Indiescovery #3 : Stardew Valley, le retour aux sources

Kevin Gainche
Spécialiste gaming
18 décembre 2018 à 16h12
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Indiescovery, c'est votre nouveau rendez-vous avec le jeu vidéo indépendant. Une chronique libre rédigée avec passion après 2h12 de jeu exactement. Si on vous en parle, c'est qu'on a aimé. Bonne découverte !

Avant propos

...parce qu'en fait, j'aime bien.

Aujourd'hui dans Indiscovery (Indécouverte si l'on est réfractaire aux anglicismes sauvages), nous allons abandonner derrière nous les voyages sur la Lune et autres plongées dans les tréfonds du piratage informatique pour rejoindre un univers où il fait bon vivre, loin des turpitudes de la vie moderne. L'heure du retour à la terre est arrivée, place donc à Stardew Valley...

... Enfin presque, parce qu'avant d'entrer totalement dans le vif du sujet, il est nécessaire que je vous cause un peu d'Harvest Moon, un titre qui a fortement inspiré Eric Barone, le créateur de Stardew Valley (et unique personne à avoir travaillé dessus d'ailleurs).

Harvest Moon, c'est une série de jeux qui a vu le jour en 1996 sur Super Nintendo, et qui compte à l'heure actuelle une vingtaine de titres si l'on combine la série principale et ses dérivées. Véritable institution, Harvest Moon part toujours du même postulat, qui nous met dans les baskets d'un personnage héritant d'une ferme qu'il devra remettre en état, et faire prospérer à la sueur numérique de son front.

Indiscovery 3
Maurice, le héros du jour et heureux propriétaire de l'Indie Farm

Véritable simulation de vie fermière, se teintant parfois légèrement de fantastique, cette série a connu son heure de gloire au début des années 2000 avec ses épisodes Nintendo 64 et Gamecube, avant de lentement décliner, et perdre un peu de sa superbe vers les années 2010, la faute à des bisbilles entre l'éditeur Japonais à l'origine de la série, et son distributeur américain. Une querelle qui a accouché de deux branches distinctes, diluant peu à peu l'esprit originel de la série.

« Stardew Valley a remporté un franc succès [...], et continue encore aujourd'hui de faire parler de lui »


C'est ce constant déclin qui a poussé Eric Barone à lancer le projet Stardew Valley, avec la volonté de créer le Harvest Moon de ses rêves (et d'améliorer au passage ses compétences de développeur et d'artiste). Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a réussi son pari le bougre, car Stardew Valley a remporté un franc succès lors de sa sortie en 2016, et continue encore aujourd'hui de faire parler de lui régulièrement. La preuve, puisque c'est l'objet de cette bafouille, qui sort près de deux ans après le jeu (on n'est pas aux pièces hein ?!).

Stardew Valley

par ConcernedApe (2016)

Alors oui, Stardew Valley n'est pas un nouveau jeu, et vous en avez peut-être déjà entendu parler, voire, vous y avez même déjà joué. Mais pour ma part, et même si le jeu était sur mon radar depuis sa sortie, je n'avais encore jamais eu le temps d'y consacrer ne serait-ce que quelques heures (à mon grand désarroi). Mais cette chronique que l'on a bien voulu me confier est l'occasion pour moi de réparer cette erreur.

C'est donc armé de mon fidèle chronomètre, réglé sur ses deux heures douze habituelles, que je me suis lancé à l'aventure.

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Il parait que le travail c'est la santé...

Après une courte scène d'introduction, où l'on voit ce qui ressemble fort au décès du grand-père de votre avatar, et une courte création de personnage, l'on retrouve ce dernier enfermé dans son train-train quotidien, aliéné par la vie moderne au sein des bureaux de la Joja Corporation. Une entreprise qui semble à elle seule cumuler toutes les tares de la vie moderne. Enfermé dans son cube au beau milieu d'un open-space déshumanisé (en existe-t-il d'autres d'ailleurs ?), notre héros se souviendra alors des dernières paroles de son grand-père, et de son dernier cadeau.

« Et telle l'histoire de la vie tant vantée par les chants du Roi Lion, le cycle est sur le point de se répéter »


Une lettre, une simple lettre qui changera radicalement sa vie, et nous permettra de débuter véritablement l'aventure Stardew Valley. Le vieil homme nous indique en effet dans sa missive qu'il nous lègue son bien le plus précieux, sa ferme, qui lui a permis de fuir les vicissitudes du monde moderne, de se ressourcer, et de vivre une vie pleine et entière, en accord avec ses aspirations les plus profondes. Et telle l'histoire de la vie tant vantée par les chants du Roi Lion, le cycle est sur le point de se répéter puisque nous aussi, par le biais de notre avatar (nommé Maurice pour l'occasion), que nous allons nous lancer dans l'aventure agricole.

C'est donc ainsi que l'on débarque à Pelican Town, petite bourgade perdue au milieu de nulle part, afin de découvrir notre nouvelle demeure. Et le premier contact est pour le moins... décevant. En effet, les plus belles années de la ferme sont loin derrière elle, et ce qui devait autrefois être des champs verdoyants à perte de vue ne sont plus aujourd'hui que des champs de ruines, envahis de mauvaises herbes, de caillasse et autres souches. Youpi. La maison a elle aussi connu des jours meilleurs, mais la petite bicoque semble tout de même accueillante.

Après une brève rencontre avec Lewis, le maire du village et ancien ami de feu notre grand père, et Robin, la charpentière du coin, le temps sera venu de se retrousser les manches pour faire revivre la ferme, et découvrir tout ce que recèle Pelican Town.

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La mine, un lieu essentiel, et empli de mystères

Et c'est à ce moment précis que les choses intéressantes débutent. Car voyez-vous, Stardew Valley ne nous donne pas véritablement d'objectif précis lorsque l'on commence l'aventure. Et même si l'on sent bien qu'il va falloir redonner vie à la ferme, c'est en réalité toute communauté que l'on pourra revitaliser par notre présence, et nos actions au fil des jours qui passent.

Ainsi, pour mon premier jour à la ferme, j'ai commencé par débarrasser les devants de ma maison des herbes, racines et autres roches qui l'encombraient pour pouvoir biner la terre, et y planter mes premières graines. Après avoir travaillé d'arrache-pied, et épuisé une bonne partie de mes réserves d'énergie de la journée, c'est en bon voisin que je suis allé me présenter aux habitants de la ville.

« Bref, de petits amas de pixels bien vivants, qu'il faudra apprendre à découvrir au fil du temps, et des petites attentions que vous leur porterez »


Et là, j'ai découvert une ribambelle de personnages hauts en couleur, certains très « réels », d'autres plus fantasques (comme le chef de la guilde des aventuriers qui combat des monstres dans la mine), mais qui vivent tous leur vie au sein de Pelican Town, entretenant des relations les uns avec les autres, possédant leurs centres d'intérêt, leurs secrets. Bref, de petits amas de pixels bien vivants, qu'il faudra apprendre à découvrir au fil du temps, et des petites attentions que vous leur porterez.

Après avoir fait le tour du propriétaire, et m'être présenté à peu près à tout le monde, c'est le sentiment du devoir accompli que je suis allé me coucher, mon énergie proche de zéro, et prêt à réattaquer une nouvelle journée de dur labeur le lendemain.

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Linus, l'un des personnages hauts en couleur que l'on pourra croiser à Pelican Town

Et c'est ainsi que la routine s'est installée au fil des jours suivant. Chaque matin, j'ai dû m'occuper de mes cultures afin de m'assurer qu'elles arrivent à maturité. Puis, au gré de mes humeurs, j'ai pu aller explorer les profondeurs de la mine afin de récolter du minerai nécessaire aux améliorations de ma ferme, ou des pierres précieuses dont j'ai fait don au musée de la ville, dont les collections étaient bien vides.

J'ai pu aussi m'adonner aux joies de la pêche afin d'assurer ma subsistance, faire quelques emplettes au commerce de proximité de Pierre, plutôt qu'au JojaMart du coin, qui ne cherche qu'à étendre son emprise capitaliste sur la ville en rasant le centre communautaire pour en faire un entrepôt. Au gré de la récolte de ressources, j'ai aussi pu fabriquer clôtures, sols en bois et autres épouvantails afin d'organiser au mieux ma fermette.

Je me suis ensuite impliqué dans la vie de la communauté, en allant tailler le bout de gras avec mes voisins, en leur apportant des cadeaux le jour de leur anniversaire, ou en accomplissant de menues tâches pour leur compte.

Le soir venu, et si les efforts de la journée ne m'avaient pas rendu las, j'ai aussi pu aller faire un tour au troquet du coin afin d'écouter un peu de musique, boire un coup et converser à tête reposée avec mes congénères. En un mot comme en cent, j'ai vécu ma petite vie de fermier virtuel. Simple, répétitive, mais jamais pesante ni ennuyeuse.

« Un éloge de la répétitivité, qui réside dans l'accomplissement de petites tâches quotidiennes simples, qui nous guide vers une certaine forme d'accomplissement. »


Car c'est cela au final, l'essence même de Stardew Valley, et d'Harvest Moon avant lui. Un éloge de la répétitivité, qui réside dans l'accomplissement de petites tâches quotidiennes simples, qui nous guide vers une certaine forme d'accomplissement. Des petits riens qui s'ajoutent les uns aux autres, et dont la réalisation s'avère au final très satisfaisante. Une accumulation d'éléments qui nous obligent à prendre le temps, chose que l'on a du mal à faire au jour le jour, pris par les impératifs, personnels ou professionnels, qui nous poussent vers une fuite en avant perpétuelle.

Pour moi, Stardew Valley est une petite oasis de tranquillité qui m'a permis, durant un peu plus de deux heures (douze exactement), d'échapper à mon quotidien et ses contraintes.

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Neuf jours séparent ces deux images de ma ferme. Que de changements, et encore tant à faire


Car Stardew Valley, avec ses airs de petite simulation de vie gentillette, contient en réalité un message beaucoup plus profond. Le titre d'Eric Barone est une véritable réflexion sur la manière dont la vie moderne nous aliène chaque jour un peu plus, et nous coupe des petits riens qui rendent la vie plus supportable.

Un discours militant en somme, que l'on retrouve intégré dans de nombreux aspects du jeu et qui constituent un tout extrêmement cohérent, une alliance du fond et de la forme qui fait sens une fois que l'on a pris conscience de ce sous-texte.

Au final, ce brave Maurice, qui quitte sa vie professionnelle oppressante pour travailler à la ferme, c'est moi qui m'échappe pour jouer à Stardew Valley. Et c'est sur cette réflexion particulièrement profonde que je m'en vais vous quitter pour cette semaine, en espérant vous avoir donné envie d'aller, ne serait-ce que pour quelques heures, vivre une autre vie aux côtés des habitants de Pelican Town.

On vous laisse avec ce trailer du jeu (déjà disponible sur Steam) :

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