Jessica Jones : la recette pas si secrète de Netflix pour pousser au binge watching

23 novembre 2015 à 12h35
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Netflix a ajouté une nouvelle série à son catalogue, vendredi 20 novembre : Jessica Jones, le second show sur les cinq que proposera la plate-forme autour des licences Marvel. Peut-être avez-vous passé le week-end à visionner toute la saison... On vous explique pourquoi.

Après Daredevil, c'est au tour d'une nouvelle héroïne Marvel de débarquer en exclusivité sur Netflix : Jessica Jones, incarnée par l'Américaine Krysten Ritter, jusque-là assez peu connue en France et plutôt abonnée aux seconds rôles. Son personnage, Jessica Jones, super-héroïne torturée reconvertie en détective privée, était elle aussi peu connue du grand public non lecteur de comics. Grâce à la plateforme de SVOD, la donne va assurément changer.

Pousser au visionnage

Les réseaux sociaux en sont témoins : les utilisateurs de Netflix ayant passé une bonne partie de leur week-end devant le service, dans l'optique d'engloutir les 13 épisodes de la première saison de Jessica Jones, sont nombreux. La plate-forme a fait depuis longtemps du binge watching - ou netflixing - l'un de ses fers de lance. Une démarche qui passe tout d'abord par l'interface de Netflix, repensée cette année pour mener l'utilisateur vers le programme avec le moins d'effort possible : il suffit de rester quelques secondes sur la fiche d'un contenu pour que le service identifie un intérêt, et se décide de lui-même à en lancer la lecture.

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Une nouvelle interface dont nous avait parlé Neil Hunt, responsable de l'innovation produit du service, en septembre dernier. Mais quel que soit l'interlocuteur de Netflix que l'on trouve en face de soi, on entend le même message : proposer un maximum de contenu de qualité, facilement accessible.

L'interface de Netflix fait clairement partie de la promesse de l'accessibilité. Un épisode de série qui se lance rapidement, c'est la possibilité de happer immédiatement le spectateur. Pour avoir une idée de quand le spectateur/consommateur se retrouve littéralement accro à une série, Netflix est même allé jusqu'à creuser dans ses statistiques pour déterminer le moment où l'utilisateur ne décroche plus.

En septembre dernier, on découvrait notamment que les spectateurs de Breaking Bad et de The Walking Dead restaient la plupart du temps accrochés à ces séries dès le premier épisode de la première saison. Pour Orange Is the New Black et Sense8, le moment charnière se situe dans l'épisode 3. Pour Netflix, ces données sont précieuses, parce qu'elles démontrent que tout n'est pas joué dès le pilote. Une tendance qui peut se vérifier lors des diffusions télévisées, où un pilote peut réaliser une très bonne audience de par l'effet de curiosité, pour ensuite s'effondrer les semaines suivantes. Mais la plate-forme de SVOD a une carte à jouer sur ce point, puisqu'elle distribue ses séries directement en pack de saisons.

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Des enjeux de réalisation

On en arrive à un second point stratégique important, de plus en plus perceptible dans les séries originales proposées par Netflix : la construction scénaristique. Car ce n'est pas tout de proposer au spectateur d'enchaîner frénétiquement les épisodes, encore faut-il que ce dernier ait envie de rester scotché devant son téléviseur pour découvrir la suite de l'intrigue.

A ce titre, Jessica Jones répond à une dynamique similaire à une grande quantité de programmes exclusifs distribués par Netflix : celle d'une construction scénaristique fluide, axée sur une intrigue en particulier, et qui ne se disperse pas. A l'inverse d'autres shows, comme The Walking Dead, qui n'hésitent pas à provoquer une rupture et consacrer un épisode entier à un personnage, laissant une intrigue forte en suspens, la série de Netflix trace sa route. Au final, on a davantage le sentiment d'avoir visionné un film de 11 heures qu'une saison de 13 épisodes de 52 minutes. Une impression d'autant plus accentuée si l'on a passé le week-end devant.

D'ailleurs, en parlant de week-end : au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, toutes les séries inédites de Netflix débarquent toujours au catalogue un vendredi. Cette année, cela a pu se vérifier pour Daredevil (vendredi 10 avril), Sense8 (vendredi 5 juin), Orange is the new black (vendredi 12 juin), Narcos (vendredi 28 août) ou encore Jessica Jones. Le timing fait partie intégrante de la stratégie de la plate-forme, qui espère bien profiter de l'effet week-end partout dans le monde.

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Netflix ne cache pas sa stratégie : le service explique lui-même travailler en étroite collaboration avec les développeurs de contenu sur ses programmes originaux, et pas uniquement sur les moyens techniques, comme le développement des tournages en Ultra HD. La démarche va bien plus loin : créer des séries aux mécaniques subtiles, dont les cliffhangers de fin d'épisode sont aussi efficaces que ceux des programmes hebdomadaires, tout en appelant un enchaînement direct sur les événements qui suivent. D'ailleurs, la plate-forme a également fait le choix d'esquiver le générique de début d'épisode lorsqu'on décide d'enchaîner dans son visionnage.

Un modèle limité ?

Mais l'effet long-métrage à rallonge commence à se voir. Et, malgré les stratagèmes appliqués, tout le monde ne peut pas passer un samedi ou un dimanche entier devant son écran, pour de multiples raisons. Interrompre le visionnage d'une série conçue pour être bingée, regardée comme un film, entraîne-t-il une perte de saveur sur l'ensemble ? C'est notamment l'une des critiques réalisées cet été sur Sense8, la série de Lana et Andy Washowski. Une intrigue chorale, mêlant les péripéties vécues par huit personnages, dont la complexité peut rapidement faire décrocher. D'autant plus lorsqu'on fait une pause de plusieurs jours dans le visionnage.

La mécanique de la série à enchaîner, et non à suivre, a donc ses limites, et pas uniquement vis-à-vis du public qui sait limiter son visionnage. Le binge watching en lui-même pose problème à de nombreux observateurs du phénomène. Car si les moyens mis en œuvre pour produire une série n'ont désormais plus grand-chose à envier aux blockbusters hollywoodiens, le modèle initial, à base de suspense et de cliffhangers, est chamboulé par les méthodes proposées par des plates-formes comme Netflix.

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Bien que le suspense soit toujours requis pour pousser le spectateur à voir la suite, il ne dispose plus, comme à la télévision « classique », d'un délai d'attente d'une semaine ou plus avant d'en connaitre le dénouement. C'est aussi pour ça qu'un utilisateur de Netflix aura plus tendance à donner son avis sur une saison entière de série que sur un final d'épisode en particulier, car ce dernier, même s'il peut être tout aussi intense, perd de sa puissance par un enchaînement permanent. C'est probablement pour cette raison qu'on peut lire actuellement des avis globaux sur la première saison de Jessica Jones, plus que sur des épisodes en particulier.

La tendance risque de perdurer dans ce sens, Netflix renforçant de plus en plus son offre de séries ces deux dernières années. L'effet pervers de cette démarche, c'est qu'au lieu de profiter, une bonne partie de l'année, du suspense distillé par ses séries, comme le font de nombreuses chaînes de télé, le service crée petit à petit une communauté de consommateurs express, qui vit intensément une saison entière le temps d'un week-end, puis passe à autre chose. Si la tendance et la cadence s'accélèrent, Netflix va devoir trouver un moyen d'occuper ses abonnés 52 week-end par an...

Audrey Oeillet

Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques...

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Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques, sans oublier les gadgets et autres actualités insolites liées à l'univers du hi-tech. Et comme il n'y a pas que les z'Internets dans la vie, j'aime aussi les jeux vidéo, les comics, la littérature SF, les séries télé et les chats. Et les poneys, évidemment.

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