, aux chocs thermiques et à l’usure. Des tests ont simulé trois années dans l’espace. Le revêtement a tenu bon, sans érosion visible.

Clifford insiste sur un point. Cette peinture peut être intégrée au processus industriel sans changement majeur. Les fabricants n’ont pas besoin d’investir dans une ligne spéciale. « C’est une solution que les ingénieurs peuvent appliquer eux-mêmes, avec leurs outils habituels », résume-t-il.

SpaceX avait déjà tenté d’assombrir certains satellites avec d’autres matériaux. Les résultats n’étaient pas toujours convaincants. Certains appareils ont surchauffé. Cette fois, le mélange a été conçu pour limiter ce risque.

Un premier test grandeur nature aura lieu en orbite l’année prochaine. Un satellite étudiant, baptisé Jovian 1, embarquera une section recouverte de Vantablack® 310. L’équipe mesurera les variations de luminosité depuis le sol. D’autres fabricants suivent l’expérience.

Noelia Noël, astrophysicienne à l’université de Surrey, participe au projet depuis ses débuts. Elle rappelle que le ciel nocturne s’est transformé en quelques années. « On a lancé plus de satellites ces cinq dernières années que pendant les soixante précédentes », souligne-t-elle. Elle espère que cette solution permettra de préserver l’accès visuel à l’espace, sans freiner les ambitions techniques.