L'intégration de l'IA Gemini dans Chrome suscite de vives inquiétudes chez Mozilla. La fondation craint que Google n'utilise sa position dominante pour imposer son modèle d'intelligence artificielle, au détriment d'un web ouvert et concurrentiel.

- Google intègre l'IA Gemini dans Chrome, promettant une navigation simplifiée, mais suscite des inquiétudes chez Mozilla.
- Les nouvelles API de Google pourraient favoriser Chrome, rendant d'autres navigateurs comme Firefox moins compatibles.
- Mozilla prône une IA ouverte et interopérable, tandis que Google pourrait renforcer son monopole avec Gemini.
Annoncée lors de la conférence Google I/O 2025, l'arrivée de l'assistant Gemini directement dans le navigateur Chrome a été présentée comme une avancée pour simplifier la navigation. Cependant, derrière cette promesse d'efficacité se cache une stratégie qui pourrait bien rebattre les cartes du web. Pour Mozilla, le gardien du navigateur Firefox, le risque est clair : voir Google créer un écosystème captif, refermant un peu plus un web déjà menacé par les monopoles.

- 100 % développé en interne
- Fiable, efficace et stable
- Fonctionnalités d'optimisation de l'interface et de l'expérience utilisateur
Une nouvelle guerre des navigateurs à l'horizon ?
La principale pierre d'achoppement réside dans les nouvelles API (interfaces de programmation applicative) que Google développe pour Chrome. Celles-ci sont conçues pour permettre aux développeurs de sites web et d'extensions d'accéder directement à Gemini Nano, une version locale du modèle d'IA de Google, qui s'exécute directement sur la machine de l'utilisateur (on-device). Des fonctions comme la traduction, le résumé de texte ou l'aide à la rédaction seraient ainsi intégrées nativement.
Le problème, soulevé par les ingénieurs de Mozilla, est que ces API sont spécifiquement calibrées pour le comportement de Gemini. Par conséquent, les applications web conçues avec ces outils fonctionneraient de manière optimale sur Chrome, mais pourraient présenter des bugs ou des performances dégradées sur d'autres navigateurs comme Firefox. On assisterait alors à un retour des sombres heures du « optimisé pour Internet Explorer », forçant les utilisateurs à choisir leur navigateur non par préférence, mais par compatibilité.
Cette situation renforcerait l'hégémonie du navigateur de Google, une mainmise que certains jugent déjà problématique et complexe à gérer, même pour l'entreprise elle-même. En liant les nouvelles fonctionnalités d'IA à son propre écosystème, Google pourrait de fait écarter toute concurrence. Mozilla pourrait techniquement tenter d'intégrer le modèle de Google dans Firefox pour contourner le problème, mais cela reviendrait à admettre sa défaite et à céder encore plus de contrôle à son principal rival.
Deux visions de l'IA dans le navigateur s'affrontent
L'approche de Google se veut profondément intégrée. L'objectif est de permettre à Gemini d'analyser le contenu d'une page, de le comparer avec d'autres onglets ouverts et d'effectuer des tâches complexes sans que l'utilisateur n'ait à quitter son navigateur. Cette vision mise sur la simplicité et la puissance, mais elle repose sur un modèle d'IA propriétaire dont Google contrôle toutes les facettes.
De son côté, Mozilla défend une vision radicalement différente. La fondation travaille également sur l'intégration de l'IA on-device dans Firefox, mais à travers des standards ouverts. L'idée est de fournir une infrastructure permettant aux développeurs d'extensions de choisir et d'exécuter le modèle d'intelligence artificielle de leur choix, garantissant ainsi la transparence et le contrôle pour l'utilisateur. Cette philosophie place la protection de la vie privée et l'interopérabilité au cœur du dispositif.
En tirant parti de sa part de marché écrasante sur le marché des navigateurs, Google est en position de force pour imposer son modèle d'IA. Une telle stratégie fragilise encore davantage un acteur comme Firefox, dont le modèle économique dépend en partie d'un accord financier avec Google, et qui se verrait contraint de lutter sur un terrain de jeu inégal. Des incompatibilités ont d'ailleurs déjà été constatées, certains outils comme Google AI Studio fonctionnant mal sur Firefox, un signe avant-coureur des difficultés à venir.
En définitive, le débat dépasse la simple querelle technique entre deux entreprises. Il s'agit de déterminer si l'avenir de l'intelligence artificielle sur le web sera façonné par des standards ouverts et une saine concurrence, ou s'il sera dicté par les intérêts d'un seul acteur dominant. Les décisions prises aujourd'hui pourraient bien définir le degré d'ouverture et de liberté du web pour la prochaine décennie, une question d'autant plus sensible que Google fait déjà l'objet d'une surveillance antitrust accrue.
Source : The Register