Gameloft : du succès au vacillement

01 novembre 2014 à 15h02
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Acteur historique de l'industrie du jeu vidéo sur mobile, Gameloft a réussi à s'offrir une place de choix sur le marché mondial. Au fil des années, l'éditeur est parvenu à négocier les virages technologiques et trouver un modèle stable, basé sur les partenariats. Mais à l'heure du freemium, la société voit son chiffre d'affaires ralentir, et la confiance de ses investisseurs s'envoler.

Il est certain que le Français Gameloft a su profiter de l'avènement du jeu vidéo sur mobile. Lancé en 1999, ce parent proche d'Ubisoft est devenu numéro 1 en France et fait partie des leaders mondiaux de l'industrie. Selon son fondateur, Michel Guillemot, 1 million de jeux Gameloft sont téléchargés chaque jour.

Mais en fin d'année 2013, la société a publié des résultats annuels décevants. Au mois de juillet dernier, les 55 millions d'euros de chiffre d'affaires du second trimestre, inférieurs de 3 millions d'euros aux prévisions, ont enfoncé un peu plus le clou. A la suite de ces résultats, le titre a perdu 20% en bourse.

Attraper le train du mobile et négocier les virages

Quand Michel Guillemot, l'un des 5 frères à l'origine d'Ubisoft, décide de se lancer dans l'aventure Gameloft, il est déjà convaincu que le jeu sur téléphone portable est un marché d'avenir, et qu'il touchera un large public. L'homme d'affaires avait non seulement vu juste, mais son entreprise a également réussi à négocier tous les virages pris par l'industrie de la téléphonie mobile. De l'arrivée du langage Java, qui va jouer un rôle clé dans le développement de la société, à l'avènement des smartphones et leurs magasins d'applications.

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Pour Cyril Guilleminot, actuel directeur de Gameloft France, c'est la « réactivité » de l'entreprise qui a fait son succès. Sa capacité à s'adapter rapidement, et à « s'ouvrir à un large public ». Et pour cela, Gameloft a inondé le marché. Actuellement, la société a plus de 500 jeux en circulation et lance 15 à 20 nouveaux titres par an.

Une stratégie rendue possible grâce aux 27 studios de développement qu'elle possède, et à sa présence dans de nombreux pays. Dès le départ, son fondateur a voulu que l'entreprise ait « une présence locale dans les endroits qui comptent », nous explique Cyril Guilleminot. C'est-à-dire, d'une part, là où se trouvent sa clientèle, et d'autre part, là où se situent les principaux distributeurs avec lesquels Gameloft établie ses partenariats.

Les partenariats, cœur de la stratégie de Gameloft

Pour réussir, Gameloft avait besoin de visibilité. Très tôt, la société a donc cherché des partenariats du côté des opérateurs, qui ont la mainmise sur la distribution d'applications : « le marché démarrait à peine, les jeux étaient disponibles sur les portails des opérateurs ». Le succès des smartphones et de leurs magasins d'applications ont raccourci les circuits de distribution et relativisé l'influence des opérateurs en la matière. Les principaux distributeurs des jeux Gameloft deviennent logiquement l'App Store d'iOS et le Play Store d'Android. Dans une moindre mesure, l'éditeur est présent sur le Windows Store, sur certaines télévisions et chez certains opérateurs mobiles à divers endroits du globe.

L'un des autres grands atouts de la société, c'est sa présence sur de nombreux terminaux. L'éditeur multiplie les accords avec les principaux constructeurs de smartphones, afin qu'ils intègrent nativement les jeux de la société sur leurs appareils : « c'est une de nos activités historiques, nous travaillons beaucoup avec les constructeurs, ceux que nous connaissons depuis des années, et les nouveaux, qui viennent notamment d'Asie », ajoute le directeur France de l'entreprise.

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L'acquisition de licences est également centrale à l'activité de l'éditeur. « Ils vont acheter une licence, et faire des jeux autour, c'est un appel à l'audience, soutenu par de gros moyens de production », nous explique Charles Christory, directeur général et fondateur de l'éditeur français Adictiz. De nombreux titres résultent d'achats de licences, notamment dans le secteur cinématographique (L'âge de glace, Monster's university, Cars), la bande dessinée (Captain America, Spiderman, Iron man), ou les jouets (Playmobil, Mon petit poney). Gameloft adapte aussi les licences d'Ubisoft telles que Rayman, Assassin's Creed ou Prince of Persia. Dans le monde du jeu vidéo, l'éditeur s'est déjà vu reprocher un manque d'originalité pour cette raison.

Monétiser le freemium, une manœuvre d'équilibriste

Aujourd'hui, Gameloft voit ralentir la croissance de son chiffre d'affaires. Il faut dire que « Le marché est devenu riche mais aussi hyper compétitif », affirme le directeur de Gameloft France. Un avis partagé par Charles Christory : « il y a moins d'opportunités qu'il y a 3 ans, obtenir de l'audience est un challenge, puis, il faut arriver à transformer les clients en payeurs, c'est un second challenge ».

Pour cela, Gameloft propose depuis 3 ans des titres gratuits, dont le modèle économique repose sur les achats intégrés afin d'ajouter des fonctionnalités au jeu. En général, ces produits contiennent également des publicités. C'est ce qu'on appelle le freemium. Comme auparavant, la société propose encore quelques jeux « premium », c'est-à-dire payants au moment du téléchargement, mais « la demande va clairement vers le freemium ».

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Seulement, à cause des derniers résultats trimestriels, la capacité de Gameloft à monétiser ses titres freemium est mise en doute par les investisseurs. Aucun jeu n'aurait représenté plus de 10% des ventes de l'éditeur. Gameloft a bien tenté d'améliorer la monétisation de ses produits mais à plusieurs reprises, la société a fait marche arrière. Comme pour Asphalt 7 par exemple. L'entreprise avait tenté d'intégrer la publicité Airpush (publicités dans la barre de notification du terminal) à son jeu, mais elle avait ensuite proposé une méthode pour se débarrasser de ce système quelque peu agressif. Face aux critiques des joueurs, l'éditeur avait également retiré la publicité de Hero of Sparta 2, après avoir reconnu qu'elle détériorait l'expérience de jeu. Difficile donc de trouver un équilibre.

Le passage au freemium semble compliqué pour Gameloft, et l'éditeur peine à rassurer les investisseurs qui s'interrogent sur le potentiel de croissance de l'entreprise. Mais dans ce contexte très compétitif, il reste tout de même des leviers de croissance. Gameloft s'intéresse particulièrement aux pays émergents, où la demande en matière de jeux vidéo commence à peine à se développer. L'éditeur devra donc parvenir à négocier ce nouveau virage.
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