Eric Schmidt, ex-P.-D.G. de Google, vient d'annoncer un investissement de 45 millions de dollars sur cinq ans pour mieux comprendre le cycle du carbone océanique, un élément vital dans la régulation du climat mondial.

Le timing de cette initiative, qui sera réalisée via la fondation Schmidt Sciences, est crucial. Le budget fédéral américain pour la recherche climatique est en chute libre, avec une réduction de 30 % des fonds alloués à l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA), et de 57 % à la National Science Foundation (NSF). Plusieurs programmes, notamment dans les régions polaires, ont déjà été supprimés ou gelés, alors que les effets du changement climatique sont bien là.
Les mystères de l'océan Austral
Les océans jouent un rôle de premier plan dans la régulation du climat mondial, en absorbant près d'un tiers du dioxyde de carbone émis chaque année par les activités humaines. Ce mécanisme, appelé cycle du carbone océanique, permet à la mer de piéger une partie du CO2 présent dans l'atmosphère, freinant ainsi le réchauffement de la planète.
Parmi les cinq grands bassins, l'océan Austral, qui entoure l'Antarctique, agit comme un véritable « poumon bleu », captant à lui seul environ 40 % du CO2 stocké par les mers malgré sa petite taille. Mais les chercheurs peinent encore à comprendre les mécanismes précis qui rendent cette région si efficace.
En cause, un manque criant de données. Car cette région est l'une des plus hostiles à explorer sur Terre. Vents hurlants, courants violents et nuages quasi permanents rendent aussi bien les expéditions que les observations satellites ultra complexes. De ce fait, les modèles climatiques capables de simuler les échanges de CO2 dans d'autres océans échouent souvent à reproduire ce qui se passe au sud du globe. Et c'est justement cet angle mort que l'ancien patron de Google cherche à combler.

Des drones vont sillonner la région pendant cinq ans
Le projet est colossal : quatre navires autonomes vont sillonner l'océan Austral pendant cinq ans. Ces drones marins, capables d'affronter des conditions que peu de chercheurs oseraient braver, vont recueillir des données continues tout au long de l'année, même au cœur de l'hiver austral. Ils pourront ainsi mesurer avec précision la pression partielle du CO2 dans l'eau, un indicateur clé pour comprendre comment le carbone circule entre l'atmosphère et les profondeurs marines.
Ces véhicules seront en mesure de s'aventurer dans des zones totalement inaccessibles aux navires classiques : leur trajectoire sera ajustée en temps réel grâce à l'intelligence artificielle et au machine learning. Concrètement, les algorithmes analyseront les conditions océaniques pour redéfinir automatiquement les routes les plus pertinentes, optimisant ainsi la quantité et la qualité des informations collectées. L'objectif est d'obtenir, pour la première fois, une vision complète et dynamique du puits de carbone océanique dans cette région critique.
Les données seront publiées en libre accès, dans l'optique de mobiliser la communauté scientifique mondiale pour accélérer les progrès dans la modélisation du climat. Le projet, lui, repose sur une alliance public-privé inédite entre la fondation Schmidt Sciences et la NOAA, partenaire des entreprises qui exploiteront les drones. Un modèle vertueux qui, espérons-le, permettra de maintenir la recherche à flot à un moment où l'enjeu du climat est plus brûlant que jamais.
Source : Wired