Derrière les discours sur la souveraineté numérique, la France continue de s’appuyer sur un acteur américain clé pour ses missions de renseignement les plus sensibles. Une dépendance assumée, mais toujours inconfortable.

©Nerza / Shutterstock
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Depuis près de dix ans, la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) s’appuie sur les technologies d’une entreprise américaine pour analyser des volumes massifs de données sensibles. Une collaboration longtemps discrète, désormais officiellement reconduite, qui illustre les difficultés persistantes de la France à se doter d’une alternative souveraine crédible dans un domaine stratégique : l’exploitation du big data au service de la sécurité nationale.

Un partenariat vieux de dix ans, décidé dans l'urgence et aujourd'hui pérennisé

La relation entre la DGSI et Palantir remonte aux lendemains immédiats des attentats du 13 novembre 2015. À l’époque, les services de renseignement français font face à une pression opérationnelle inédite, avec des masses d’informations à collecter, croiser et analyser dans des délais extrêmement courts. Palantir, qui venait tout juste d’installer une antenne en France, disposait alors d’un avantage décisif : une solution déjà éprouvée pour exploiter des volumes de données à très grande échelle.

Selon la DGSI, il s’agissait tout simplement du seul outil disponible sur le marché capable de répondre à ces besoins critiques. Comme d’autres services de renseignement occidentaux, la France a donc fait le choix d’une solution étrangère, en assumant un compromis entre efficacité opérationnelle et souveraineté technologique. Il fallait réagir vite pour anticiper d'éventuelles nouvelles attaques sur le sol français.

Depuis, le contrat a été renouvelé à plusieurs reprises, en 2016, 2019 puis 2022. En ce mois de décembre 2025, Palantir a confirmé la reconduction de ce partenariat pour trois nouvelles années. L’entreprise continuera de fournir son logiciel d’analyse à la DGSI, notamment pour les missions de contre-terrorisme, mais aussi pour d’autres enjeux liés aux ingérences étrangères et aux menaces cyber.

Des liens de plus en plus renforcés entre l'entreprise américaine et l'Etat français qui posent question

Ce partenariat n’a jamais cessé de susciter des interrogations, voire de faire grincer quelques dents. Qu’un service de renseignement français repose sur la technologie d'une entreprise américaine pose inévitablement la question de la souveraineté des données, d’autant plus dans le contexte juridique du Cloud Act américain. Palantir assure pourtant que toutes les données sont hébergées sur les infrastructures de ses clients, sur des réseaux isolés, et que seuls des personnels français habilités peuvent y accéder.

Malgré ces garanties, la DGSI n’a jamais caché que cette solution devait être transitoire. Dix ans plus tard, force est de constater que l’alternative française tarde à émerger. Plusieurs projets ont été évoqués, dont l’alliance Athea entre Thales et Eviden, sans jamais aboutir à une solution opérationnelle capable de remplacer Palantir sans rupture.

En attendant, les missions confiées à l’entreprise américaine se sont élargies, le signe d’un ancrage de plus en plus profond. Et Palantir ne se limite pas au secteur public : en France, l’entreprise revendique des clients parmi les grands groupes industriels et financiers (on peut citer Airbus, Scor, Stellantis ou encore la Société Générale), et affirme que la majorité de son chiffre d’affaires national provient désormais du privé.

Controversée à l’international pour ses liens avec des opérations militaires et de surveillance, Palantir n’en reste pas moins en pleine croissance. Portée par l’essor de l’IA et le retour en force des enjeux de défense, sa valorisation boursière atteint aujourd’hui des sommets.

Pour la France, le problème reste entier : continuer à dépendre d’un acteur étranger redoutablement efficace, ou accepter le risque opérationnel d’une transition vers une souveraineté encore inachevée. Vase débat, quand on connait les enjeux en matière de sécurité.

Source : Les Echos

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