En étudiant les mouvements de plasma piégé dans le champ magnétique terrestre, une équipe de physiciens vient d'y déceler un phénomène inédit, que l'on pensait possible uniquement dans la couronne du Soleil. Une torsion soudaine des lignes de champ, comme un zigzag : une preuve que les vents solaires peuvent provoquer ici-bas les mêmes phénomènes abrupts et tortueux qui agitent la haute atmosphère de notre astre.

Situé à plusieurs milliers de kilomètres sous nos pieds, le noyau externe terrestre (un océan bouillonnant de métaux en fusion) génère le champ magnétique qui protège notre planète des ardeurs de notre étoile : vents solaires ou éjections de masse coronale, par exemple. Sans lui, l'atmosphère terrestre n'existerait tout simplement pas et la vie n'aurait jamais pu se développer sur Terre.
C'est dans cette enveloppe protectrice, la magnétosphère, que se trouve un plasma (gaz chauffé et ionisé composé d'un mélange de particules chargées électriquement) qui circule en suivant des lignes imaginaires, les lignes de champ.
De nos jours, l'organisation du champ magnétique terrestre est, en théorie, fondamentalement comprise : certaines lignes sont dites « fermées », car elles partent de la Terre pour y revenir ; d’autres sont « ouvertes », lorsqu’elles se prolongent dans l’espace et croisent les flux de plasma solaire. C’est dans cette région que le champ magnétique s’agite le plus vivement : les lignes peuvent s'y rompre avant de se reconnecter (un phénomène appelé reconnexion magnétique), entraînant des transferts d’énergie et de plasma.
Néanmoins, jusqu'à aujourd'hui, jamais nous n'avions observé ces torsions, propres à l'environnement solaire : les « magnetic switchbacks », de brusques revirements durant lesquels une ligne de champ change brièvement de direction avant de revenir à son état premier.
Emily McDougall et Matthew Argall, physiciens de l’Université du New Hampshire, sont les premiers à avoir détecté cette structure, en analysant les mesures de la mission MMS (Magnetospheric Multiscale) de la NASA. Leurs résultats ont été publiés au mois de septembre dans la revue Journal of Geophysical Research: Space Physics.
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Des zigzags dans le champ magnétique terrestre : une torsion magnétique exceptionelle
Selon l'analyse des deux chercheurs, ces switchbacks ne peuvent se produire qu'au moment où le plasma terrestre se mélange à un apport plasmatique venu du Soleil. La rencontre de ces deux « populations » de plasma, différentes en énergie et en vitesse, génère une forte perturbation, créant une zone de reconnexion magnétique, où les lignes de champ se rompent et se reforment, produisant alors le fameux zigzag capté par la mission MMS.
« Nous observons ici un mécanisme très similaire à celui détecté près du Soleil », expliquent-ils, « lorsque des lignes de champ ouvertes interagissent avec des boucles fermées ».
Cela signifie donc que notre magnétosphère n'est pas si hermétique que cela : elle peut laisser passer, ponctuellement, des flux de particules suffisamment énergétiques pour déstabiliser les lignes de champ terrestre. Il est assez stupéfiant d'imaginer que des phénomènes si extrêmes, normalement provoqués par l'environnement solaire, peuvent apparaître à des dizaines de milliers de kilomètres de la surface terrestre.
Pourquoi ces zigzags changent notre vision des tempêtes géomagnétiques ?
Outre le caractère exceptionnel du phénomène, l’observation de ces switchbacks près de la Terre ouvre un champ d’étude totalement nouveau en physique spatiale (héliophysique, notamment). « Cette découverte fournit de nouveaux indices sur la manière dont des perturbations similaires peuvent se former à la frontière entre différentes régions de plasma », écrivent McDougall et Argall.
Ces zigzags nous montrent, à échelle locale et réduite, comment l'énergie de notre astre parvient à pénétrer la magnétosphère, en forçant les lignes de champ terrestres à se reconnecter pour absorber l’intrusion du vent solaire. Cette reconnexion est finalement un des facteurs les plus importants pour déterminer l'intensité d'une tempête géomagnétique. Plus la torsion est soudaine, plus le transfert d’énergie du vent solaire vers les lignes de champ terrestres est efficace, et plus la magnétosphère est contrainte de redistribuer cette énergie sous forme de perturbations.
Même si ce switchback est le premier à être observé, il est hautement probable que d'autres aient pu se produire par le passé ou que le phénomène se répète à l'avenir. S'il est possible un jour de les identifier avant qu'ils ne se développent, ils seront d'excellents indicateurs (l'équivalent des sismographes pour les séismes) dans la mesure où ils rendent plus facilement visible la dynamique interne des reconnexions magnétiques. Un processus central dans la formation des tempêtes géomagnétiques, mais que l'on peine encore à mesurer correctement : un manque qui nous met en difficulté pour les anticiper. De tels événements sont, rappelons-le, très dangereux pour nos réseaux électriques et nos satellites, et les prévoir plus longtemps à l'avance reste le meilleur moyen pour limiter les dégâts.
Source : Science Alert