L’Arcom pousse un cran plus loin sa croisade contre le piratage sportif. Après les FAI et les moteurs de recherche, le régulateur français cible désormais les VPN, sommés de couper l’accès à près de 300 sites de streaming illégal.

La lutte contre la diffusion illicite de compétitions sportives change de terrain en France. Comme l’a révélé L’Informé, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a contacté plusieurs grands fournisseurs de VPN pour leur demander de bloquer 295 sites spécialisés dans le streaming pirate. Le dispositif anti-piratage s’étend ainsi à de nouveaux acteurs, alors qu’il visait jusqu’ici surtout les fournisseurs d’accès à Internet et les moteurs de recherche.
Les VPN, nouvelle cible de l’Arcom
Selon L’Informé, l’Arcom a transmis aux principaux services de VPN une liste d’environ 300 domaines diffusant sans autorisation des compétitions sportives, parmi lesquels Streameast, Rojadirecta, Firstows, Volkastream, Sportsonline ou HesGoal. Avec ce blocage ciblé, exigé par Canal+ et beIN, le régulateur entend compliquer la vie des amateurs de matchs gratuits qui se rabttent sur les VPN pour contourner les restrictions imposées par les opérateurs.
Si cette offensive pèse aujourd’hui sur les fournisseurs de VPN, c’est parce qu’elle repose sur un cadre légal désormais solide. Ces dernières années, la loi a renforcé les pouvoirs de l’Arcom pour accélérer les injonctions de blocage et suivre les sites miroirs, ces copies qui ressurgissent sitôt qu’une adresse pirate disparaît.
Dans le même temps, les diffuseurs de compétitions sportives, qui investissent massivement dans les droits de diffusion, ont façonné un environnement judiciaire plus favorable au retrait rapide des flux illicites. Le mouvement s’est accéléré en mai, lorsque le tribunal judiciaire de Paris a ordonné à NordVPN, ExpressVPN, Proton VPN, Surfshark et CyberGhost de bloquer environ 200 sites diffusant illégalement du football, du rugby ou de la Formule 1. Les services concernés ont tenté de contester la compétence du tribunal et d’invoquer le droit européen, sans succès.
Fin juillet, Canal+ a obtenu une nouvelle décision visant cette fois les retransmissions de Formule 1, avec obligation pour les mêmes prestataires de mettre en place un blocage rapide pour les utilisateurs situés en France. Des mesures qui, pour la première fois, placent les VPN sur le même plan que les FAI et leur imposent un vrai devoir de coopération, alors qu’ils étaient jusqu’à présent considérés comme de simples intermédiaires techniques sans obligation de filtrage.

Un double jeu remis en question
Pour les acteurs du VPN, la manœuvre a pris des allures de casse-tête, alors que ces services se sont bâtis sur la promesse de confidentialité et de neutralité. Et s’ils assurent aujourd’hui comprendre la volonté de freiner le piratage, ils se refusent toujours à endosser un rôle de censeurs. Lors des procédures engagées au printemps, leurs avocats avaient alors fait valoir que l’architecture des réseaux privés virtuels (serveurs répartis dans le monde entier, adresses IP partagées, absence de géolocalisation fine) rendait les blocages ciblés difficiles à mettre en place, pour ne pas dire impossibles. Ils rappelaient aussi que la racine du problème résidait du côté des hébergeurs de contenus illégaux et des circuits financiers qui les alimentent plutôt que du côté des simples relayeurs de trafic.
Le secteur craint en outre un effet boule de neige. Réunis au sein de l’Internet Infrastructure Coalition (i2Coalition), plusieurs fournisseurs ont déjà averti qu’un durcissement réglementaire pourrait les pousser à quitter le marché français, comme cela s’est produit en Inde ou au Pakistan. Une menace qui ne devrait pas émouvoir l’Arcom ni Canal+ ou beIN, mais qui pourrait réduire l’offre légale de VPN pour les internautes soucieux de protéger leur vie privée.
L’équation n’est par ailleurs pas totalement neutre. Les VPN se présentent avant tout comme des outils de confidentialité, mais leur succès doit aussi beaucoup à des usages détournés, qu’il s’agisse d’accéder à des catalogues étrangers, de contourner les obligations de vérification d’âge ou de suivre des compétitions sportives sans payer. Un point rarement assumé publiquement, mais qui explique en partie pourquoi ils se retrouvent aujourd’hui dans le viseur des autorités.
Source : L'Informé