L'Agence nationale de sécurité sanitaire vient de publier son rapport sur l'exposition aux ondes et le risque de cancer. Après avoir passé au crible plus de 1 000 études scientifiques, l'agence n'établit pas de lien entre téléphone portable et tumeurs. L'incertitude scientifique demeure.

L'ANSES a longuement étudié la question de l'exposition aux ondes, sans vraiment trancher le débat. © Vadzim Shubich / Shutterstock
L'ANSES a longuement étudié la question de l'exposition aux ondes, sans vraiment trancher le débat. © Vadzim Shubich / Shutterstock

Le verdict était attendu depuis neuf ans, et voilà que l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) dévoile ce 26 novembre 2025 les résultats de son enquête sur les radiofréquences et le cancer. Des dizaines de chercheurs ont été mobilisés pour étudier et disséquer près de mille études pour faire un lien, ou pas. La conclusion ressemble malheureusement à un non-lieu scientifique. En l'état, il est impossible d'établir un lien de causalité entre l'exposition aux ondes et l'apparition de cancers.

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L'ANSES épluche dix ans de recherches sur les radiofréquences

Si nous remontons un peu en arrière, en 2016 précisément, une étude américaine fracassante avait fait trembler le monde scientifique. Le National Toxicology Program avait publié des résultats troublants sur des rats exposés aux radiofréquences. Certains mâles développaient des schwannomes cardiaques, des tumeurs rares du cœur. Saisie par le ministère de la Santé, l'ANSES a alors lancé une enquête scientifique d'ampleur. L'objectif était de faire le tri dans un océan de données parfois contradictoires.

Entre 2013 et 2024, les chercheurs ont produit près d'un millier de nouvelles études sur le sujet. L'ANSES a dû tout éplucher, de l'épidémiologie humaine aux expérimentations animales, en passant par les mécanismes cellulaires. Des travaux d'envergure comme l'étude Mobikids sur les enfants figuraient dans le lot. Sur cette montagne de publications, seulement 250 publications ont été retenues pour leur rigueur scientifique. Les autres ne tenaient pas la route méthodologiquement.

La méthode employée s'inspire d'ailleurs du Centre international de recherche sur le cancer, référence mondiale en la matière. Chaque étude est disséquée, pesée, comparée. Les experts cherchent des preuves « suffisantes », « limitées » ou « non conclusives ». Et là, surprise, aucune preuve robuste n'émerge. Les études humaines restent biaisées, les travaux sur animaux donnent des résultats disparates, les mécanismes biologiques observés (comme le stress oxydant) sont trop courants pour être déterminants. Les radiofréquences rejoignent le club très fermé des substances « inclassables » du point de vue cancérogène, et du point de vue de l'ANSES.

Moins de téléphone à l'oreille, mais plus d'exposition environnementale

Si on regarde autour de soi, en 2025, pratiquement tous les Français de plus de douze ans trimballent un téléphone dans leur poche. Plus précisément, 98% en possèdent un, et 91% ont opté pour un smartphone. Mais notre rapport aux appareils a complètement muté en quelques années. Qui tient encore son mobile collé contre l'oreille pendant des heures, sans utiliser d'écouteurs, de haut-parleur ou autre ?

Les oreillettes ont conquis le marché, le mode haut-parleur est devenu réflexe, et l'usage vocal traditionnel décline progressivement (on ne parle pas des messages vocaux). La révolution des usages provoque un effet inattendu, celle de la chute de l'exposition directe du crâne aux ondes. La tête n'est plus la zone la plus exposée. Les anciens schémas d'exposition, ceux qui servaient de base aux études des années 2010, seraient donc déjà obsolètes.

Mais attention au revers de la médaille. Si on téléphone moins, on consomme infiniment plus de données. Le développement massif des usages Internet en mobilité (réseaux sociaux, vidéos, navigation intensive) a explosé. La 4G et surtout la 5G ont ouvert les vannes du tout-connecté. Les opérateurs ont plus que densifié le réseau d'antennes relais, particulièrement dans les zones urbaines. L'exposition environnementale ambiante grimpe ainsi progressivement. On passe d'une exposition ponctuelle et localisée à un bain d'ondes diffus et permanent.

© AKIO75 / Shutterstock

La science appelle à poursuivre les études sur les radiofréquences

L'ANSES ne crie pas victoire ni ne sonne l'alarme. L'agence maintient sa ligne de conduite, celle de la prudence raisonnable, surtout pour les plus jeunes. Ses recommandations vont de modérer l'usage du mobile à privilégier les dispositifs éloignant le téléphone du corps comme les oreillettes ou le haut-parleur, ou préférer le Wi-Fi aux réseaux mobiles quand on est en intérieur. Rien de révolutionnaire, juste du bon sens technologique.

Du côté de la science, le chantier reste béant. L'ANSES appelle à harmoniser les protocoles expérimentaux, à poursuivre le suivi des grandes cohortes internationales comme COSMOS, et surtout à mieux documenter les usages réels des technologies sans fil. Car comment mesurer précisément un risque si on ne sait pas vraiment comment les gens s'exposent ? D'autres études récentes suggèrent des effets potentiels sur la fertilité et le fonctionnement cérébral. L'agence promet d'y regarder de plus près.

L'ONG Alerte Phonegate, de Marc Arazi, a réagi dans la foulée en dénonçant un rapport étant « le fruit d’une expertise compromise par des conflits d’intérêts structurels et une méthodologie biaisée en faveur de l’inaction et au seul profit des industriels de la téléphonie ». L'incertitude demeure, les technologies galopent, les usages se réinventent. Dans ce brouillard scientifique, une seule certitude : le débat est loin d'être terminé.

Source : Rapport ANSES