François JOSSE : "Seule l’extension .COM s'est imposée comme le symbole d'internet"

10 mai 2005 à 00h00
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Directeur des opérations de Sedo.fr, François JOSSE présente sa société spécialisée dans le courtage des noms de domaines et analyse l'évolution du marché

JB - François JOSSSE, bonjour. Pouvez vous présenter votre parcours et l'activité de Sedo?

FJ - Fraîchement diplômé de l'IFI Rouen en spécialité e-commerce et en quête d'une expérience valorisante à l'étranger dans ce secteur, j'ai intégré la société allemande Sedo en juillet 2003 où j'y officie depuis en tant que directeur des opérations du site sedo.fr. L'idée originale des co-fondateurs de Sedo est venue de la découverte de l'existence d'un marché d'occasion des noms de domaine...

Un bon site a impérativement besoin d'un bon nom de domaine ! Ce second marché se devait d'être consolidé et organisé. Sedo (ou Search Engine for Domain Offers) est donc né de cette idée de créer une plate-forme globale de vente et d'achat de noms de domaine comprenant aujourd'hui une base de données de plus de 1 million de domaines et fréquentée par environ 300000 membres du monde entier mis en relation par un système d'offre/contre-offre. Né d'un projet de trois étudiants allemands en 1999, Sedo est aujourd'hui devenu le leader mondial du commerce de noms de domaine et intégré aux moteurs de recherche des principaux hébergeurs de noms de domaine dans le monde. Grâce à l'appui financier de l'investisseur allemand United Internet, Sedo est désormais intégralement disponible en quatre langues : français, anglais, allemand et espagnol ; et envisage également de se développer sur des marchés émergents tels que la Chine ou la Corée du Sud.

JB - A l'époque de la bulle les noms de domaines faisaient l'objet de beaucoup de spéculation et de nombreuses batailles juridiques. Le marché s'est -il stabilisé?

FJ - Le marché s'est en effet réorganisé et professionnalisé depuis l'éclatement de la bulle, aussi bien au niveau spéculatif que juridique. Je ne pense pas que l'on puisse revivre l'épisode vizzavi.fr, qui avait vu la société éponyme racheter le nom de domaine à son heureux propriétaire pour la modique somme de 4,2 millions d'euros.

Aujourd'hui, on peut déterminer de manière assez précise la valeur d'un nom de domaine, bien entendu par le trafic qu'il génère, mais aussi par sa taille, sa pertinence, sa faculté à être mémorisé ou son utilisation à l'international... Le commerce de noms de domaine est cependant actuellement en pleine expansion ; Le nombre de transactions à plus de 50000 euros réalisés par l'intermédiaire de Sedo fleurit, ce qui était encore assez rare il y a 2 ans. Même si celles-ci concernent principalement des acheteurs ou vendeurs anglo-saxons, certaines grandes entreprises françaises orientées e-commerce commencent à considérer leurs noms de domaine comme un outil de communication stratégique. Une entreprise désirant développer ses activités à l'étranger ne peut communiquer par l'intermédiaire d'un .fr. Elle va donc chercher à obtenir le .com, le plus souvent en le rachetant, au vu de la pénurie de noms de domaine sur le premier marché. Sedo a par exemple racheté le nom de domaine sedo.com à son propriétaire pour la somme de 80.000 US$, permettant d'appuyer notre présence sur les marchés anglophones, et particulièrement sur le marché américain.

D'autres sociétés préfèrent toujours récupérer leur nom de domaine par la voie juridique en faisant jouer le fameux "droit des marques", et s'engagent donc dans des procédures longues et coûteuses et où la décision finale reste très incertaine. L'OMPI propose également une procédure standardisée de récupération de noms de domaine par son Centre d'Arbitrage et de Médiation à Genève. Il permet de régler les litiges "à l'amiable" via une procédure extrajudiciaire assez rapide. Plus généralement, on note tout de même une tendance à la baisse du nombre de cas juridiques inhérents aux noms de domaine, sauf peut-être en France où l'ouverture récente du .fr a fait spontanément et logiquement augmenter les cas de cybersquatting.

JB - On observe une multiplication des extensions. Êtes vous favorable à cette surenchères de dénominations?

FJ - En effet, on assiste à une accumulation de nouvelles extensions, de type .BIZ, .INFO ou .AERO et même bientôt le .EU pour l'Union Européenne. Je ne suis à vrai dire pas vraiment convaincu par la multiplication de ces extensions. Selon moi, seule l'extension "reine" .COM s'est imposée comme le symbole d'internet et jouit d'une grande reconnaissance à l'échelle mondiale. Les .INFO/.BIZ et autres restent des extensions de seconde zone, convenant parfaitement à des particuliers ou amateurs désirant créer leur page perso ou - comme complément - à des entreprises souhaitant "verrouiller" le portefeuille de noms de domaine se rapportant à leur dénomination sociale ou celle de leurs produits. Ce serait une lacune stratégique pour une entreprise e-commerce que de se contenter de ce type d'extension, même si elle peut être tentée par le prix "discount" du nom. Ainsi, la valeur d'un nom de domaine en .NET sur le second marché correspond à peu près à 10% de la valeur de son équivalent en .COM.

Les extensions nationales - lorsqu'elles sont bien gérées - peuvent par contre voir leur taux de pénétration exploser et ainsi devenir leader dans leur propre pays. Le .DE pour l'Allemagne est aujourd'hui la deuxième extension au monde après le .COM avec 8 millions de noms de domaine enregistrés. Tout entreprise allemande se doit de communiquer avec un nom de domaine en. DE, le .COM étant simplement utilisé à l'international. Aujourd'hui un nom de domaine germanophone en .DE a certainement plus de valeur que son équivalent en .COM. On observe le même phénomène en Grande-Bretagne où l'extension .CO.UK prend doucement des parts de marché au .COM, ainsi qu'à plus petite échelle aux Pays-Bas avec le .NL ou en Autriche avec le .AT.

Quant au .FR, on pourrait parler là encore d'une exception culturelle... Handicapé à sa création par des règles d'obtentions extrêmement strictes, le .FR est une extension restée assez confidentielle sur le web, du moins jusqu'au 11 mai dernier, date de l'ouverture partielle du .FR aux entreprises. Si celle-ci a permis tout de même de doubler le nombre de noms de domaine en .FR enregistrés, s'élevant aujourd'hui à 360.000 noms. La France est tout de même bien loin des succès retentissants qu'ont pu connaître ses principaux voisins européens. La libéralisation totale du .FR est prévue vraisemblablement courant 2006, mais ne sera-t-il pas trop tard pour détrôner le .COM, omniprésent dans l'hexagone ?

JB - Avec les blogs et les réseaux sociaux, on observe l'apparition d'un web «internaute centric». Anticipez vous la convergence du nom de famille, du nom de domaine et du numéro de téléphone et l'émergence d'une identité numérique unique?

FJ - Il est clair que nous essayons en permanence de nous adapter à la demande. Les noms de domaine se rapportant aux blogs ou aux noms de famille ou plus généralement tournés vers la personne en tant qu'individu sont actuellement très prisés.
Nos équipes essaient constamment de suivre l'actualité, car il y a toujours une bonne occasion de vendre ou d'acheter un nom de domaine, que ce soit sur le prochain referendum sur la Constitution Européenne, sur une future star d'un reality-show ou sur l'élection du nouveau pape...

JB - François JOSSE, je vous remercie.
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