Deux mois avec la HAPIfork : une fourchette qui vous veut du bien

25 février 2014 à 16h02
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Deux mois avec la HAPIfork

Une fourchette permettant de manger mieux, une idée quelque peu saugrenue mais qui rentre dans la dynamique du quantified self, ou mesure de soi, une tendance à la mode dans le secteur des objets connectés. Passée la promesse très marketing, que vaut vraiment la HAPIfork à l'usage ?

Ma première rencontre avec la HAPIfork date du CES 2013. À l'occasion de la soirée de lancement du salon, le CES Unveiled, il était difficile de passer à côté du stand d'Hapilabs, au sein duquel le français Jacques Lépine présentait sa fourchette connectée au milieu d'un cercle de journalistes intrigués. Je ne me doutais pas qu'un an après, j'aurais cette fourchette dans la main pour manger !

Une promesse bien ambitieuse

Acquise à l'occasion de la campagne de crowdfunding qui s'est déroulée sur Kickstarter en août 2013, la HAPIfork est riche en promesses : « mangez mieux, ralentissez et perdez du poids » explique le site officiel d'Hapilabs. Voilà qui a de quoi faire rêver autant que de rendre perplexe, et c'est bien normal : une fourchette qui fait maigrir ? On aura tout vu.

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Le kit HAPIfork : l'étui, la fourchette et sa partie électronique (un câble USB est également fourni).

Il faut aller un peu plus loin que l'accroche commerciale pour comprendre la démarche de cet appareil. Ainsi, le site explique que des recherches scientifiques menées notamment au Japon et aux USA ont démontré que lorsqu'on mange moins vite, on permet à notre corps - précisément l'hypothalamus, le centre de la faim - de prendre le temps de mesurer ses besoins et d'arriver à satiété (c'est-à-dire ne plus avoir faim) avant d'avoir potentiellement terminé son assiette. Le site de SlowControl, qui fabrique la HAPIfork, liste d'ailleurs plus de 40 études témoignant de l'intérêt de manger plus lentement, pour de multiples raisons.

Mais toutes ces démonstrations scientifiques n'ont pas totalement effacé ma perplexité. Le mieux à faire restait donc d'expérimenter cette fameuse fourchette au quotidien pour en cerner les avantages et les inconvénients.

Se faire enguirlander par sa fourchette

J'ai commencé à utiliser sérieusement la HAPIfork début janvier 2014. Pour ce faire, je me suis inscrite sur le site de Hapilabs pour me créer un profil de suivi, puis j'ai installé le logiciel de synchronisation de la fourchette sur mon ordinateur. Elle se connecte en USB pour transférer les enregistrements du repas en ligne, mais également pour être rechargée. A noter qu'elle dispose également d'une connectique Bluetooth mais que peu de smartphones sont compatibles - côté Android, seul le Galaxy S4 est pris en charge à l'heure actuelle.

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Une fois ces quelques étapes effectuées, il ne reste plus qu'à utiliser la HAPIfork pour un maximum de repas, en vue de dresser un bilan de ses habitudes. En pratique, une fois allumée, la fourchette vibre lorsqu'on laisse moins de 10 secondes d'intervalle entre deux bouchées de nourriture - et donc, qu'on mange trop vite. Il est possible de paramétrer l'intervalle sur le compte en ligne, mais également l'intensité des vibrations.

Au début, sentir la fourchette vibrer est amusant, c'est aussi la preuve qu'elle fonctionne bien. A table, en famille ou entre amis, c'est un objet qui attire la curiosité et qui fait parler. Mes amis ont été les premiers à la découvrir, non sans une certaine perplexité. La faire passer de main en main et l'agiter pour la faire vibrer a complètement faussé mes premiers repas avec elle.

Une fois la découverte passée, j'ai fini par manger normalement, et par ressentir les vibrations différemment : la lumière rouge associée à ce petit vrombissement entre mes doigts me donnaient l'impression qu'on était en train de m'enguirlander, de me taper doucement sur la main pour me faire comprendre que j'avais un mauvais comportement. C'est une sensation assez étrange que celle d'avoir l'impression de se faire disputer par une fourchette.

Un accessoire difficile à oublier

Proposé dans un petit boîtier en plastique, la HAPIfork se glisse facilement dans un sac ou même dans une (grosse) poche, ce qui la rend pratique à transporter et difficile à oublier. Le souci, c'est qu'elle l'est aussi quand on l'utilise... plutôt lourde en raison de sa connectique intégrée, elle n'est évidemment pas discrète non plus et clignote en permanence lorsqu'elle est active.

Des détails certes, mais qui ont leur importance lorsqu'on est censé agir sans changer ses habitudes, du moins au départ. Car si la HAPIfork se destine à effectuer les fameuses « mesures de soi » liées à un repas, on s'avère facilement influencé, dans ses habitudes, par l'accessoire qu'on utilise. Et comme la fourchette connectée n'est pas discrète, elle a tendance à obnubiler un peu et à fausser la donne.

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Le connecteur USB est bien placé et protégé.

Je m'explique : les premiers jours, je surveillais que chaque bouchée soit bien prise en compte par la fourchette (lumière verte). Le temps passant, j'ai fini par moins y faire attention mais, parfois, j'avais un doute quant au fait qu'elle réagissait correctement. Pour vérifier, il m'arrivait alors de donner un coup de fourchette plus rapide pour pousser l'appareil à réagir : la mesure était alors biaisée. Et pour le naturel, on repassera.

Enfin, il faut également souligner que malgré tous les efforts de ses concepteurs pour optimiser les filtres des capteurs (les dispositifs permettant de discerner les différentes mouvements), la fourchette ne répond pas toujours comme elle le devrait lorsqu'on l'utilise. Si on ne l'incline pas assez, la bouchée peut ne pas être comptabilisée. Une limite qu'on est vite tenté de tourner à son avantage pour gober plus vite ses becquées, surtout quand elles sont petites. Sur ce point, il faut cependant noter qu'il est possible de choisir un profil dans les réglages de la fourchette, selon les habitudes que l'on a à table. Mais ces dernières peuvent varier selon les plats, et on ne va pas connecter sa fourchette toutes les dix minutes pour changer de profil en fonction...

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Le choc des statistiques

Au bout d'une semaine d'utilisation, je me décide finalement à connecter ma HAPIfork à mon PC pour la recharger et pour transférer les données liées à mes repas. Ma première lecture est un choc : si je ne crève pas les plafonds en termes d'excès de vitesse, je fais des repas très courts, moins de dix minutes en moyenne. C'est deux fois moins que la durée minimum recommandée par les nutritionnistes pour assimiler au mieux un repas.

Je doute, je panique : avec vingt-quatre secondes d'intervalle en moyenne entre chaque bouchée, où se situe le problème ? Je mets rapidement le doigt dessus : le problème, c'est la fourchette. Je ne m'en sers que pour un, voire deux plats maximum par repas. Nous sommes en hiver, je bois de la soupe. Je mange des yaourts. J'ai besoin d'une cuillère pour ça.

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Lors de sa présentation au CES, la HAPIfork avait un embout supplémentaire, en forme de cuillère. Quelques mois plus tard, à l'occasion d'une interview, les créateurs de la fourchette connectée m'ont expliqué qu'il s'agissait d'un prototype dont la commercialisation n'était pas encore prévue. Dommage, car c'est vraiment un accessoire qui manque à la HAPIfork, dont les limites se trouvent souvent dans la dernière bouchée du plat principal.

“ Ça n'empêche pas de manger gras ”



Durant mon expérience, j'ai eu l'occasion de discuter de la HAPIfork et de ses promesses à un médecin que je connais bien : mon frère. Il me confirme que si la théorie est juste, la pratique peut être très différente. « Ça n'empêche pas de manger gras. Si tu manges une pizza avec ta fourchette, ça n'allégera pas l'apport calorique, que tu manges lentement ou pas. »

Un commentaire plein de bon sens, qui ne fait que relever l'évidence : la fourchette, à elle seule, ne sert à rien. La promesse de perte de poids n'a de sens que si une alimentation équilibrée accompagne la démarche de « mesure de soi ». Et encore : après plusieurs semaines d'utilisation, je n'associe absolument pas la HAPIfork à un changement sur la balance. Si changement positif il y a eu, c'est en raison d'un changement de comportement alimentaire global. La fourchette n'a été, au mieux, qu'un rappel au cours des repas de cette démarche d'ensemble.

En ce sens, cet accessoire, destiné à être utilisé dans la vie de tous les jours, remplit sa fonction : il mesure effectivement la manière dont on mange et permet, au besoin, de réguler son coup de fourchette. En me fiant aux vibrations liées à mes bouchées trop rapides, j'ai appris à ralentir la cadence. Mais ça n'est cependant pas suffisant pour révolutionner ma manière de manger : la seule fourchette ne suffit pas. Et ça, Hapilabs le sait.

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Après quelques semaines d'utilisation, il y a quand même de l'amélioration.


Une proposition plus globale

Sur son site, Hapilabs propose d'ailleurs d'acheter un podomètre, nommé HAPItracks, présenté comme un compagnon de choix pour la HAPIfork. Il est possible de croiser les données du podomètre avec celles de la fourchette, pour disposer d'un début d'écosystème de quantified self centré autour des produits de l'entreprise. A terme, on peut imaginer d'autres produits connectés, comme une balance, par exemple.

Hapilabs, qui ne perd pas le nord, propose également une offre de coaching alimentaire en quinze étapes. Une proposition intéressante, mais qui rappelle notamment celles du site Aujourdhui.com, partenaire de solutions de régimes premium comme celles de Jean-Michel Cohen, Jean-Michel Gurret ou encore de la méthode Montignac. Et tout ça n'est pas un hasard puisque le fondateur et PDG d'Hapilabs n'est autre que Fabrice Boutain, également créateur d'Aujourdhui.com. Tout est lié !

Un accessoire fragile

Un mot, pour terminer, sur mon expérience avec l'appareil en dehors des repas : si la HAPIfork est faite pour être entièrement démontée en vue d'être lavée dans l'évier ou le lave-vaisselle, sa solidité laisse vraisemblablement à désirer. Bien évidemment, en dépit d'une résistance annoncée à un jet d'eau, l'électronique ne supporte pas pour autant une immersion. Imaginez ma frayeur après l'avoir laissée tomber dans l'évier rempli d'eau pour la nettoyer, toute juste sortie de sa boite !

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Une fissure inquiétante apparue en 2 mois seulement.

Et autant la section électronique semble bien splash proof, autant la partie en plastique semble, elle, nettement plus fragile : au bout de deux mois d'utilisation, j'ai pu constater l'apparition d'une fissure assez nette sur cette partie de la fourchette. Sachant que l'appareil n'est jamais tombé sur du dur et n'a jamais été lavé au lave-vaisselle, aucune agression violente ne peut justifier une telle situation. Il y a fort à parier que ce modèle, acquis en primeur via la campagne Kickstarter, essuie les plâtres d'une conception pas encore totalement éprouvée. Sa durée de vie est donc incertaine.

Conclusion

Si un premier bilan a été tiré après une quinzaine de jours d'utilisation, l'usage de la HAPIfork devient suffisamment instinctif pour que l'expérience puisse être prolongée durablement. Cependant, il ne faut pas s'attendre à un miracle : non, la HAPIfork ne provoquera pas une révolution sur la balance, même utilisée chaque jour, à chaque repas et pour chaque plat - ce qui relève du défi, notamment en raison de l'absence de cuillère.

Il s'agit cependant d'un accessoire intéressant permettant de contrôler la durée des repas et l'attitude de son utilisateur devant son assiette. Avec un peu de discipline, il est possible d'en tirer profit pour « manger mieux », c'est certain. Mais outre la prise de conscience entraînée par les mesures effectuées par la fourchette, l'intérêt au quotidien s'avère limité.

En somme, pour utiliser positivement la HAPIfork, mieux vaut avoir immédiatement conscience de ces quelques aspects : il s'agit d'un gadget de mesure de soi, pas d'un appareil miracle. Tout comme un podomètre ne vous informe que du nombre de pas que vous effectuez au quotidien, la HAPIfork n'indique que le nombre de coups de fourchettes que vous donnez lors de vos repas. Bon, ses mesures ne s'arrêtent pas là, mais c'est tout de même son but premier.

Pour le moment disponible uniquement via des sites américains comme Bookstone à un tarif de 100 dollars (environ 75 euros), la HAPIfork justifie assez mal son achat, il faut l'admettre, surtout en mettant en avant le fait qu'elle aide à maigrir. Elle peut cependant s'avérer utile à ceux qui veulent contrôler leur manière de manger, ce qui était mon cas : mais même si après deux mois d'utilisation je constate que mon rythme a bel et bien ralenti, il n'est pas certain que recommencerait un tel achat si c'était à refaire, en tout cas à ce prix.

  • Pour aller plus loin : notre plateau vidéo consacré à la HAPIfork

Audrey Oeillet

Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques...

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Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques, sans oublier les gadgets et autres actualités insolites liées à l'univers du hi-tech. Et comme il n'y a pas que les z'Internets dans la vie, j'aime aussi les jeux vidéo, les comics, la littérature SF, les séries télé et les chats. Et les poneys, évidemment.

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