Google sort l'artillerie lourde et supprime 749 millions d'adresses menant à Anna's Archive, la bête noire des éditeurs. Une démonstration de force qui prêterait à sourire, quand on sait que, dans le même temps, les géants de l'intelligence artificielle sont accusés de piller allègrement ces mêmes contenus piratés.

© Shutterstock
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Le bras de fer entre les ayants droit et les archives pirates vient de connaître un épisode spectaculaire. En déréférençant massivement les liens vers cette immense bibliothèque de l'ombre, Google envoie un signal fort, sous la pression constante des maisons d'édition. Mais ce grand nettoyage, aussi massif soit-il, soulève une question embarrassante : cette lutte contre le piratage est-elle à géométrie variable ?

Une opération « mains propres » en trompe-l'œil

Sur le papier, l'action a de quoi impressionner. S'attaquer à Anna's Archive, ce n'est pas viser un simple site, mais un véritable hydre numérique, un agrégateur de bibliothèques clandestines comme Z-Library ou Library Genesis, conçu pour être insaisissable. En supprimant l'accès à des centaines de millions d'adresses, Google coupe l'une des principales voies d'accès du grand public à des millions de livres et d'articles scientifiques offerts sans autorisation.

Anna's Archive - © Clubic
Anna's Archive - © Clubic

Pourtant, cette manœuvre ressemble à un coup d'épée dans l'eau. Anna's Archive, par sa nature décentralisée, a déjà mis en place d'innombrables sites miroirs et des méthodes de partage alternatives. L'ogre Google coupe une tête, dix autres repoussent aussitôt. L'effort est louable, mais semble ignorer la réalité d'un écosystème pirate qui a toujours plusieurs coups d'avance.

L'éléphant dans la pièce : le pillage industriel par les IA

Le plus ironique dans cette histoire est sans doute le calendrier. Pendant que Google joue les shérifs du droit d'auteur, ses voisins de la Silicon Valley sont justement accusés de se servir sans la moindre gêne dans ces mêmes rayons illégaux. Meta est poursuivie en France pour avoir entraîné son intelligence artificielle Llama avec la base de données Books3, qui contient près de 200 000 livres piratés, dont de nombreuses œuvres françaises.

Et Meta n'est pas un cas isolé. Anthropic, développeur du robot conversationnel Claude, vient d'accepter de verser 1,5 milliard de dollars pour clore des poursuites l'accusant d'avoir alimenté ses modèles avec des milliers de livres téléchargés illégalement. On assiste donc à un étrange deux poids, deux mesures : on bloque l'accès aux particuliers, mais on ferme les yeux sur un pillage à l'échelle industrielle qui sert à construire les technologies de demain. La croisade de Google contre Anna's Archive a soudain un goût d'inachevé, voire d'hypocrite. La véritable bataille pour le droit d'auteur ne se joue plus sur les moteurs de recherche, mais dans les centres de données des géants de la technologie.

Source : Lifehacker