Dans un retournement de situation presque comique, Intel fait les yeux doux à Apple pour une prise de participation. Quatre ans après avoir été cavalièrement éconduit, le fondeur semble croire qu'un carnet de chèques peut effacer les souvenirs d'une rupture technologique douloureuse.

Il n'y a pas que les coeurs de ses processeurs qu'Intel essaye de reconquérir. © Shutterstock
Il n'y a pas que les coeurs de ses processeurs qu'Intel essaye de reconquérir. © Shutterstock

La rumeur a à peine eu le temps de bruire que les marchés, toujours prompts à l’enthousiasme, ont applaudi cette tentative de réconciliation. Il faut dire que le spectacle a de quoi surprendre : le géant de Santa Clara, après une série d'investissements hétéroclites, se tourne vers celui qui l'a publiquement quitté en 2020, préférant une production maison au manque de fiabilité de l'écurie bleue. L’objectif est clair : convaincre l’ex-partenaire de financer un avenir qu’il ne voulait plus partager.

Une opération charme à plusieurs milliards

On se croirait presque dans une mauvaise comédie romantique où le protagoniste, après avoir touché le fond, tente de reconquérir son amour de jeunesse. Sauf qu'ici, les fleurs sont remplacées par des actions et la sérénade par des projections financières. Intel, en pleine course effrénée aux capitaux pour sa division de fabrication pour tiers, a décidé de frapper à la porte la plus inattendue : celle d’Apple. La même entreprise qui, il y a quatre ans, annonçait fièrement sa transition vers ses propres puces « maison », laissant Intel sur le bord de la route.

Si Tim Cook et les actionnaires venaient à accepter, Apple ne serait pas la première victime du bourreau des cœurs bleu. Une vaste tournée de financement a déjà vu le gouvernement américain prendre une participation significative, le conglomérat japonais SoftBank signer un chèque de deux milliards, et même le concurrent NVIDIA poser cinq milliards sur la table. Chaque nouvel investisseur est présenté comme une victoire, mais l’accumulation de ces alliances ressemble de plus en plus à une tentative désespérée de colmater les brèches d'un navire qui prend l'eau. L'argent est une chose, mais la crédibilité en est une autre, et c'est bien elle qu'Intel cherche à acheter.

Apple, la belle indifférente

Du côté de Cupertino, on observe probablement la scène avec une distance amusée. Apple n’a fondamentalement pas besoin d’Intel. Son partenaire principal, le taïwanais TSMC, construit déjà des usines de pointe sur le sol américain pour produire ses précieuses puces. Pourquoi donc Apple envisagerait-elle de secourir son ancien fournisseur ? La réponse tient en deux mots : levier et diversification. Un investissement, même modeste, donnerait à Apple un droit de regard et une solution de secours au cas où sa relation exclusive avec TSMC connaîtrait des turbulences.

La politique américaine actuelle pourrait aussi peser dans la balance. L'administration Trump voit Intel comme un fleuron technologique dormant et la clé de voûte de sa stratégie d'indépendance sur les semi-conducteurs, tandis que le transfert de technologie de TSMC depuis Taïwan vers le pays aux 50 états traîne et que la perspective d'invasion chinoise se fait de plus en plus pesante. Dans ce contexte, quoi de mieux pour Apple qu'un investissement dans le fondeur historique ? Cela pourrait donner des leviers à l'entreprise de Cupertino pour négocier une exemption sur de futures taxes douanières.

Tim Cook et Donald Trump sur une chaîne d'assemblage de Mac Pro, à l'époque équipé d'un Intel Xeon... © Flickr

Mais il ne faut pas s'y tromper. Pour qu'Apple daigne ne serait-ce qu'envisager de confier la fabrication d'une partie de ses joyaux technologiques à Intel, ce dernier devra faire bien plus que des promesses. Il lui faudra prouver que sa technologie est à la hauteur, que ses rendements sont impeccables et que ses coûts sont compétitifs. La barre est extraordinairement haute, et pour l'instant, Intel est encore loin du compte. Les discussions actuelles, qualifiées de préliminaires, pourraient n'être rien de plus qu'un ballon d'essai.

Source : The Register