Une solution permettrait de capter le CO2 atmosphérique avec 25% d'énergie en moins. L'avancée, qui repose sur l'intégration de pompes à chaleur, est développée par des chercheurs français. Elle pourrait accélérer le déploiement de cette technologie cruciale.

La France développe une technologie qui pourrait enfin rendre le captage du CO2 économiquement viable © Aod Anon / Shutterstock
La France développe une technologie qui pourrait enfin rendre le captage du CO2 économiquement viable © Aod Anon / Shutterstock

Une équipe franco-française vient de marquer un point décisif dans la course au captage du carbone atmosphérique. Les chercheurs du LRGP (Laboratoire Réactions et Génie des Procédés) et d'EDF ont mis au point une approche qui réduit drastiquement la consommation énergétique du processus, l'un des principaux freins à son adoption massive. Leurs travaux, publiés dans Industrial & Engineering Chemistry Research, démontrent qu'en repensant astucieusement le procédé classique d'absorption chimique, on peut réduire d'un quart sa voracité énergétique. Voyons comment cela fonctionne.

Des pompes à chaleur pour révolutionner le captage atmosphérique du CO2

Le captage par absorption chimique fonctionne en deux temps : d'abord, le CO2 est piégé dans un solvant à base d'amines dans une colonne appelée absorbeur. Ensuite vient l'étape critique : chauffer ce solvant dans le strippeur, dans une seconde colonne, pour libérer le CO2 pur et régénérer le liquide. C'est cette phase de régénération thermique qui engloutit l'essentiel de l'énergie et freine le déploiement de la technologie.

L'innovation testée par le doctorant à EDF R&D et au LRGP/CNRS Paul de Joannis et son équipe consiste à greffer des cycles de compression-décompression inspirés des pompes à chaleur. La compression de vapeur pauvre (LVC) récupère et valorise la chaleur des vapeurs en sortie de procédé. La compression en tête de stripper (SOC) optimise quant à elle les échanges thermiques au sommet de la colonne de régénération. Résultat : la chaleur circule en boucle, plutôt que d'être perdue.

L'air traverse l'absorbeur, le CO2 est capté, puis libéré par chauffage avec récupération d'énergie © Paul de Joannis
L'air traverse l'absorbeur, le CO2 est capté, puis libéré par chauffage avec récupération d'énergie © Paul de Joannis

Ces simulations, réalisées avec le modèle physico-chimique CCSI (Carbon Capture Simulation for Industry Impact) spécialement calibré pour la monoéthanolamine (MEA), révèlent un potentiel considérable. Le Direct Air Capture devient ainsi plus crédible pour décarboner les secteurs rebelles comme l'aviation ou le transport maritime, impossibles à électrifier complètement.

Un espoir tempéré par des contraintes économiques

Malgré ces 25% d'économie énergétique spectaculaires, capturer une tonne de CO2 coûte encore entre 1 100 et 1 300 euros. Pour comparaison, le prix du carbone sur le marché européen oscille autour de 80 euros. L'ajout des compresseurs et échangeurs thermiques nécessaires aux pompes à chaleur fait exploser la facture initiale des équipements, qui pèse pour deux tiers dans le coût total d'exploitation.

Un autre écueil mérite notre attention : quand l'air traverse les colonnes d'absorption, il emporte avec lui une partie du solvant. Concrètement, pour extraire une seule tonne de CO2, le système perd 5 tonnes d'eau et 1,5 kg de monoéthanolamine (un solvant à base d'amines) qui se volatilisent. Non seulement ces pertes coûtent cher à compenser, mais la MEA dispersée peut nuire aux écosystèmes aquatiques et terrestres.

L'équipe Mélusine, à la tête de l'étude, ne baisse pas les bras pour autant. Plusieurs pistes prometteuses émergent, comme développer des colonnes d'absorption moins onéreuses, optimiser la géométrie des équipements, et explorer d'autres solvants moins volatils. On pourrait tout de même avoir de belles surprises dans un avenir proche. Car si le captage atmosphérique reste cher aujourd'hui, chaque pourcentage gagné nous rapproche du seuil de viabilité économique indispensable pour déployer massivement cette arme anti-réchauffement.