L'électrification des logements s'accélère avec l'arrivée de panneaux solaires, pompes à chaleur et autres bornes de recharge. Mais nos installations électriques, souvent vieillissantes, ne sont pas forcément prêtes à encaisser ce choc énergétique sans risque d'incendie.

Panneaux photovoltaïques sur le toit, borne de recharge dans le garage, ou pompe à chaleur pour le chauffage, voilà autant d'équipements qui colonisent progressivement nos maisons au nom de la transition énergétique. Le problème, selon un livre blanc dévoilé par plusieurs experts* de la sécurité électrique, c'est que nos installations électriques, conçues pour des usages traditionnels, ne sont pas taillées pour cette révolution. Les professionnels du secteur tirent la sonnette d'alarme et font leurs propositions pour éviter que nos tableaux électriques ne deviennent des bombes à retardement.
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Nos maisons se transforment en mini-centrales électriques
En 2024, pas moins de 986 000 pompes à chaleur ont été vendues en France, tandis que 230 000 nouveaux systèmes photovoltaïques ont été raccordés dans des logements, soit une progression de 25% en un an seulement. L'autoconsommation séduit de plus en plus, avec deux tiers des installations solaires désormais utilisées pour consommer sa propre électricité, plutôt que la revendre au réseau. Une tendance qui ne fait que commencer, puisqu'à partir de janvier 2030, la réglementation imposera d'équiper tous les bâtiments résidentiels neufs d'une installation solaire.
Le garage n'est pas en reste. Avec 465 000 véhicules électriques immatriculés l'an dernier et plus de 1,4 million de bornes de recharge déjà installées chez des particuliers, la voiture électrique est devenue mainstream, comme on dit. Notons que 86% des recharges se font à domicile, ce qui mobilise l'installation électrique pendant 6 à 8 heures d'affilée. Votre tableau électrique fait désormais office de station-service personnelle.
Plus discrètes mais en pleine explosion, les batteries domestiques complètent ce tableau. Avec environ 10 000 unités vendues par an mais une croissance de 86% en 2024, elles permettent de stocker le surplus solaire pour le restituer le soir. Nos maisons ne se contentent ainsi plus de consommer l'électricité de façon passive. Elles produisent, stockent et réinjectent de l'énergie dans tous les sens.
Nos installations électriques ne sont plus adaptées aux nouveaux usages
Sauf que personne n'a prévenu votre installation électrique de cette mutation. Celle-ci a été dimensionnée à une époque où l'électricité ne circulait que dans un sens, à savoir du compteur vers les prises, et où les équipements fonctionnaient de manière intermittente. Un lave-vaisselle par-ci, un four par-là, quelques ampoules allumées, et voilà une installation qui était calibrée pour une puissance souscrite classique de 6 à 12 kVA, avec un disjoncteur général faisant office de verrou de sécurité.
Aujourd'hui, les choses ont changé. Vous pouvez avoir une pompe à chaleur qui tourne en continu toute la journée. Ou bien une borne de recharge qui aspire du courant pendant huit heures consécutives, sans oublier les panneaux photovoltaïques qui injectent de l'électricité pendant 8 à 12 heures selon la saison. Et bientôt, les bornes bidirectionnelles permettront à votre voiture de renvoyer du jus dans votre installation. Ces flux d'énergie multidirectionnels n'ont pas été anticipés lors de la conception des tableaux électriques actuels.
Tout cela peut avoir des conséquences dramatiques. L'Observatoire National de la Sécurité Électrique (ONSE) révèle que 83% des installations de plus de 15 ans présentent au moins une anomalie électrique. Plus inquiétant encore, entre 20 et 35% des incendies d'habitation ont une origine électrique. Brancher un panneau solaire de 6 kWc ou une borne de 7 kW sur un tableau vieillissant conçu dans les années 1970, 1980 ou même 2000, sans vérification ni mise à niveau préalable, revient un peu à jouer à la roulette russe avec la sécurité de son logement.
Les six propositions pour concevoir une installation électrique évolutive et sécurisée
Pour éviter le drame, les poids lourds de la filière électrique (CAPEB, COEDIS, CONSUEL, FFIE, IGNES et Promotelec) ont planché sur un livre blanc dans lequel ils proposent une refonte pragmatique de la conception des installations. Pour les logements neufs, six principes clés doivent désormais structurer le tableau électrique dès l'origine, pour le rendre véritablement évolutif.
Le premier impératif consiste à raccorder systématiquement toutes les sources d'énergie (photovoltaïque, batteries, bornes de recharge) à l'origine de l'installation, juste après le disjoncteur général. L'idée est de mettre fin aux branchements sauvages en bout de circuit. L'objectif est de centraliser la gestion des flux énergétiques en un point unique, pour faciliter les diagnostics et les coupures en cas d'intervention. Les experts veulent aussi anticiper dès la conception que la borne de recharge deviendra bidirectionnelle, même si elle ne l'est pas encore. Autrement dit, prévoir dès maintenant qu'elle pourra un jour réinjecter du courant plutôt que seulement en consommer.
Créer des circuits dédiés et protégés pour chaque source de production, avec un dispositif différentiel adapté pour chacune, est une autre recommandation par les professionnels. Afficher clairement et durablement sur le tableau électrique la puissance maximale admissible et le courant supportable, histoire que l'électricien qui interviendra dans dix ans sache exactement ce que l'installation peut encaisser, voilà une autre (bonne) idée soumise par les experts.
Parmi les autres recommandations techniques, on peut citer celle qui consiste à privilégier le dimensionnement des interrupteurs différentiels « par l'aval » plutôt que « par l'amont », une méthode qui évite les risques de surintensité en cas d'ajout ultérieur de sources. Enfin, les spécialistes demandent à prévoir, dès la construction, des gaines et cheminements de câbles vers le toit, la terrasse, le garage ou la limite de propriété pour faciliter l'installation future d'équipements sans tout casser.
Quatre garde-fous essentiels pour adapter une installation électrique vieillissante
Dans les logements déjà construits, la situation est plus délicate, mais pas désespérée. Lors de travaux qui peuvent impacter l'installation électrique, quatre principes complémentaires doivent être respectés pour éviter le pire. Les auteurs du livre blanc les ont listés et veulent commencer par accorder toute nouvelle source (panneaux solaires, borne de recharge, batterie) directement au tableau électrique principal, juste après le gros disjoncteur qui coupe tout. Ils veulent interdire de brancher son panneau solaire sur une simple prise de courant ou au fond d'un couloir comme on le voit parfois.
La deuxième obligation consiste à informer clairement l'occupant sur les capacités réelles de son installation avant d'y greffer un panneau solaire ou une borne de recharge. Peut-elle supporter la charge ? Le tableau est-il aux normes ? Autant de questions à poser avant de brancher quoi que ce soit. Créer là aussi des circuits spécifiques protégés pour chaque nouvelle source d'énergie, exactement comme dans le neuf, consiste la troisième obligation évoquée.
Enfin, le dernier principe tend à installer un disjoncteur supplémentaire qui ferait barrage entre vos nouveaux équipements (panneaux solaires, borne, batterie) et votre vieux tableau électrique. Concrètement, ce dispositif coupe automatiquement le courant si la demande devient trop forte pour votre installation d'origine, pour éviter l'échauffement et le risque d'incendie. Si votre logement date des années 1970 et n'a pas de protection différentielle 30 mA, il faudra en ajouter une pour se protéger contre les électrocutions. Le livre blanc rappelle que l'électricien qualifié reste l'interlocuteur incontournable pour ces adaptations vitales qui peuvent littéralement sauver votre maison.
*Les signataires du livre blanc sont :
- La Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB),
- L’organisation représentative de l’ensemble des entreprises de la distribution professionnelle spécialisée dans l’approvisionnement au second œuvre du bâtiment résidentiel, tertiaire, industrie (COEDIS),
- Le Comité National pour la Sécurité des Usagers de l’Électricité (CONSUEL),
- La Fédération Française des Intégrateurs Électriciens (FFIE),
- L’Alliance des industriels qui proposent des solutions électriques et numériques pour le bâtiment (IGNES),
- Et l'association Promotelec.