Le prix de l'électricité nucléaire française est évalué à 30,3 euros par mégawattheure, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Un chiffre qui fâche EDF et conditionnera nos factures dès 2026.

EDF et la CRE sont en désaccord sur le prix réel de l'électricité nucléaire française. © barmalini / Shutterstock
EDF et la CRE sont en désaccord sur le prix réel de l'électricité nucléaire française. © barmalini / Shutterstock

Imaginez une partie de poker où l'enjeu est le montant de votre facture d'électricité. Mardi, la Commission de régulation de l'énergie a posé ses cartes sur la table. Selon elle, le nucléaire français revient à 60,3 euros par mégawattheure. Le problème est qu'EDF conteste ce chiffre et avance plutôt le coût de production de 79,6 euros. Un écart de près de 20 euros, qui pourrait déterminer combien vous paierez votre électricité à partir de janvier prochain, comme l'alerte l'UFC-Que Choisir.

Pourquoi la CRE et EDF ne sont pas d'accord sur le coût du nucléaire

Les 57 réacteurs du parc historique français, y compris le tout récent Flamanville 3, ont été passés au crible par la CRE. La Commission a scruté chaque poste de dépense, de la maintenance au combustible, en passant par le démantèlement futur et la gestion des déchets. Elle arrive à un coût de production de 60,3 euros par mégawattheure pour la période 2026-2028. Ce montant reste quasi-identique à celui de 2023, fixé à 60,7 euros, malgré l'inflation qui a frappé entre-temps.

Pourtant, l'ancienne ministre déléguée du Logement, Emmanuelle Wargon, qui préside cette autorité administrative, tablait ces derniers mois sur une hausse à 66 ou 67 euros. Elle tenait compte de l'inflation qui a pesé sur les charges d'EDF depuis 2023. Mais des ajustements méthodologiques ont finalement compensé ces surcoûts, explique la Commission, qui a ramené l'estimation au même niveau qu'il y a deux ans.

De son côté, EDF refuse de manière catégorique cette version. Pour l'énergéticien public, exploiter ses centrales coûte 79,6 euros par mégawattheure, soit 32% de plus que ce qu'affirme le régulateur. Cette bataille d'estimations n'est pas qu'un débat d'experts, mais pourrait directement peser sur le porte-monnaie des Français, par le biais d'un tout nouveau mécanisme fiscal.

Comment fonctionne le nouveau système de taxation de l'électricité nucléaire

Faisons un petit retour en arrière. L'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique), créé en 2011 pour ouvrir le marché à la concurrence, imposait à EDF de vendre 100 térawattheures par an aux fournisseurs alternatifs au tarif fixe de 42 euros le mégawattheure. Ce système disparaît le 1er janvier 2026. Désormais, EDF vendra toute sa production nucléaire sur les marchés de gros, où les prix fluctuent librement autour de 62 euros actuellement. En contrepartie, le nouveau système, baptisé Versement nucléaire universel, prévoit de taxer lourdement EDF au-delà d'un certain seuil pour redistribuer cet argent aux consommateurs.

Le mécanisme repose sur deux seuils que le gouvernement doit fixer d'ici fin 2025. La loi de finances 2025 lui donne des marges de manœuvre. Le premier seuil de taxation peut être placé entre 5 et 25 euros au-dessus du coût de production établi par la CRE, le second seuil d'écrêtement entre 35 et 55 euros au-dessus. Une fois ces seuils choisis, les bénéfices d'EDF compris entre les deux seront taxés à hauteur de 50%. Ceux qui dépassent le second seuil subiront une taxation de 90%. Plus le gouvernement place les curseurs bas, plus la taxation s'appliquera rapidement.

La CRE anticipe déjà qu'aucun versement ne sera distribué en 2026. Avec une production estimée à 360 térawattheures, EDF devrait réaliser 23,7 milliards d'euros de revenus, soit un prix de vente moyen de 65,86 euros par mégawattheure. Le problème, c'est que ce montant ne dépasse le coût de production (60,3 euros) que de 5,56 euros, ce qui est insuffisant pour franchir même le seuil minimal de taxation, fixé entre 5 et 25 euros au-dessus du coût.

Sans taxation d'EDF, aucune redistribution n'est possible. Pendant ce temps, l'UFC-Que Choisir rappelle que la fin de l'Arenh au profit de ce nouveau système aurait fait bondir les prix de 19% si le changement était intervenu en 2025.