Environnement, recyclage : entretien avec Lexmark

05 avril 2007 à 14h00
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Le cadre législatif du recyclage

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Les questions d'environnement se sont enfin frayé un chemin dans les consciences et le débat public, et c'est tant mieux. Après des décennies de mauvaises pratiques qui ont consisté à entasser les déchets « gris » dans les décharges ou à les enfouir, l'heure est enfin aux questions de tri sélectif, de recyclage et de « seconde vie » pour tous ces produits informatiques, presque aussi vite abandonnés qu'achetés. Depuis le 13 août 2005, les constructeurs sont financièrement responsables pour les déchets qu'ils occasionnent. Pour autant, ce cadre juridique ne peut à lui seul suffire à résoudre ces questions d'environnement. C'est plus généralement à chacun, à l'échelon qui est le sien, de participer à la réduction de la consommation, des émissions et des déchets. L'entreprise en proposant des produits plus « verts », le citoyen en les adoptant et en réapprenant quelques gestes simples, comme celui qui consiste à éteindre son imprimante le soir en même temps que l'ordinateur. Nous avons demandé à Béatrice Marneffe, Directeur EMEA du développement durable pour Lexmark et responsable des relations avec les institutions, de revenir pour nous sur ces problématiques environnementales et de nous les présenter sous leur angle « grand public ».


Clubic.com - Pouvez-vous commencer cette interview en décrivant quelles sont vos fonctions au sein de Lexmark ?

Béatrice Marneffe : J'ai la responsabilité des relations avec les institutions européennes et nationales qui émettent et publient des législations. Le but de ces relations n'est pas de freiner des quatre fers devant les directives, mais de faire en sorte qu'elles prennent en compte les enjeux industriels. On adhère bien évidemment à cet objectif, maintenant notre travail est de faire en sorte que la manière dont les directives sont mises en œuvre et rédigées ne compromettent pas d'autres sujets économiques, ou environnementaux d'ailleurs. Notre rôle est donc d'aider à l'éducation du législateur et de contribuer à la rédaction des législations pour qu'elles puissent être mises en œuvre dans les conditions les plus optimales.

Ca, c'est la première partie de mon rôle. La seconde, c'est que je suis directeur EMEA du développement durable pour Lexmark . Si vous voulez, la problématique environnementale c'est trois choses :
  • travailler sur notre consommation (de ressources, énergétique...) et la réduire ;
  • réduire les émissions (C02, ozone...) ;
  • réduire les déchets.
Il y a donc trois thématiques sur lesquelles on doit travailler, à l'échelon du citoyen, de l'entreprise ou des autorités. Au sein de Lexmark, on travaille sur ces trois axes. Comment ? D'abord en adoptant une approche cycle de vie au niveau des produits, car en tant que constructeur, on travaille sur ces trois thèmes à chaque étape du cycle de vie de nos produits. Dès le design, on intègre ces trois critères, ensuite la production, ensuite le transport, ensuite la période de vie des produits, puis la période de fin de vie.

Clubic.com : Est-il possible de revenir sur les directives qui vous concernent, et sur ce qu'elles imposent aux constructeurs ?

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Béatrice Marneffe : A part les directives de sécurité de produit qui existent depuis des années (tout ce qui est directives sécurité, électricité, compatibilité électro-magnétique...), la Commission a rédigé une directive qui est entrée en application le 13 août 2005, et qui est une directive sur la fin de vie. Donc la commission a commencé à nous réguler sur la fin de vie, avant de s'intéresser au design des produits. Pourquoi ? Parce qu'on a un problème majeur en Europe du fait de l'arrivée massive de produits électroniques grand public sur le marché, et aussi du fait de l'arrivée de produits « low cost » dont la durée de vie est plus courte, et qui génèrent donc de plus en plus de déchets. Aujourd'hui, je crois que plus de 80% de ces équipements terminent encore en décharge et donc ne sont pas recyclés proprement.

Donc la première directive qui s'appelle la DEEE en France est une directive basée, au niveau légal, sur un article environnement du traité, ce qui veut dire que chacun des états membres a eu l'autorisation et la liberté d'adapter cette directive à son contexte national. La DEEE n'est pas harmonisée, ce qui veut dire que chacun des pays l'a implémentée selon sa convenance. Pour nous, ça a généré des contraintes complètement différentes d'un pays à un autre. Par exemple, les formats d'enregistrement sont différents d'un pays à un autre, les déclarations se sont faites selon des modalités différentes, un pays s'intéressant au poids, l'autre au volume, sachant que pour certains il faut ajouter le câble, les consommables, etc. Juste pour vous expliquer que cette première directive a été lourde en termes de coût pour les producteurs.

Le but de cette directive est de limiter les déchets et de rendre financièrement responsables les constructeurs pour les déchets qu'ils occasionnent. On est maintenant responsable et on doit payer pour le recyclage des déchets que l'on met sur le marché. Finalement, en plus de ce coût, que l'on accepte mais que l'on aimerait aussi avoir la latitude d'optimiser, nous avons aussi dû supporter des coûts indirects dus à la variété d'implémentation dans les pays. Le coût maintenant est intégré aux produits pour les produits mis sur le marché depuis le 13 août 2005 et l'on contribue au coût de traitement des déchets dits « historiques », c'est-à-dire mis sur le marché avant. Sur le marché grand public, cela se traduit par l'écotaxe.

Clubic.com : Cette taxe, c'est le consommateur qui la paie, ou vous aussi ?

Béatrice Marneffe : Non, c'est nous qui la payons. Mais cette taxe est rendue visible parce que la directive avait aussi une provision qui tendait à éduquer le consommateur. Et pour éduquer le consommateur, il fallait la lui rendre visible. Le consommateur doit donc s'acquitter d'une écotaxe quand il achète l'imprimante. Mais en fait, cette écotaxe, c'est nous qui la payons in fine car nous sommes dans un marché compétitif, et que cette taxe est intégrée au prix du produit. Donc le but est de la rendre visible (qui est une décision française, ce n'est pas vrai en Allemagne où le coût est invisible mais intégré dans le produit), c'est que le gouvernement pensait que ça aurait un meilleur effet pédagogique.

Clubic.com : Qu'en est-il de la deuxième directive ?

Béatrice Marneffe : La deuxième directive mise en place le 1er juillet 2006 (traduite dans les mêmes textes par exemple en France, car le décret qui promulgue la D3E promulgue aussi cette directive), s'appelle la directive RoHS. Elle vise à éliminer des produits six substances dangereuses, parmi lesquelles le plomb, le cadmium et le chrome hexavalent. Elle a également pour but de simplifier le recyclage des produits en fin de vie. Lexmark a mis en place tous les moyens appropriés pour garantir la totale conformité de ses produits. Je précise que la directive DEEE ne concerne pas les cartouches, sauf celles qui sont dans l'imprimante au moment où l'utilisateur s'en défait.

Ca, c'est pour les deux premières directives. Une troisième est en train d'arriver. Si on se rapporte au cycle de vie, la DEEE concerne les produits en fin de vie, la directive RoHS sur les substances dangereuses concerne à la fois le design et la fin de vie, et la troisième, qui s'appelle Energy-using Products (EuP) concerne le design des produit Elle s'appelle Energy-using Products : EuP). Elle vise à imposer des caractéristiques de design si ces caractéristiques peuvent permettre d'économiser beaucoup d'énergie. La commission a donc voté une directive cadre qui ne touche aucune gamme de produit particulièrement, et pour l'instant elle est en train d'étudier certaines lignes de produits, dont les imprimantes, pour voir si ça vaut le coup de les légiférer. Nous sommes donc en train de travailler avec les consultants sur les imprimantes, et notamment sur les imprimantes grand public car ce sont elles qui ont les volumes les plus importants, pour voir si on mériterait à être régulés, c'est-à-dire s'il y a suffisamment matière à amélioration. Si c'est le cas, nous serons légiférés.

Clubic.com : Actuellement, ce travail se fait vraiment avec vous, en concertation ?

Béatrice Marneffe : La commission a donné des mandats à des sociétés de conseil, c'est-à-dire des techniciens qui sont des spécialistes du cycle de vie, de l'impact environnemental des produits et de l'éco-conception. Une fois qu'ils auront regardé tous les éléments (les volumes mis sur le marché, les marges de manœuvres, les marges de progression...), ils vont revenir vers la Commission pour dire « Nous on pense que ça vaut le coup » ou bien « Laissez donc ces constructeurs-là » et imposez leur plutôt de faire un apport volontaire pour respecter les critères d'énergie.

Clubic.com : D'accord. Donc, c'est vraiment fait en bonne intelligence ?

Béatrice Marneffe : Oui, et en plus cette directive sera une directive marché intérieur, dont la transposition sera le reflet de ce qui s'est passé en Europe. Donc on ne risque normalement pas d'avoir des critères différents de design d'un pays à l'autre, ce qui serait absolument une catastrophe pour nos industries, parce que vous savez nos industries sont des industries globales, et on n'a pas de produits différenciés d'un pays à l'autre.

Clubic.com : Le design est un mot un peu flou, que l'on a tendance à utiliser dans un autre contexte et qu'il serait donc intéressant d'expliquer un peu mieux. Par ailleurs, quand vous dites que ces caractéristiques de design visent à faire gagner de l'énergie, qu'est-ce que vous entendez par « gagner de l'énergie » ?

Béatrice Marneffe : Le design c'est de l'éco-conception, c'est la construction du produit. C'est d'intégrer les critères environnementaux au cahier des charges de la conception d'un nouveau produit. C'est quelque chose qu'on fait déjà, on n'a pas attendu la législation pour le faire. Quand on accouche d'un produit, ce produit est le meilleur compromis entre les caractéristiques de fonctionnalité que le client nous demande, les caractéristiques d'environnement auxquelles il faut souscrire, et les caractéristiques de coût. On essaie d'obtenir le meilleur compromis entre tout ça.

Clubic.com : Ces questions sont intéressantes. En même temps, est-ce qu'on ne pourrait pas voir un autre axe de progrès, qui serait d'allonger la durée de vie des produits ?

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Béatrice Marneffe : Exactement, c'est d'ailleurs un autre point mentionné dans les premières conclusions des études. C'est une question intéressante, car comme je le disais à l'instant, c'est une question de compromis entre les fonctionnalités et la technologie. On va parler du marché qui est le vôtre, c'est-à-dire la technologie jet d'encre. C'est une technologie qui n'est pas aussi mature que la technologie laser qu'on a sur le marché professionnel. (Clubic.com : Pour ce qui vous concerne ou pour ce qui est de tous les constructeurs ?) Pour tous les constructeurs. Vous avez dû remarquer, dans les deux dernières années, le nombre de nouveautés et d'innovations qu'on a pu apporter aux produits grand public. On a intégré les caractéristiques photo, la couleur, le multifonction, etc. On a accru la qualité et la vitesse. Donc la technologie qui n'était pas mature faisait que les nouvelles gammes arrivaient tous les six mois, ce qui allait à l'encontre de cet aspect environnement. Et je pense qu'on est en train d'arriver (là c'est moi que ça engage), à une technologie plus mature qui va permettre d'avoir des produits dont la durée de vie sera supérieure. Voyez par exemple, dans les dernières gammes Lexmark, on a intégré le recto-verso standard. Ca, c'est un compromis - c'est une demande client -, mais c'est aussi une demande de critère environnement à intégrer. Tout est une question de maturité.

Par exemple, il y a quatre ans environ on avait proposé pour le grand public une cartouche haut rendement. Evidemment, cette cartouche avait un prix facial un peu supérieur au prix de la cartouche bas rendement. Et ça a fait un flop. Nous l'avions introduite essentiellement pour des questions d'environnement et de génération de déchet (si vous souvenez des trois critères). Et bien c'était trop tôt, on a fait un flop, ça n'a pas marché. Pareil pour les programmes de recyclage pour le grand public. Il y a trois ans on a lancé un programme « Le sac dans la boîte ». A l'époque le taux de retour était extrêmement faible, et finalement on s'est dit qu'on faisait une contre-performance en générant plus de déchets du fait que le sac (en plastique et hermétique pour pouvoir passer à la poste) finissait lui aussi à la poubelle. On s'est arrêtés pendant deux ans, et là on est en train de reprendre, parce qu'on a remarqué - et on a fait des études qui nous le montrent - que la sensibilité à l'environnement est vraiment en train de croître très rapidement, et on pense que le taux de retour va être supérieur à ce qu'il était.

Clubic.com : Donc vous avez été trop en avance sur votre temps ?

Béatrice Marneffe : C'est toujours le problème : qu'il faut être juste au bon moment, pas trop en avance, pas trop en retard, et toujours trouver le meilleur compromis entre ces trois choses qui sont les fonctionnalités client, le coût (si on ne maintient pas un coût raisonnable, on va sortir du marché) et l'environnement.

Clubic.com : Pour revenir sur les questions de durée de vie supérieure des produits, comment est-ce qu'on peut concrètement y arriver : est-ce que ça va être en proposant des produits plus matures (le marketing proposera des produits à des rythmes moins rapides...) ?

Béatrice Marneffe : Il y a plusieurs solutions. Il y a cela mais pas seulement. D'abord les machines sont plus haut de gamme, et comme le marché évolue vers un besoin supérieur, peut-être que le gadget va être moins de mise. Les gens ont maintenant dans les produits des fonctionnalités de base auxquelles ils aspirent, donc ils ne vont pas avoir besoin de changer tous les six mois. Et sinon chez Lexmark on a tout de même quelque chose de particulier, qui fait que l'on peut évoluer en faisant évoluer la cartouche, car la tête de lecture de l'imprimante est dans la cartouche, c'est-à-dire que dès qu'on change de cartouche, c'est comme si on avait une imprimante neuve quasiment. Finalement, on n'a pas besoin de changer la partie mécanique trop souvent.

Clubic.com : En même temps, n'y a-t-il pas un problème au niveau des imprimantes premier prix qui coûtent moins de 50 euros, et qu'il est presque plus économique de remplacer par une neuve lorsque les cartouches sont vides ? N'y a-t-il pas quelque chose à faire pour éviter que les gens abandonnent un matériel qui marche encore pour aller vers une solution à première vue plus intéressante, car elle leur permet de repartir sur du neuf pour un prix à peine supérieur ?

Béatrice Marneffe : Vous avez raison, mais le modèle va changer, poussé encore une fois par la maturité des clients et de celle la technologie. La maturité du client qui lui ne va pas accepter ce genre de chose pour des questions environnementales ou autre en se disant « c'est ridicule, je ne vais pas jeter quelque chose qui fonctionne uniquement parce que... », mais plutôt « Je vais m'équiper de quelque chose de meilleure qualité, et la garder plus longtemps ». Tout évolue en même temps, et je pense que le modèle est en train de changer. Mais on n'avait pas le choix jusqu'à présent sur ce marché, qui était tiré à la baisse par des produits, et vous avez raison, les imprimantes avaient un prix ridicule par rapport aux cartouches. Maintenant, encore une fois chez Lexmark, ou chez HP d'ailleurs, une grosse partie de la technologie est dans la cartouche, ce qui justifie le fait que la cartouche ait un prix élevé, tandis que les imprimantes, elles, ne margent pas trop. Mais je pense que le modèle va évoluer pour se diriger vers des prix d'imprimantes qui vont monter et des prix à la page qui vont baisser.

Clubic.com : Donc ça incitera les gens à garder plus longtemps un matériel, sachant que ce n'est pas forcément la robustesse du matériel qui est en question, la tendance (je ne sais pas si vous confirmez) étant de se défaire d'un produit qui marche encore pour aller vers un produit qui a plus de fonctionnalités ?

Béatrice Marneffe : Oui, je pense qu'il y a une question de maturité de technologie effectivement.

Clubic.com : Retour aux directives...

Béatrice Marneffe : Ca, ce sont les trois directives qui concernent nos produits. Il y a une quatrième directive qui peut les concerner- on n'en est pas encore tout à fait certains -, c'est une directive sur l'enregistrement des substances qui s'appelle REACH. C'est une directive qui a fait beaucoup de bruit notamment auprès des ONG, de Greenpeace et des gens de l'industrie chimique. Elle a pour but d'imposer que toute utilisation nouvelle d'une substance chimique dans une application soit enregistrée, pour éviter justement de se retrouver avec des substances chimiques utilisées dans des contextes dangereux. En l'occurrence, la seule chose que ça puisse faire est de donner une information aux consommateurs sur nos cartouches, mais sur le plan des substances elles-mêmes, et de l'enregistrement on n'a aucun problème, car d'abord nos substances sont toutes enregistrées déjà dans un registre mondial (parce qu'on a une production mondiale), et ensuite nos cartouches (les toners et les encres de nos cartouches) ont été évalués par divers organismes, dont un organisme qui les a testés au regard des critères de la Commission, et il n'y a pas de soucis.

Clubic.com : Cette directive est faite pour prévenir plutôt que guérir ?

Béatrice Marneffe : C'est exactement ça. Mais s'il y a eu autant de lobby autour de cette directive, c'est qu'elle est très très, très lourde à mettre en œuvre.

Clubic.com : Au niveau administratif, des preuves à fournir ?

Béatrice Marneffe : Voilà. Au niveau des législations, c'est donc tout ce que nous avons. Nous sommes aussi soumis aux législatives sur le packaging des produits, c'est-à-dire le recyclage du packaging, ce que l'on fait. Rien de bien particulier à mentionner à ce sujet.

Autour de la collecte et du recyclage

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Alors même que les cartouches jet d'encre ne présentent pas de danger, elles posent d'autres problèmes. Les reconditionner pour une « seconde vie » est moins évident qu'il n'en a l'air : toutes les parties de la cartouche peuvent-elles être réutilisées ? Peut-on vraiment par ce biais obtenir des cartouches de qualité équivalente aux neuves ? Autour de ces questions, une deuxième industrie - celle des cartouches remanufacturées -, s'est développée après celle des constructeurs, pour collecter les cartouches, les re-remplir et les commercialiser à des prix très attractifs. Comment s'expliquent ces prix très bas ? Qu'en est-il de la qualité des produits ainsi remis sur le marché ? Comment - en l'absence d'éco-label du remanufacturing -, le consommateur peut-il s'y retrouver ?


Clubic.com : Les prochains objectifs, pour vous, c'est quoi ?

Béatrice Marneffe : On ne fonctionne pas uniquement poussés par les législations, loin de là. On a plutôt une démarche proactive, et en Europe notre marge de manœuvre n'est pas sur le design des produits (puisque ce n'est pas nous que le décidons), là il y a des programmes mondiaux qui sont définis pour qu'à chaque génération de produit on parvienne à réduire l'impact environnemental (au niveau du design donc). Ici en Europe, nous avons décidé de travailler beaucoup sur l'éducation des clients aux meilleures pratiques en matière d'impression. Encore une fois, il faut dire que l'environnement est un sujet complexe et qu'il y a toujours des compromis à faire à un moment ou à un autre. Il faut donc être vraiment certain de ce que l'on avance. Voilà pourquoi nous avançons à petits pas, notre objectif est d'éduquer, que ce soit nos clients grand public ou professionnels, pour qu'ils réduisent eux-mêmes leur propre impact environnemental. C'est comme les fabricants de voitures qui sont très fiers d'avoir mis sur le marché des voitures écologiques : si les gens les gardent moteur allumé toute la journée... ça n'a pas de sens. Nous en sommes conscients et nous pensons qu'il est très important d'éduquer nos clients. Pour ce faire, nous sommes en train de procéder à une nouvelle analyse de cycle de vie, qui ne soit pas « artisanale » mais faite par des experts, et qui nous permettra de connaître l'impact environnemental des solutions d'impression sur leur durée de vie.

Clubic.com : Vous travaillez avec des instituts de sondage ?

Béatrice Marneffe : Pour ce qui est de l'analyse du cycle de vie, nous travaillons avec des cabinets d'experts qui ont tous les modèles et toutes les bases de données concernant les cycles de vie des produits. On leur donne toutes les informations sur nos produits, de quoi ils sont faits substance par substance, comment on les extrait, comment on les utilise, comment on les package, etc., toutes ces données leur permettent de produire une analyse complète de l'impact environnemental d'un produit. Dès qu'on aura cet outil finalisé, on l'utilisera je pense dans l'éducation qu'on veut donner à nos clients. Mais on sait déjà quels sont les grands éléments impactants : c'est avant tout l'utilisation du papier. On reviendra vers vous plus tard sur ce sujet pour vous en dire plus, quand on aura eu la certification d'un tiers.

Clubic.com : Peut-on revenir sur la récupération et le recyclage des produits : qu'est-ce qui se passerait si on laissait les choses aller ?

Béatrice Marneffe : Le problème est que les déchets que l'on enfouit, ou que l'on envoie à la décharge finissent par polluer les sols, et que ce n'est même pas envisageable de continuer à ce rythme-là. On est dans une société de la high-tech où tous les gens sont équipés et renouvellent tous les 2-3 ans leur équipement, et il était urgent de trouver une solution pour stabiliser le niveau des déchets générés. Il fallait aussi trouver un moyen de les traiter plus écologiquement que ce qui était fait jusqu'à présent, c'est-à-dire d'éliminer tout ce qui est mise en décharge, tout ce qui est incinération. Cela participe de plus à une autre problématique, la gestion des ressources. Sachant que les ressources sont limitées, je pense qu'il n'est pas illusoire de vouloir donner une seconde vie à des matériaux utilisés dans des produits, et pour ce faire il faut donc pouvoir les collecter et ensuite les intégrer dans des filières de recyclage. De notre côté, il s'agit donc de donner une deuxième vie au plastique, aux métaux ferreux et aux métaux non ferreux.

Clubic.com : Concrètement, comment s'organisent la collecte, le tri et le recyclage des cartouches et des imprimantes ?

Béatrice Marneffe : Pour ce qui est de la France et du marché grand public, on adhère à un éco-organisme qui s'appelle Ecologic, et qui, pour Lexmark, récupère dans les municipalités l'ensemble des DEEE (pas uniquement les nôtres, on ne fait pas de sélection par marque sur le marché grand public). On contribue ensuite individuellement, en terme de paiement, à hauteur de notre part de marché : on fait un calcul entre notre part de marché et le volume qui est collecté. Cet éco-organisme, qui est agréé par le gouvernement, répond à tout un ensemble de normes en terme de filières de recyclage. Son rôle est d'utiliser les meilleurs recycleurs du marché, en tout cas ceux qui répondent aux critères qui ont été définis par les producteurs et le gouvernement.

Clubic.com : Des organismes, il y en a beaucoup. Certains d'entre eux organisent des collectes de cartouches en s'associant à des programmes humanitaires...

Béatrice Marneffe : Là vous parlez des cartouches. C'est la seule chose qui les intéresse. Pourquoi, parce que les cartouches sont remplies par des tiers qui les remettent sur le marché.

Clubic.com : Il y a donc des déchets plus intéressants que d'autres ?

Béatrice Marneffe : Ca c'est sûr. Bon maintenant, dans les DEEE, il n'y a pas beaucoup de métaux précieux (rires), il y en a un tout petit peu, mais ce n'est pas ça qui attire les gens. Non, les cartouches ont un prix de marché pour être récupérées vides parce qu'il existe une deuxième industrie qui s'est développée après la nôtre, qui est l'industrie des cartouches re-remplies, ou remanufacturées.

Et que fait Ecologic de vos cartouches ?

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Béatrice Marneffe : Ecologic ne s'occupe pas des cartouches. Pour les cartouches on a une filière propre, par les sacs que j'évoquais ou par des conteneurs. On les récupère et on a notre filière de retraitement, parce que dans le monde laser, on récupère et on réutilise nos cartouches (on a une filière de réutilisation), on réutilise tout ce qui peut être utilisé pour faire des cartouches neuves de qualité équivalente avec les mêmes procédures de test. Et toutes celles que l'on ne peut pas réutiliser, on les recycle en respectant nos critères de recyclage qui sont : pas d'incinération et pas de déchetterie. En fait on fait ça aussi parce qu'on n'a pas du tout envie que nos cartouches soient retrouvées en Chine sur des tas de déchets et qu'on soit taxés d'irresponsabilité. C'est une des raisons pour lesquelles on organise la récupération de nos cartouches, sachant que cette action dure depuis 13 ans. Or, une des difficultés sur le marché du grand public est que l'on n'a pas accès directement au consommateur. On a aussi mis en place un système sur le web, et on met en place des conteneurs, mais c'est plus difficile de collecter sur le marché grand public.

Clubic.com : Il est plus difficile de récupérer les cartouches jet d'encre usagées, et est-ce qu'il est plus difficile aussi de les recycler ?

Béatrice Marneffe : Ce sont des cartouches qui ne présentent pas de danger et qui ne sont donc pas très difficiles à recycler. Mais pour le faire, il faut en avoir, et en avoir suffisamment pour avoir une filière à nous. (Clubic : Donc aujourd'hui les cartouches jet d'encre que vous récupérez, vous les traitez vous-mêmes ?) Oui, nous les traite nous-mêmes, dans notre filière individuelle d'imprimantes. On a un recycleur qui traite nos imprimantes pour toute l'Europe, et qui traite aussi nos cartouches jet d'encre.

Clubic.com : Quel type de seconde vie attend ces cartouches-là ?

Béatrice Marneffe : Dans ces cartouches, vous avez une partie de plastique qui sera recyclé. Le problème aujourd'hui, qui reste à améliorer et sur lequel on travaille, c'est - vous savez que dans une cartouche jet d'encre il y a une mousse qui est imbibée d'encre... pour l'instant il y a encore une petite partie de la cartouche qui est incinérée, ou plus exactement qui sert de fioul à une autre industrie, ce qu'on appelle de la valorisation énergétique. Et notre intention est de diminuer ce niveau de valorisation énergétique, c'est-à-dire réussir encore mieux à recycler la totalité pour une réutilisation. Non pas que la valorisation soit un objectif à proscrire, mais on pense qu'on peut faire encore mieux.

Clubic.com : Quelle proportion de cartouches, tant jet d'encre que laser, est-ce que vous arrivez à recycler avec succès, car il doit y avoir des cartouches plus abîmées que d'autres... ?

Béatrice Marneffe : On les recycle toutes.

Clubic.com : « On les recycle toutes », ça signifie qu'elles sont toutes réutilisées ?

Béatrice Marneffe : Quand vous avez une cartouche laser, vous avez des pièces à l'intérieur qui peuvent mériter d'être réutilisées. Donc soit la cartouche elle-même, la coque est encore utilisable et on l'utilise, soit elle ne l'est plus et on réutilise les pièces à l'intérieur. Dans la cartouche jet d'encre, parfois la cartouche elle-même peut être réutilisée. Et c'est nouveau chez Lexmark de travailler à la réutilisation de nos propres cartouches jet d'encre dans leur rôle premier, car avant techniquement la qualité ne nous paraissait pas suffisante...

Clubic.com : Donc il faut bien distinguer recyclage et réutilisation ?

Béatrice Marneffe : Oui, mais la réutilisation n'est pas forcément la meilleure solution. Car pour donner une seconde vie dans la fonction première, si vous devez remanufacturer de manière complexe, en réutilisant de l'énergie, vous n'avez pas de bénéfice environnemental.

Clubic.com : Il y a donc un calcul à faire ? Quand vous parlez de compromis, c'est aussi à ce niveau-là ?

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Béatrice Marneffe : Exactement. C'est de trouver la meilleure solution, et ça c'est un sujet sur lequel on débat énormément à la commission, car pour certains parlementaires « réutilisation » égale « meilleur pour l'environnement ». Or, pas forcément, pour plusieurs raisons. C'est un peu comme le problème du papier recyclé. Certains papiers recyclés ne sont pas plus intéressants pour l'environnement que des fibres vierges, car pour faire du papier recyclé, vous utilisez plus d'énergie que pour faire des fibres vierges. De la même manière, des études nous ont montré qu'une cartouche re-remplie par un tiers était, dans un grand nombre de cas, de qualité ou de fiabilité inférieure à celle des cartouches neuves. Ce qui fait qu'au départ vous pensez bien faire en réutilisant cette cartouche, mais qu'in fine vous avez dégradé l'imprimante dans laquelle vous la mettez, vous allez refaire trois fois vos impressions parce que la qualité ne sera pas bonne, ou alors vous allez avoir un rendement de cette cartouche qui va être très faible, et vous allez la mettre à la poubelle beaucoup plus vite que prévu. Finalement, la réutilisation (et c'est en ça que c'est relativement complexe) n'est pas forcément la meilleure solution. Il faut qu'on travaille étape par étape, on teste, on réessaie, on avance...

Clubic.com : En fait, est-ce parce que ces programmes n'ont pas le même souci de trouver le bon équilibre au niveau du respect de l'environnement ?

Béatrice Marneffe : Je pense qu'ils n'ont pas non plus la même expertise : nous on ne fait que ça, on développe les toners, on les améliore, on développe les cartouches, on les améliore... Et il y a un sujet qu'on n'a pas évoqué, c'est l'encre. Quand ces gens-là re-remplissent des cartouches, ils utilisent des encres dont nous ignorons la provenance, et souvent, pour que ces encres puissent être utilisées dans les différentes cartouches des concurrents, ils mettent des niveaux de solvants chimiques qui sont largement supérieurs à ce que nous utilisons dans nos propres produits.

Clubic.com : Y a-t-il des contrôles à ce niveau-là ? Est-ce qu'il y a des moyens, quand on est consommateur et qu'on veut utiliser des cartouches re-remplies, de savoir si l'entreprise qui les propose a été soucieuse de bien faire et de proposer des produits de qualité, ou s'il s'agit seulement de réutilisation au moindre coût ?

Béatrice Marneffe : Non, pour le moment il n'y a pas de législation. On n'a pas réussi à développer un label de qualité environnementale du remanufacturing pour les cartouches jet d'encre. Par manque de connaissances, mais aussi par manque de consensus entre les acteurs. Pour faire un éco-label, il faut que les gens se mettent autour d'une table et se mettent d'accord sur les critères à prendre en compte, ce qui est assez complexe à organiser.

Clubic.com : Un éco-label, c'est fait à quel niveau et avec quels acteurs ?

Béatrice Marneffe : Un éco-label, c'est un label qui est fait à l'initiative d'un pays ou d'une organisation par exemple, qui après développe son propre marketing. A l'inverse d'un standard (ex : standards ISO), qui est fait à l'initiative d'un institut de standards, avec autour de la table la totalité des acteurs, c'est-à-dire les producteurs (nous), les législateurs, les organismes de test, les ONG, et tous les gens qui veulent participer à la rédaction.

Clubic.com : Un éco-label est une démarche plus privée ?

Béatrice Marneffe : C'est une démarche plus privée. Comme le standard il faut payer pour obtenir ce label, passer au travers une moulinette de tests pour l'avoir. Mais les éco-labels, pour qu'ils soient réellement pertinents, doivent s'appliquent à une gamme de produits.

Clubic.com : Vous avez abordé le problème du papier au niveau du pouvoir de nuisance : pouvez-vous développer cette idée ?

Béatrice Marneffe : Tout simplement, l'industrie du papier est une industrie très consommatrice de ressources - et sans forcément faire l'amalgame avec les arbres et les forêts. D'une façon générale, toute industrie consommatrice d'énergie mérite qu'on essaie de faire des économies, de réduire le gaspillage.

Renvoyer nos cartouches aux constructeurs, adopter le recto-verso...

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Quelles sont les entreprises qui peuvent se dire « vertes » aujourd'hui ? Alors les questions environnementales sont des plus complexes, tout montre que le fait de proposer des produits « verts » ne peut pas suffire à les résoudre. Pour qu'il y ait un réel progrès, il faut que les consommateurs s'engagent aux côtés des constructeurs. Il faut qu'ils acceptent de changer leurs habitudes, de payer quelques centimes d'euros de plus pour un produit validé par un éco-label ou plus simplement qu'ils réapprennent quelques gestes simples, comme celui qui consiste à éteindre son imprimante le soir en même que l'ordinateur.


Clubic.com : Vous dites que Lexmark va prochainement s'adresser au public autour de ces questions d'environnement : quel message voulez-vous donc communiquer dès à présent ?

Béatrice Marneffe : Je crois que le message important est de dire qu'il faut rester humble, je crois qu'aujourd'hui il n'y pas beaucoup d'entreprises qui peuvent se dire vertes, parce qu'on découvre tous les jours, et qu'il est important de progresser, et de ne pas regarder les choses en valeur absolue, mais en valeur relative. Quand vous prenez un produit, ne pas se dire « Il a une consommation de tant », mais plutôt « avant sa consommation était de tant, ils l'ont réduite ». C'est plus regarder les trajectoires d'entreprises (ce qui est difficile pour les consommateurs). C'est une affaire de partage d'expertise, de partage de responsabilité, et d'éducation commune. Nous, producteurs, ne pourrons pas résoudre le problème si nos clients ne nous aident pas à progresser. Nous progressons justement grâce aux remontées qu'ils nous font. C'est un défi commun, qui nécessite beaucoup d'humilité. Nous ne prétendons pas être verts. On a beaucoup d'idées sur ce qu'on peut faire de mieux, et à chaque génération on essaie de faire mieux. Et en terme d'éducation, il faut que les consommateurs nous aident justement en nous renvoyant les cartouches, car plus on en aura et mieux on les recyclera.

Clubic.com : D'accord, donc en fait il faut privilégier les filières de collecte mises en place par les constructeurs ?

Béatrice Marneffe : Oui, parce que nous investissons en innovation et en recherche. Et (pour parler de façon un peu familière), on l'a un peu mauvaise de voir ces gens qui se positionnent comme des leaders en environnement, et qui derrière vous revendent des cartouches et ne se soucient pas du tout de ce qu'elles vont devenir ensuite. Ils vous expliquent ensuite que nous vendons des cartouches à un prix très élevé, mais oublient de parler de leurs investissements : une seringue et c'est tout ? Ce n'est pas du tout notre cas. On investit en recherche et développement pour fabriquer la cartouche, pour le marketing de la cartouche, pour le recyclage, pour améliorer les techniques et les matériaux, éliminer les produits dangereux, etc. Et eux ne font rien de tout ça, ils ont zéro coût d'innovation. Et c'est pour ça, il faut le dire, que les gens devraient nous renvoyer leurs cartouches, ça nous fera progresser, et eux avec.

Clubic.com : Y a-t-il d'autres actions que l'on peut faire en tant que consommateur ? Au niveau du choix des produits... ?

Béatrice Marneffe : Oui, au niveau du choix des produits, vous allez voir progressivement s'imposer des éco-labels. Là je parle des imprimantes, et d'un éco-label reconnu, qui s'appelle Energystar et qui est un éco-label très contraignant, mais qui malgré tout mérite d'être regardé (comme les labels énergétiques sur les produits blancs). C'est vrai que le coût d'un éco-label pour un constructeur est quand même sensible, mais il faut là aussi que les consommateurs acceptent de payer quelques centimes d'euros de plus, pour avoir des produits plus verts.

Clubic.com : Autre chose ?

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Béatrice Marneffe : Utiliser des fonctionnalités comme le recto-verso. Ne pas désactiver les modes de sauvegarde de l'énergie. Quand on vous livre une imprimante, vous avez un mode de sauvegarde, que beaucoup de clients désactivent pour quelques secondes de gagnées à l'impression. En le désactivant, ils accroissent la consommation énergétique. On peut le dire autrement : que les gens retrouvent un tout petit peu de patience.

Encore une chose. Qu'ils éteignent leur imprimante le soir, comme ils éteignent leur PC. Les vieilles générations comme la mienne, on nous avait expliqué que l'informatique n'était pas suffisamment fiable, et qu'il ne fallait surtout pas éteindre sinon on risquait de ne pas redémarrer le matin (rires). C'est faux, absolument faux aujourd'hui. Eteignez tout le soir, avec le bouton (le switch). La bonne nouvelle aussi pour les consommateurs, est qu'économie et écologie riment : c'est-à-dire qu'ils préservent la terre, et qu'en même temps ils réduisent leurs dépenses. D'ailleurs à propos, le programme de retour des cartouches est à nos frais, il y a une enveloppe pré-payée, la seule démarche est d'aller la mettre dans une boîte.
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