En choisissant une puce ARM pour son nouveau casque de réalité virtuelle, Valve ne fait pas que lorgner sur la concurrence. L'entreprise de Gabe Newell semble surtout nous envoyer une carte postale depuis le futur, esquissant une vision où le Steam Deck et ses successeurs s'affranchiraient des limites énergétiques de l'architecture x86.

Il y a des annonces qui, sous leurs airs de simple mise à jour matérielle, cachent une ambition bien plus vaste. L'annonce du Steam Frame, le nouveau casque de réalité virtuelle de Valve, est de cette trempe. Certes, il est là pour chasser sur les terres du Meta Quest, mais en y intégrant une puce ARM et une astucieuse couche de traduction logicielle, Valve nous murmure à l'oreille que le véritable enjeu est ailleurs. Et si, derrière ce choix audacieux, se cachait la réponse à une question qui taraude les joueurs nomades : à quand un Steam Deck 2 vraiment convaincant ?
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Le grand dilemme du Steam Deck
Pour bien comprendre la manœuvre de Valve, il faut revenir à la genèse du Steam Deck. Cette formidable machine a prouvé qu'il était possible de faire tourner des jeux PC exigeants dans le creux de la main. Mais elle souffre d'un talon d'Achille bien connu : son autonomie, souvent mise à mal par la gourmandise de son processeur AMD, issu de l'architecture x86 qui règne sur le monde du PC depuis des décennies. Restons honnête : l'autonomie du Steam Deck, tout particulièrement dans sa version OLED reste impressionnante pour ses capacités, mais cette efficience en a aussi fait un étalon que peu d'autres machines nomades arrivent à égaler, encore moins dépasser… même plusieurs années après sa sortie !
Depuis, Valve attend, un peu comme on attend un bus qui n'arrive jamais, qu'AMD lui livre un processeur miracle. Non pas une puce simplement plus puissante, mais une qui soit radicalement plus économe en énergie. Car le secret d'une bonne console portable ne réside pas seulement dans sa capacité à afficher des graphismes époustouflants, mais dans son aptitude à le faire sans vider sa batterie en moins de deux heures. C'est ce que l'on appelle l'efficience énergétique, et c'est devenu le Saint-Graal de Valve.
Malheureusement, l'architecture x86, pensée pour la performance brute, a bien du mal à se mettre au régime. Les processeurs d'AMD, même ceux conçus pour les consoles portables, s'effondrent en performance dès qu'on leur demande de fonctionner avec une faible enveloppe thermique, c'est-à-dire en consommant très peu de courant. C'est un peu comme demander à un champion de culturisme de courir un marathon : ce n'est tout simplement pas sa spécialité.
L'architecture ARM, ce héros inattendu
Pendant que le monde du PC s'échinait à dompter la consommation de ses puces, un autre univers technologique a fait de l'efficience sa raison d'être : celui des téléphones intelligents. Contraints par la taille minuscule des batteries et l'absence de ventilation active, les fabricants de puces pour mobiles, avec ARM en chef de file, ont appris à créer des processeurs à la fois puissants et incroyablement sobres.
Longtemps considérés comme des solutions de second rang pour le jeu vidéo, ces processeurs ARM ont fait des progrès spectaculaires. Il suffit de regarder ce qu'Apple a accompli avec ses puces M1 et M2, capables de rivaliser avec les meilleurs processeurs d'ordinateurs portables tout en offrant une autonomie record. Ou encore de constater la popularité de la Nintendo Switch et sa successeure, qui, grâce à leur processeur ARM, offre un équilibre quasi parfait entre performance, autonomie et coût.
Valve a manifestement pris des notes. En choisissant une puce Snapdragon (qu'on trouve dans bons nombre de smartphones) pour son casque Steam Frame, l'entreprise s'offre un ticket d'entrée dans ce monde de l'efficience. Cela lui permet de proposer un appareil autonome, léger, et de profiter au passage de la riche bibliothèque de jeux en réalité virtuelle déjà existante sur les plateformes concurrentes.
FEX, la pierre de Rosette du jeu vidéo
Mais alors, quid de l'immense catalogue de jeux Steam, conçu pour le monde du x86 ? Va-t-on devoir tout jeter et repartir de zéro ? C'est là que la magie de Valve opère. Dans le plus grand secret, ses ingénieurs ont mis au point FEX, une sorte de traducteur universel capable de faire comprendre le langage x86 à une puce ARM, et ce, presque sans que l'on s'en aperçoive.
Ce petit bijou de technologie vient s'ajouter à Proton, l'autre outil miracle de Valve qui permet déjà de faire tourner les jeux Windows sur Linux. La combinaison des deux dessine une solution d'une élégance folle : un jeu, quel qu'il soit, pourrait potentiellement fonctionner sur n'importe quelle machine tournant sous SteamOS, qu'elle soit équipée d'une puce x86 ou ARM.
Bien sûr, cette double traduction a un coût en performance, mais Valve assure qu'il est minime et que le jeu en vaut la chandelle. En investissant dans cette solution, l'entreprise s'assure une flexibilité totale. Elle n'est plus à la merci d'un seul fournisseur de puces et peut choisir le meilleur des deux mondes en fonction de ses besoins : la puissance brute du x86 pour une console de salon comme la nouvelle Steam Machine, et l'efficience redoutable de l'ARM pour ses appareils nomades. Il est d'ailleurs amusant de voir comme toute cette aventure se fait au mépris complet de Microsoft et de ses propres efforts sur Windows ARM. On imagine facilement les ingénieurs de Valve faire la moue en voyant que la technologie Prism, qui est le pendant Windows de FEX, est une technologie propriétaire.
Un plan qui se déroule sans accroc ?
En connectant les points, une stratégie fascinante se révèle. Le Steam Frame agit comme un formidable laboratoire à ciel ouvert pour éprouver cette nouvelle approche. Si l'expérience est concluante, et les premiers retours semblent l'indiquer, la voie sera toute tracée pour un futur Steam Deck sous ARM. Un appareil qui pourrait être plus fin, plus léger, plus autonome et peut-être même moins cher, tout en restant compatible avec la majorité de nos jeux préférés.
Loin d'être un simple pari, cette vision technique est une réponse pragmatique aux défis du jeu nomade. En mariant la souplesse de Linux à l'efficacité de l'architecture ARM, Valve est peut-être en train de créer le couple modèle qui définira l'avenir du jeu sur PC, bien au-delà des murs de notre bureau. Le message est clair : l'avenir du jeu nomade selon Valve est en marche, et il s'annonce passionnant.
Source : Valve