Face à la domination sans partage de TSMC sur le marché des semi-conducteurs, le Japon lance une offensive d'envergure. Le gouvernement et un consortium d'entreprises nippones soutiennent Rapidus, une nouvelle fonderie qui ambitionne de produire en masse des puces gravées en 2 nanomètres (nm) dès 2027.

- Le Japon, via Rapidus, vise à produire des puces 2 nm d'ici 2027 pour contrer TSMC et regagner sa souveraineté technologique.
- Rapidus, soutenu par Toyota, Sony et d'autres géants, mise sur un modèle de production intégré pour séduire les clients.
- L'initiative japonaise pourrait rééquilibrer le marché des semi-conducteurs, actuellement dominé par TSMC, et renforcer la résilience économique.
Vous le savez aussi bien que moi, les semi-conducteurs sont le nerf de la guerre. L'IA, nos voitures, nos smartphones... tout dépend de ces composants. Le hic, c'est que leur production la plus avancée est concentrée dans les mains d'un seul acteur, TSMC, à Taïwan. Pour nous qui suivons ce secteur depuis des années, cette situation est une bombe à retardement géopolitique et économique. Le Japon, ancien leader déchu des années 80, a décidé de dire « stop » et de revenir dans la partie.
Un colosse à défier
Ne nous y trompons pas, la mission de Rapidus relève de l'exploit. Il s'agit de rattraper en moins de cinq ans un retard technologique de près de quinze ans sur le mastodonte taïwanais. D'autant que TSMC n'attend personne : nous vous l'annoncions, TSMC aurait déjà pris une grande avance dans la course au 2 nm, avec une production de masse prévue dès 2025.
Ce futur nœud de gravure est la promesse de puces 10 à 15% plus performantes ou jusqu'à 30% moins énergivores que le 3 nm actuel. Pour des entreprises comme Apple, NVIDIA ou AMD, qui cherchent à repousser sans cesse les limites, arriver avec deux ans de retard sur ce segment est un handicap considérable. C'est un peu comme se présenter au départ d'un marathon alors que le favori a déjà passé le dixième kilomètre.
Un concurrent de moins sur la route
Dans ce combat de titans, il y a au moins une bonne nouvelle pour le Japon : la concurrence s'amenuise. Nous vous en parlions il y a peu, Samsung a choisi de renoncer à concurrencer directement TSMC sur les technologies les plus pointues. Le géant coréen, aux prises avec des problèmes de rendement sur ses procédés actuels, préfère consolider ses acquis plutôt que de s'engager dans une fuite en avant aux coûts astronomiques.
Cette décision stratégique laisse le champ encore plus libre à TSMC, mais elle ouvre aussi une fenêtre d'opportunité pour un nouvel entrant crédible. En se retirant de la course au 2 nm, Samsung admet implicitement la complexité et les risques financiers d'une telle entreprise, ce qui rend l'ambition de Rapidus d'autant plus spectaculaire.
Rapidus, bien plus qu'une simple usine
Alors, qui est ce nouvel acteur ? Rapidus n'est pas une startup sortie de nulle part. C'est un projet d'État, un consortium fondé en 2022 et soutenu par huit des plus grandes entreprises japonaises : Toyota, Sony, NTT, SoftBank... excusez du peu. Le gouvernement japonais met la main à la poche avec des subventions se chiffrant en dizaines de milliards de dollars.
L'objectif est clair : la souveraineté. La construction de la première usine, baptisée IIM-1, a démarré en septembre 2023 sur l'île d'Hokkaido. Et les choses avancent : l'entreprise vient d'annoncer avoir produit son tout premier prototype de puce en 2 nm. Un jalon crucial, même si le chemin vers la production de masse est encore long.

Comment Rapidus compte-t-il convaincre les clients alors qu'il arrivera après TSMC ? Son argument différenciant est malin. L'entreprise ne mise pas seulement sur la technologie de gravure, mais sur un modèle de production intégré. L'idée est de réunir sur un seul et même site la fabrication des wafers (les galettes de silicium) et l'étape d'assemblage avancé des puces, ou packaging.
Cette approche pourrait réduire considérablement les délais de production, qui s'étalent souvent sur plusieurs mois entre différentes usines et pays. Pour un client, obtenir ses puces personnalisées plus rapidement est un avantage concurrentiel non négligeable. C'est sur cette agilité que Rapidus compte jouer sa carte maîtresse.
Une question de survie économique
Au-delà de la prouesse technique, l'enjeu est aussi économique. La position de quasi-monopole de TSMC commence à peser lourdement sur l'industrie. Nous savons qu'avec TSMC, le prix des puces devrait connaître une augmentation plus forte qu'attendue. Le fondeur taïwanais a le luxe de pouvoir dicter ses tarifs, et personne ne peut vraiment contester.
L'arrivée d'un concurrent crédible comme Rapidus pourrait, à terme, rééquilibrer le rapport de force et offrir une alternative vitale. Pour le Japon, il ne s'agit pas seulement de produire des puces. Il s'agit de s'assurer de ne plus jamais être à la merci d'une chaîne d'approvisionnement unique et fragile. C'est une quête de résilience, et nous la suivrons avec la plus grande attention.
Source : The Diplomat