Peut-on considérer le jeu vidéo comme un outil pédagogique pour les enfants ? Selon des chercheurs américains de l'University of Georgia, la réponse est oui, et leur étude à ce propos révèle ce qui est parfois oublié dans les salles de classe : il est impossible d'apprendre si on ne comprend pas comment on apprend.

Les jeux vidéo à visée pédagogique sont à l'extrême inverse de l'apprentissage passif, encore majoritaire dans la plupart des instutions scolaires mondiales. © 4 PM production / Shutterstock
Les jeux vidéo à visée pédagogique sont à l'extrême inverse de l'apprentissage passif, encore majoritaire dans la plupart des instutions scolaires mondiales. © 4 PM production / Shutterstock

L'apprentissage des sciences à l'école primaire, malgré les immenses progrès réalisés en pédagogie, n'est pas nécessairement adapté à tous les élèves. Abstraits par nature, certains concepts scientifiques leur sont inacessibles et la démarche d'investigation demande des compétences aux enfants que tous ne maîtrisent pas encore.

C'est pour contourner ces obstacles que des chercheurs de l'University of Georgia ont développé un jeu vidéo éducatif baptisé Virtual Vet, conçu pour aider des élèves du primaire à apprendre l’anatomie et la santé en incarnant des assistants vétérinaires chargés de soigner deux chats : Cream (en pleine forme) et Cookie (apathique et en surpoids).

Fruit de sept années de tests, il est sorti en trois versions successives et il est désormais prêt. « Au départ, nous avions mis la science au centre de tout », explique Georgia Hodges, autrice principale de l’étude et professeure à la Mary Frances Early College of Education. « Mais nous avons appris qu’il fallait d’abord soutenir les compétences en mathématiques et en lecture. Ensuite seulement, les élèves peuvent analyser des données. Et c’est là que l’apprentissage scientifique devient possible ».

L'étude concernant ce projet à la croisée entre la pédagogie et le jeu vidéo a été publiée le 20 septembre dans la revue Science Education. Un jeu vidéo 100 % éducatif, loin des licences adorées de nos chérubins, comme Fortnite ou Call of Duty.

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Apprendre à raisonner avant d’apprendre par cœur

En jouant à Virtual Vet, les élèves doivent collecter des informations, observer des différences, interpréter des résultats, puis expliquer ce qu’ils voient : ils apprennent donc, en jouant, toutes les étapes de la démarche d'investigation scientifique.

Chaque niveau du jeu est construit autour d’une compétence clé que l’élève doit réellement s’approprier pour continuer. Il ne suffit pas de donner une bonne réponse une fois : le jeu exige que l’enfant s’exerce jusqu’à ce que le raisonnement soit compris et maîtrisé. La répétition fait partie intégrante de l'expérimentation, sans qu'elle ne soit vécue comme rébarbative.

Pour cela, le jeu devait absolument intégrer un contexte narratif, sans quoi il perdrait très rapidement de son intérêt. « Ces enfants se soucient de l’histoire. Ils se soucient de Cookies et Cream, et veulent les aider », explique Georgia Hodges. « Analyser des données, en soi, ne les motive pas. Mais quand c’est intégré dans une histoire qui leur donne une raison de s’investir, des élèves auparavant désengagés deviennent actifs ».

Est-ce que cela fonctionne réellement ? Oui, et cela ne fait aucun doute pour les chercheurs, qui ont évalué les connaissances en anatomie des élèves avant et après l’utilisation du jeu, puis les ont comparées à celles d’un groupe ayant suivi seulement des activités pratiques en classe. Les enfants qui ont joué à Virtual Vet ont montré une progression plus marquée dans leur compréhension des notions abordées.

Troisième élément différenciateur : le retour immédiat. Le jeu fournit des indications en temps réel, signale les erreurs commises, explique pourquoi une réponse ne fonctionne pas, et permet de réessayer librement. « Quand on donne aux enfants un retour et une nouvelle chance, accompagnée d’instructions, ils apprennent davantage », souligne la chercheuse.

Un modèle d’apprentissage éprouvé par certains jeux exigeants (Dark Souls, Elden Ring, Cuphead et d'autres) qui font suer les gamers : le « die and retry ». L'échec est autant une sanction qu'une information à prendre en compte pour progresser : un principe normalisé dans le milieu du gaming, beaucoup moins à l'école.

Oui, le jeu est plutôt laid esthétiquement, mais il n'a pas été développé dans ce but-là. © University of Georgia

Non, le jeu vidéo ne fait pas classe tout seul

Virtual Vet est, pour le moment, utilisé dans des écoles primaires américaines partenaires de l’Université de Géorgie, au sein de séquences de sciences encadrées par les enseignants, en complément des activités pédagogiques habituelles.

Les professeurs restent donc au centre et ne lancent pas le jeu pour laisser seuls les élèves devant l'écran : ils gardent les rênes, parce que le jeu n'a pas été développé comme un outil autonome. Il est plutôt vu par les enseignants comme un terrain d'entraînement cognitif complémentaire, un « facilitateur de l’apprentissage », pour reprendre les mots de Hodges.

En aucun cas les chercheurs ne prétendent proposer une méthode révolutionnaire clé-en-main, qui serait généralisable au monde entier. Virtual Vet ne fait même pas partie d'un programme national, ou d’un dispositif éducatif fédéral. En revanche, ses créateurs l'affirment : correctement intégré à un cursus de sciences en primaire, le jeu aide les élèves à mieux apprendre, ni plus, ni moins. Ce qui, convenons-en est déjà fort enthousiasmant si l'on prend en considération le système scolaire public américain, criblé d'inégalités d'apprentissage qui apparaissent dès la primaire.