Le Conseil d'État a validé, dans une décision rendue vendredi, les efforts climatiques de la France. Pour la juridiction, la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre respecte les objectifs fixés pour 2030.

Le Conseil d'État valide la trajectoire climatique de la France pour 2030 © Iva Gomez / Shutterstock
Le Conseil d'État valide la trajectoire climatique de la France pour 2030 © Iva Gomez / Shutterstock

Le contentieux climatique initié par la commune de Grande-Synthe, la Ville de Paris et plusieurs associations environnementales contre l'inaction de l'État, vient de connaître son épilogue. Le Conseil d'État a confirmé, dans une décision rendue publique le vendredi 24 octobre, que les mesures prises depuis 2021 fonctionnent. La plus haute juridiction administrative valide la trajectoire vers une réduction de 40% des gaz à effet de serre entre 1990 et 2030, qu'elle juge crédible. Une victoire pour le gouvernement, qui évite l'astreinte de 75 millions d'euros réclamée par les associations écologistes.

Des émissions de CO2 en baisse constante depuis 2019 en France

Grande-Synthe et les ONG peuvent souffler, les efforts payent. Sur la période 2019-2023, couverte par ce qu'on appelle le « deuxième budget carbone » (un plafond d'émissions fixé par décret), la France a émis en moyenne 406 millions de tonnes équivalent CO2 par an. C'est 19 millions de tonnes de moins que l'objectif de 425 Mt, une marge confortable qui témoigne du respect des engagements pris.

Et pour la période 2024-2025 ? La tendance se confirme. Selon le CITEPA, l'organisme de référence qui mesure la pollution atmosphérique en France, les émissions sont tombées à 369 Mt en 2024, puis 366 Mt en 2025. Soit respectivement 15 et 4 Mt de mieux que les objectifs. Ces chiffres couvrent les six grands secteurs émetteurs, à savoir le bâtiment, l'agriculture, les transports, l'industrie, les déchets et l'énergie. Tous contribuent à cette baisse globale des émissions nationales.

Alors comment expliquer ces résultats ? Le Conseil d'État reconnaît que les politiques publiques lancées après sa condamnation de juillet 2021 ont produit des effets tangibles. Le gouvernement a adopté, selon la décision, « un ensemble significatif et diversifié de mesures » dans les secteurs mis en cause. Du papier au terrain, le changement s'opère enfin à un rythme compatible avec les engagements de l'Accord de Paris.

Une trajectoire crédible pour atteindre moins 40% d'émissions en 2030

Reste à savoir si ces bonnes nouvelles suffiront à atteindre la cible de 2030. Le gouvernement a soumis au juge un exercice de projection baptisé « scénario avec mesures existantes » (AME), qui intègre toutes les politiques adoptées jusqu'au 31 décembre 2023. Les émissions devraient ainsi atteindre 326 Mt en 2030, ce qui correspondrait à une baisse de 39,5% par rapport à 1990. Presque l'objectif de 40%, donc. Et comme d'autres mesures ont été votées depuis début 2024, la marge de sécurité est plus grande.

Côté financement, les moyens suivent, d'après le Conseil d'État. Les investissements climatiques sont passés de 100 à 105 milliards d'euros entre 2022 et 2025. En parallèle, l'État a lancé une territorialisation de sa planification écologique, avec des régions et intercommunalités qui ne subissent plus passivement les directives nationales, puisqu'elles co-construisent désormais les solutions locales adaptées à leurs spécificités.

Le Haut Conseil pour le climat (HCC), l'organe d'expertise indépendant consulté lors de l'instruction, a confirmé en juillet 2025 que l'objectif de -40% reste atteignable. L'organisme émet toutefois des réserves. Il estime, par exemple, que la coordination entre ministères pourrait être améliorée. Il ajoute aussi que plusieurs textes de planification accusent du retard (la troisième stratégie bas-carbone n'est toujours pas publiée), et que le rythme de décroissance des émissions ne ralentit légèrement. Mais globalement, le HCC juge la trajectoire soutenable, à condition de maintenir le cap. Pas de triomphalisme, donc, mais une validation prudente.

Avec 406 millions de tonnes de CO2 par an : la France fait mieux que prévu© Aod Anon / Shutterstock
Avec 406 millions de tonnes de CO2 par an : la France fait mieux que prévu© Aod Anon / Shutterstock

Grande-Synthe : une bataille de gagnée seulement

En ce qui concerne la commune de Grande-Synthe, cette dernière avait saisi le Conseil d'État pour dénoncer l'inaction de l'État face à l'urgence climatique. Survint alors un coup de tonnerre en juillet 2021, lorsque la plus haute juridiction administrative condamne le gouvernement et lui ordonne de prendre des mesures concrètes avant le 31 mars 2022. Une première historique en France, qui établit alors une responsabilité de l'État dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Mais en mai 2023, nouveau couac. Le Conseil d'État juge les efforts insuffisants, malgré plusieurs lois adoptées, et fixe une nouvelle deadline au 30 juin 2024. Cette fois, les associations environnementales (Notre affaire à tous, Oxfam France, Fondation pour la nature et l'homme et Greenpeace France) montent au créneau et réclament une astreinte financière record de 75 millions d'euros par semestre de retard.

Dans leur viseur, notamment, la loi du 11 août 2025 qui vise à « lever les contraintes » qui pèsent sur les agriculteurs, qu'elles considèrent susceptible de favoriser une hausse des émissions. Le juge a balayé ces craintes, en estimant que ces dispositions n'auront pas d'impact significatif sur les émissions globales.

Le paquet « Fit for 55 » de l'Europe pourrait relancer le contentieux climatique

Est-ce une victoire de l'État, donc ? Oui, mais partielle, pourrait-on dire. Le Conseil d'État insiste sur un point crucial dans sa décision : il ne valide que le respect des objectifs fixés en 2021, à savoir -40% entre 1990 et 2030 et -37% entre 2005 et 2030. Or, entre-temps, l'Union européenne a relevé la barre avec le paquet « Fit for 55 », qui impose désormais une réduction de 55% des émissions nettes d'ici 2030.

La France a, en plus, transposé cette ambition dans un nouvel objectif national, établi à -47,5% pour la période 2005-2030, voire -50% selon le projet de stratégie bas-carbone en préparation. Ces nouveaux engagements, plus exigeants, ne sont pas couverts par la décision de vendredi. Autrement dit, si Paris trébuche sur ces objectifs renforcés, Grande-Synthe et ses alliés pourraient bien repartir au combat juridique. Le chapitre se ferme, mais le livre reste ouvert.