Des chercheurs du CERN ont réussi à transformer des noyaux de plomb en atomes d’or. Le phénomène est confirmé sur le plan physique, mais les conditions pour y parvenir le rendent inutilisable en dehors du laboratoire.

- Le CERN a réussi à transformer des noyaux de plomb en or grâce au Grand collisionneur de hadrons.
- La méthode implique des « collisions ultra-périphériques » nécessitant des ressources énormes, rendant l'or inutilisable commercialement.
- Les expériences aident à enrichir les connaissances en physique nucléaire et à comprendre des phénomènes cosmiques extrêmes.
Changer un métal en un autre. Pendant des siècles, des alchimistes ont cherché comment produire de l’or à partir du plomb. Leur idée n’était pas absurde. Elle attendait juste que la science avance. Au CERN, à Genève, des expériences menées entre 2015 et 2018 ont permis d’observer cette transformation à l’échelle atomique.
L’équipe a publié ses résultats dans la revue Physical Review C, en mai 2025. Le plomb peut devenir de l’or. Mais dans des conditions si extrêmes que le phénomène reste hors d’atteinte pour tout usage pratique.
Créer de l’or demande un accélérateur, des collisions et beaucoup d’énergie
Le plomb contient 82 protons. L’or en contient 79. Il faut donc en retirer trois pour provoquer la transformation. À l’échelle du noyau, cela implique une réaction nucléaire. Les chercheurs utilisent pour cela le Grand collisionneur de hadrons (LHC), un tunnel circulaire de 27 kilomètres enfoui sous terre entre la Suisse et la France.
Dans ce dispositif, des ions lourds sont accélérés puis lancés l’un contre l’autre à des vitesses proches de celle de la lumière. Leurs champs électromagnétiques entrent en interaction, même sans collision directe. Ce type de réaction, appelé « collision ultra-périphérique », peut entraîner l’émission de protons ou de neutrons. Si le plomb perd exactement trois protons, il devient de l’or. C’est rare, mais la transformation se produit.
Les expériences montrent aussi que d’autres éléments apparaissent, comme le mercure ou le thallium. Les noyaux obtenus sont analysés à partir des particules secondaires qu’ils produisent. Les chercheurs s’appuient sur des modèles comme RELDIS pour comparer les prédictions théoriques avec les mesures effectuées. Le taux d’accord est bon, mais les écarts atteignent parfois 25 %, ce qui montre que certains paramètres doivent encore être ajustés.
Ces observations intéressent les spécialistes de physique nucléaire. Elles permettent de mieux comprendre les mécanismes qui agissent dans des milieux extrêmes, comme les supernovas ou les collisions d’étoiles à neutrons, où naissent les éléments les plus lourds de l’univers.

L’or obtenu n’est ni visible, ni exploitable, ni durable
La quantité produite reste microscopique. Pendant quatre ans d’expérience, le LHC n’a généré que quelques noyaux d’or, chacun présent pendant une fraction de seconde. « Le total reste des milliers de milliards de fois inférieur à la quantité qu’il faudrait pour fabriquer un bijou », rappelle le CERN. Il est donc impossible d’en extraire une quelconque valeur matérielle.
D’autres limites techniques s’ajoutent. L’énergie nécessaire à cette transformation est immense. Le fonctionnement d’un accélérateur comme le LHC mobilise des installations lourdes, des milliers de capteurs, et des équipes entières chargées d’analyser les données. À ce jour, aucun procédé industriel ne permettrait de reproduire ce phénomène à plus grande échelle.
L’instabilité des produits formés complique aussi l’équation. Certains noyaux se désintègrent très rapidement. D’autres deviennent radioactifs. Même dans les rares cas où un atome d’or stable apparaît, il ne persiste pas assez longtemps pour être isolé.
Le rêve des alchimistes, lui, prend une tournure inattendue. La méthode existe, mais elle demande des conditions extrêmes et ne produit rien d’utile. Ce qui comptait comme un mythe devient une réalité scientifique, sans conséquence économique. Les chercheurs l’ont démontré dans un cadre strictement expérimental.
L’intérêt est ailleurs. Les données récoltées aident à affiner les modèles de réaction nucléaire, à prévoir le comportement des noyaux instables, et à améliorer la compréhension des interactions fortes. Ces recherches croisent aussi les enjeux de sûreté nucléaire, de gestion des déchets radioactifs, ou d’astrophysique théorique.
La transmutation existe. Elle n’a plus rien de mystique. Elle s’observe dans les chambres de détection du CERN, dans le sillage des photons gamma, au cœur de collisions orchestrées à l’échelle subatomique. Mais elle ne remplit pas de coffres.
Source : 20minutes.ch, Physical Review Journals