La France et l'Allemagne ont signé un très important partenariat avec les sociétés Mistral AI et SAP, avec l'objectif de développer une intelligence artificielle souveraine destinée aux administrations publiques européennes. Peut-être un tournant pour l'indépendance numérique du continent.

L'Europe riposte avec Mistral AI et SAP pour une intelligence artificielle 100% souveraine dans l'administration publique. © Bartolomiej Pietrzyk / Shutterstock
L'Europe riposte avec Mistral AI et SAP pour une intelligence artificielle 100% souveraine dans l'administration publique. © Bartolomiej Pietrzyk / Shutterstock

L'Europe reprend-elle enfin et pour de bon la main sur son destin numérique ? Mardi, à l'occasion du Sommet sur la souveraineté numérique européenne, les gouvernements français et allemand ont annoncé un partenariat public-privé avec la start-up de l'IA, Mistral AI, et le quatrième éditeur de logiciels du globe, SAP. Le but de la démarche est d'aboutir au déploiement de solutions d'intelligence artificielle souveraineté dans l'administration, pour réduire la dépendance européenne aux technologies américaines et asiatiques.

Plus de 80% des outils numériques européens viennent de l'étranger, la France et l'Allemagne disent « stop »

Le constat est sans appel et David Amiel, ministre délégué à la Fonction publique, le martèle sans détour : « Plus de 80 % des outils numériques sur lesquels nous nous appuyons sont conçus, exploités ou contrôlés en dehors de l'Europe ». Une dépendance qui n'a rien d'anodin dans le contexte géopolitique actuel, où la maîtrise des infrastructures critiques devient un enjeu de souveraineté majeur.

Du coup, l'alliance franco-allemande mise sur un partenariat public-privé structuré autour de quatre axes concrets. Le premier chantier consiste à déployer une plateforme ERP (système de gestion intégré) souveraine, dopée à l'IA. Viendront ensuite l'automatisation des processus financiers publics, le développement d'agents numériques intelligents, et la création de laboratoires d'innovation communs entre les deux pays.

L'engagement financier suivra bien l'ambition politique. SAP annonce un investissement colossal de plus de 20 milliards d'euros dans ses solutions de cloud souverain et d'intelligence artificielle. Une somme qui traduit la détermination du géant allemand du logiciel d'entreprise à jouer un rôle central dans la transformation numérique européenne, loin des sirènes de la Silicon Valley.

Mistral AI et SAP créent la première pile d'IA 100% européenne

Concrètement, comment marchera ce partenariat ? Mistral AI va intégrer ses modèles d'intelligence artificielle, dont son célèbre chatbot Le Chat, directement dans les systèmes informatiques de SAP. La fusion permettra aux administrations européennes d'utiliser une IA entièrement made in Europe, stockée sur des serveurs européens, sans dépendre d'acteurs américains ou chinois. Une première sur le continent. Le hardware sera toujours composé de produits étrangers, ce qui interroge comme d'habitude sur la souveraineté, la vraie.

Toujours est-il qu'Arthur Mensch, cofondateur de Mistral AI, voit dans ce partenariat bien plus qu'une opportunité commerciale. « Ce partenariat franco-allemand entre SAP et Mistral AI démontre le leadership de la France et de l'Allemagne en matière de souveraineté numérique », affirme-t-il. L'esprit de son message est que la valeur créée par l'IA doit bénéficier aux Européens et rester sous contrôle européen.

Mistral AI veut prendre toute sa part dans cette initiative souveraine franco-allemanede. © Robert Way / Shutterstock.com
Mistral AI veut prendre toute sa part dans cette initiative souveraine franco-allemanede. © Robert Way / Shutterstock.com

L'initiative ne se limite pas au tandem Mistral-SAP. D'autres acteurs technologiques européens se joignent à la bataille pour la souveraineté numérique. Les opérateurs cloud Bleu (français) et Delos Cloud (allemand) s'engagent à se soutenir mutuellement en cas de cyberattaques majeures. Capgemini, géant français du conseil informatique, apportera son expertise pour sécuriser l'ensemble du dispositif. Ici, les lignes bougent, c'est indéniable.

2026-2030 : quatre ans pour transformer l'administration publique européenne

Le calendrier est déjà établi. D'ici mi-2026, les quatre parties signeront un accord-cadre contraignant qui fixera les règles du jeu. La gouvernance sera pilotée par un comité dédié au sein du Consortium franco-allemand pour l'infrastructure numérique européenne (EDIC), présidé par les ministres compétents des deux pays, qui garantira une coordination politique au plus haut niveau.

Entre 2026 et 2030, les premières applications concrètes verront le jour dans les administrations des deux pays. Il s'agira notamment de traitement automatisé des factures, d'assistance aux citoyens, ou d'aide à la décision pour les fonctionnaires. La bonne nouvelle, c'est que cette alliance reste ouverte à d'autres entreprises technologiques européennes, à condition qu'elles respectent les critères de souveraineté et de sécurité fixés et imposés par Paris et Berlin.

Côté français, l'enthousiasme est palpable. Anne Le Hénanff, ministre déléguée à l'IA et au Numérique, y voit « un changement stratégique » majeur où « l'Europe prend les devants ». Roland Lescure, ministre de l'Économie, ajoute qu'« intégrer l'IA européenne dans nos administrations publiques, c'est reprendre le contrôle de notre avenir technologique et affirmer une Europe qui innove et protège ». Espérons que cette fois, les actes se joindront à la parole.