Plus d'un an après son déploiement en France, l'ordinateur spatial à 4 000 euros d'Apple peine toujours à séduire le grand public. Loin des promesses d'une adoption massive, le Vision Pro trouve refuge dans des marchés de niche très spécialisés où son prix exorbitant devient soudain justifiable.

- Le Vision Pro d'Apple, vendu à 4 000 euros, peine à séduire le grand public, se concentrant sur des marchés de niche.
- Le secteur médical adopte le Vision Pro pour des interventions chirurgicales, le rendant rentable pour les hôpitaux.
- Malgré un écosystème d'applications limité, les ventes du Vision Pro montrent une croissance encourageante, avec des améliorations prévues.
Lancé avec tambours et trompettes comme l'aube d'une nouvelle ère technologique, le Vision Pro d'Apple fait aujourd'hui figure de produit élitiste. Avec moins de 500 000 unités écoulées dans le monde depuis février 2024, le casque de réalité mixte suit un parcours similaire à ses prédécesseurs Google Glass et Microsoft HoloLens : un pivot forcé vers les marchés professionnels. Car si le ticket d'entrée de 4 000 euros rebute les consommateurs lambda, certains secteurs y trouvent leur compte et transforment cette « dépense » en investissement rentable.
Le secteur médical adopte massivement l'ordinateur spatial
Le domaine de la santé se révèle être le terrain de jeu idéal pour le Vision Pro. À l'UC San Diego Health, plus de 50 interventions chirurgicales ont déjà été réalisées avec le casque d'Apple. Les chirurgiens peuvent désormais accéder en temps réel aux examens patients, aux signes vitaux et aux modèles anatomiques 3D, le tout sans détourner le regard du champ opératoire.
Dr Christopher Longhurst, directeur de la santé numérique à UC San Diego, dresse un constat éclairant sur l'adoption du Vision Pro en milieu médical : « 3 500 dollars pour un casque, c'est de la petite monnaie dans un environnement hospitalier ». Cette perspective transforme radicalement la perception du prix, sachant qu'un moniteur chirurgical traditionnel peut coûter jusqu'à 30 000 dollars.
L'application eXeX montre bien les possibilités. Utilisée lors de chirurgies spinales au Cromwell Hospital, elle permet aux infirmières d'accéder aux données chirurgicales en temps réel, réduisant les erreurs humaines et augmentant la confiance des équipes. Boston Children's Hospital utilise le Vision Pro pour former ses infirmières à l'utilisation des pompes à perfusion via l'application CyranoHealth. Cette approche remplace progressivement les cadavres médicaux, qui peuvent coûter « jusqu'à 10 000 dollars » avant les frais de réfrigération et transport.

Stanford Medicine a également intégré la technologie dans ses procédures, notamment pour les ablations cardiaques traitant la fibrillation auriculaire. L'équipe biomédicale de Stanford a adapté cette technologie grand public pour répondre aux besoins spécifiques du bloc opératoire, permettant aux praticiens de visualiser jusqu'à huit écrans simultanément.
L'industrie et le retail trouvent des applications concrètes
L'enseigne de bricolage américaine Lowe's déploie son application Style Studio dans une dizaine de magasins au Texas et en Californie. Les clients peuvent désormais visualiser leur future cuisine rénovée en réalité mixte, testant différents matériaux, couleurs et agencements parmi « près de 80 milliards de combinaisons possibles ».
Cette expérience de 45 minutes permet aux clients de recevoir un aperçu de leur projet par email, SMS ou AirDrop, qu'ils peuvent ensuite partager avec leurs proches ou leurs entrepreneurs. Un responsable du magasin de San José confirme l'impact positif : « L'expérience encourage certains clients à explorer des options de design plus audacieuses et aide d'autres à prendre une décision plus rapidement ».
Le géant français du logiciel industriel Dassault Systèmes a noué un partenariat stratégique avec Apple pour intégrer le Vision Pro dans sa plateforme 3DExperience. L'application 3DLive, disponible depuis l'été 2025, permet aux ingénieurs et designers de manipuler des « jumeaux numériques » en temps réel.
Cette collaboration vise particulièrement les secteurs automobile, aéronautique et manufacturier, où les équipes peuvent identifier les problèmes de maintenance avant même l'installation des équipements en usine. Tom Acland, CEO de 3DExcite chez Dassault, explique : « Ces problèmes apparaissent généralement très tard dans le cycle de développement. Si les ingénieurs de maintenance peuvent interagir avec la disposition des équipements avant leur arrivée, ils peuvent commencer à élaborer des stratégies de maintenance à l'avance ».
Formation professionnelle et aviation
KLM Royal Dutch Airlines utilise le Vision Pro pour améliorer la formation technique de ses mécaniciens avec l'application Engine Shop. Cette approche offre des instructions étape par étape superposées sur des modèles 3D de moteurs, réduisant les erreurs coûteuses et améliorant la disponibilité de la flotte.
CAE, entreprise canadienne de formation aéronautique, a adopté le casque pour « compléter l'expérience des simulateurs de vol complets requis pour la certification et les contrôles récurrents », exploitant la qualité d'affichage et audio exceptionnelle du Vision Pro.
Un écosystème applicatif qui peine à décoller
Malgré ces succès dans des niches spécialisées, l'écosystème applicatif du Vision Pro reste préoccupant. L'App Store visionOS comptait 2 500 applications natives en août 2024, mais seulement 1 770 en septembre selon Appfigures. Cette chute reflète la difficulté des développeurs à monétiser leurs créations sur une base d'utilisateurs restreinte. Une étude Setapp révèle que 45% des développeurs Apple n'ont pas encore décidé s'ils allaient créer des applications pour visionOS, tandis que 35% excluent totalement cette possibilité dans l'année. Pour comparaison, l'iPhone comptait 50 000 applications un an après le lancement de l'App Store en 2008.
Le Meta Quest 3, positionné huit fois moins cher que le Vision Pro, dispose d'environ 3 500 applications sur son store. Cette différence de prix explique en partie pourquoi Apple a capturé seulement 5% du marché VR/MR en 2024, malgré son avance technologique indéniable. Les données de vente montrent néanmoins une progression encourageante : après avoir vendu 87 000 unités au Q2 2024, Apple a écoulé environ 190 000 Vision Pro au Q3, soit une croissance de 211%. Une amélioration largement attribuée à la disponibilité internationale du casque.
Vers un repositionnement stratégique d'Apple
L'évolution du Vision Pro rappelle celle d'autres technologies Apple qui ont trouvé leur public après plusieurs itérations, l'Apple Watch faisant figure de cas d'école dans ce domaine. La rédaction avait d'ailleurs pressenti cette situation dans un dossier paru peu de temps après l'annonce du Vision Pro, et comparant son lancement à celui de l'Apple Watch.
Les versions futures promettent des améliorations substantielles : une mise à jour 2025 avec une puce M4 et une nouvelle sangle pour améliorer le confort, puis un Vision Pro 2 avec une puce M5 pour 2025, et enfin un Vision Air plus accessible prévu pour 2027.
En attendant cette démocratisation, le Vision Pro continue sa percée dans les secteurs où la précision et la productivité justifient l'investissement. Les entreprises du Fortune 500 utilisent déjà massivement les produits Apple, créant un terreau fertile pour l'adoption de l'informatique spatiale en entreprise.
Le pari d'Apple semble clair : établir les cas d'usage professionnels aujourd'hui pour préparer l'adoption grand public de demain. Une stratégie qui pourrait bien transformer l'essai, à condition que le constructeur californien parvienne à réduire significativement les barrières à l'entrée de sa plateforme spatiale.
Source : 9to5mac