Gilles Raymond, In Fusio : Des jeux sur téléphone portable

20 août 2000 à 00h00
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Gilles RAYMOND est PDG de In Fusio, une jeune société française spécialisée dans la création de jeux pour téléphones portables. Travaillant avec Schlumberger pour développer de nouveaux jeux sur carte à puce ou encore avec SFR pour proposer à ses abonnés

JB - Monsieur Gilles Raymond bonjour. Le poids du marché des jeux est souvent mal évalué. A combien peut-on l'estimer aujourd'hui ?

GR - Je dirais qu'il est inversement proportionnel au tabou qu'il génère. Tout comme le marché du sexe, le marché des jeux vidéos génère un chiffre d'affaires sans commune mesure avec le silence qui l'entoure. Le marché des jeux vidéos atteint un chiffre d'affaires de 17 Milliards de dollars pour l'année 98 et dépasse donc largement celui du cinéma. Pour le marché propre aux jeux sur téléphone, il est plus difficile de faire des pronostics. Par contre, on peut prendre en compte le marché de la gameboy de Nintendo qui s'est vendue à 70 millions d'exemplaires dans le monde dont 6 millions en France et qui est déjà dépassée par les téléphones portables avec leurs 11 millions d'unités en France, en janvier 99. Le marché du téléphone dispose donc d'un parc déjà considérable et de la possibilité de faire payer les prestations à l'acte, ce qui devrait générer des revenus importants..

JB - Quelle est votre cible exactement?

GR - Notre marché est très vaste puisqu'il concerne tous les gens qui jouent à des jeux vidéos, c'est à dire principallement des hommes, de moins de 30 ans. Mais le marché s'élargit à mesure que sa cible vieillit. Potentiellement, il peut se chiffrer en centaines de millions de personnes.

JB - Le marché de la téléphonie va t'il fonctionner selon la même logique que celui de l'informatique avec un découpage entre producteurs de matériel, de systèmes d'exploitation et de logiciels?

GR - A priori, il devrait y avoir ce découpage mais sans les problèmes de compatibilité hérités du monde du PC. L'alliance de Psion, Nokia, Ericsson et de autour du système d'exploitation EPOC32 dans Symbian devrait clarifier la situation, d'autant qu'ils adhèrent tous au WAP, l'organisme chargé de standardiser le monde de l'internet sans fil, et que ces constructeurs représentent 80% du marché. Windows CE de Microsoft et Palm OS de rencontrent un certain succès sur le marché des assistants personnels, mais ce marché est incomparable avec les chiffres astronomiques du marché du téléphone mobile. Pour le moment, Microsoft me parait être un faible challenger face à Symbian.

JB - Pour quel type de technologie travaillez vous?

GR - J'ai une démarche assez pragmatique et je suis très méfiant à l'égard de certains effets d'annonce. Je travaille donc sur ce qui est déjà opérationnel. Pour l'instant, le WAP a défini le WML. Nous avons donc développé des jeux en WML. Sinon, nous travaillons avec Schlumberger sur une nouvelle technologie qui permettra de transformer la carte SIM du téléphone en mémoire capable d'héberger un jeu vidéo qui sera téléchargé à partir d'un serveur et qui pourra être lu, via le canal SMS, en plein texte, disponible sur la quasi totalité des GSM. Notre dernier jeu, Spirit, permet d'atteindre un certain réalisme et d'expérimenter l'interactivité sur son téléphone en jouant contre des adversaires pouvant se situer n'importe où sur la planète. La véritable valeur ajoutée du téléphone, c'est incontestablement l'interactivité via le réseau GSM.

JB - Pensez vous développer des jeux sur d'autres supports comme PalmOS, EPOC ou Windows CE?

GR - Le marché des assistants personnels ne me parait pas avoir atteint la maturité de celui du téléphone portable. Il faut bien comprendre que le marché de la téléphonie représente un parc mondial de près de 100 millions de terminaux GSM en Europe. C'est la première fois qu'un marché atteint des chiffres de cet ordre en si peu de temps. Rien quen France, à Noël, il s'est vendu 1 500 000 téléphones mobiles ! c'est sidérant, ce sont des chiffres de produits consommables.
Pour l'instant, la seule question est celle de la saturation du marché. La Finlande, le pays de Nokia, est un peu la référence en la matière. Ils atteignent un seuil de 50% de la population contre un peu moins de 20% en France. Et pourtant, le marché finlandais continue de croître à un rythme soutenu. On peut se demander si on n'aboutira pas à un téléphone par personne. Certaines personnes considérent d'ailleurs qu'à l'avenir, il sera plus facile de changer de nom que de numéro de téléphone...

JB - Quelle est la taille d'un jeu si il peut tenir sur une carte SIM ?

GR - C'est très variable. Cela va de 4 ko à 8 ko pour un jeu . La technologie hdml développée par l'américain Phone.com (Ex-unwired planet) permet de placer un navigateur hdml sur le téléphone. Comme pour le Web, c'est surtout le serveur qui héberge le jeu. Dès lors, on peut construire des jeux assez gros puisque le téléphone n'est qu'un "lecteur".

JB - Vous souhaitez faire du téléphone une sorte de gameboy interactive?

GR - Le téléphone portable a une vocation d'une tout autre envergure. Nous souhaitons faire dutéléphone le premier média unipersonnel interactif en temps réel. Notre force est d'être culturellementvierges. Nous ne sommes pas bloqués dans une vision d'usages strictement "audio" du téléphone etnous sommes capables de déterminer plus facilement la demande cachée.

JB - A terme, l'arrivée du haut débit avec la future génération de téléphones GPRS puis UMTS permet t'elle d'entrevoir de nouveaux types de jeux ?

GR - Probablement, mais nous avons le temps. Le GSM de troisième génération baptisé UMTS devraitêtre standardisé aux alentours de 2000. Nous disposons encore de plusieurs années avant d'y réfléchirsérieusement.

JB - Infogrammes et Ubisoft se lancent sur le marché du jeu sur téléphone, cela constitue t'il une menace?

GR - L'arrivée de concurrents de cette taille a plutôt tendance à crédibiliser In Fusio et j'aurais plutôt envie de les remercier !

JB - Pensez vous travailler un jour sur la réalité virtuelle nomade ?

GR - Cela fait des années que l'on fantasme sur la réalité virtuelle et je n'ai toujours rien vu s'imposer. A ce propos, il faudrait que les ingénieurs arrêtent de croire que leurs idées sont en phase avec la demande du grand public. Il suffit de voir que la finale d'interville rassemble 11 millions de téléspectateurs pour revenir sur Terre ! Les gens parleront encore en ancien francs avec des euros dans leur porte monnaie et ils mettront très certainement une bonne génération pour absorber toutes les nouvelles technologies qui ont été inventées ces dernières années. Ce déphasage générationnel m'invite vraiment à rester pragmatique et à développer des jeux pour des produits de masse.

JB - Comment voyez vous le web dans 10 ans?

GR - Je ne sais pas... en tout cas, la réalité virtuelle n'est pas devenue ce qu'elle prétendait vouloir devenir il y a 5 ans. Mon travail consiste à analyser et comprendre les évenements présents pour anticiper un futur opérationnel. Je laisse les visionnaires me faire réver.

JB - Monsieur Raymond, je vous remercie.
Entretien réalisé en février 1999 par Jérôme BOUTEILLER
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