Fahrenheit : l'aventure se prend au second degré ?

Nerces
Spécialiste Hardware et Gaming
21 septembre 2005 à 12h30
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Jusqu'alors peu connus, David Cage et son équipe de Quantic Dream se sont fait un nom avec la sortie, en 1999, de The Nomad Soul chez Eidos, un titre multigenres qui a su captiver de très nombreux joueurs par son ambiance et son gameplay inimitables. Cette recette, le studio français a tenté de l'appliquer à son projet suivant : un jeu d'aventure à la gestation délicate. Plus de cinq ans de travail, un transfert mouvementé de VU Games à Atari et de nombreuses remises en question plus tard, nous sommes enfin en mesure de découvrir le bébé... Une aventure qui fleure bon le grand écran !

Un meurtre « à l'insu de mon plein gré » !

Administrateur du réseau informatique d'une grande banque new-yorkaise, Lucas Kane est l'archétype du monsieur Tout-le-Monde avec sa vie partagée entre son travail et sa petite amie ou plutôt son ex-petite amie. Alors qu'il fait une halte dans un petit restaurant tranquille de Manhattan, c'est pourtant lui qui devient le héros bien malheureux du thriller imaginé par Quantic Dream. Dans les toilettes du restaurant et armé du simple couteau qui lui servait il y a encore cinq minutes à découper son steak, Kane s'avance lentement vers l'homme penché au-dessus du lavabo. Les yeux dans le vague, il attaque le pauvre bougre et le poignarde par trois fois, tuant sa victime sur le coup... Presque immédiatement, Kane reprend ses esprits et constate, bien impuissant, l'horreur de son geste : un cadavre gît sur le sol maculé de sang et sa culpabilité ne fait aucun doute.

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L'aventure débute sur les chapeaux de roue avec un meurtre et, déjà, une musique particulièrement à propos !

Pour ne rien arranger, un policier est justement au comptoir du restaurant et, sans doute poussé par une envie pressante, il se dirige maintenant vers les toilettes. Kane n'a que quelques secondes pour réagir et c'est à ce moment critique que le jeu se décide à me donner la main. Récupérer l'arme du crime, faire disparaître le corps, nettoyer le sang sur mes vêtements ou m'enfuir par la porte de derrière sont autant d'actions possibles alors que rapidement un système de double caméras est mis en place pour faire monter encore un peu plus la pression : pendant que je continue à contrôler Kane sur la gauche, la partie droite de l'écran montre la progression du policier en direction des toilettes... Stress quand tu nous tiens ! Je me lave les mains, paye mon repas, croise le policier juste avant de sortir dans la rue... Vite, le premier taxi fera l'affaire... Fiou !

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Après un bref didacticiel joliment mis en scène dans lequel un David Cage modélisé nous apprend les principales commandes, le jeu débute par la séquence que je viens de vous décrire. Elle permet d'entrer tout de suite dans le vif du sujet et donne une idée assez précise du concept imaginé par David Cage et son équipe. En mélangeant action et aventure, en mettant systématiquement le joueur sous pression et en lui offrant plusieurs façons de s'en sortir, Quantic Dream a tenté une nouvelle approche. De ce fait, Fahrenheit n'a pas grand-chose à voir avec les aventures traditionnelles, les fameux « point & click », et c'est ainsi qu'il nous donne le contrôle des trois personnages principaux de l'histoire : Lucas Kane bien sûr, mais aussi les deux policiers en charge de l'enquête, Carla Valenti et Tyler Miles.

Sang chaud pour meurtre de sang-froid ?

Grâce à ce trio de personnages directement liés au meurtre, Quantic Dream a pu adopter un style narratif inédit. Pour expliquer les choses, reprenons la première séquence où Lucas Kane doit quitter le restaurant sans éveiller les soupçons. Elle est immédiatement suivie par une autre scène dans laquelle le joueur contrôle Carla Valenti et Tyler Miles. Tout juste arrivés sur les lieux du crime, les deux policiers doivent récupérer des indices et tenter d'y voir clair : Kane s'est enfui, mais il a sans doute laissé quelques traces de son passage ? D'une simple pression sur « entrée » on passe de Carla à Tyler et il suffit d'utiliser les touches de direction pour se déplacer. Dès qu'une action est possible, un symbole se matérialise dans la partie supérieure de l'écran. Il faut alors actionner le stick ou utiliser la souris pour imprimer le mouvement demandé et réaliser l'action.

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La remarquable mise en scène fait souvent appel au multifenêtrage pour imprimer un rythme toujours plus soutenu.

Carla (ou Tyler, pas de jaloux) se penche alors pour remarquer la présence d'un livre de Shakespeare, se saisir d'un couteau ou bien pousser la porte des toilettes. La collecte d'indices n'est qu'une partie de l'enquête et, pour ne rien oublier, nos policiers doivent également interroger les témoins. Qu'il s'agisse de l'agent en faction au moment des faits ou de la petite serveuse, le système de dialogues est le même et il s'avère d'ailleurs aussi bien conçu que novateur. À plusieurs reprises au cours de la discussion, des mots apparaissent dans le haut de l'écran et le joueur doit alors faire un choix. Les mots n'étant pas toujours très précis et le temps imparti étant limité, il est possible de faire des « erreurs », voire de ne pas choisir du tout. Dès lors, des informations sensibles peuvent nous échapper et la discussion être tout simplement interrompue.

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Fahrenheit est cependant conçu de telle manière que le joueur peut faire ces « erreurs » sans que cela ne prête trop à conséquence. Quantic Dream a prévu des « séances de rattrapage » pour, malgré tout, ne pas rester coincé et si par exemple, le gérant d'une boutique de livres anciens ne vous donne pas l'information au travers de la discussion, il sera possible de l'obtenir après avoir réussi un petit jeu. Tout au long de la partie, l'aventure est entrecoupée de différentes petites séquences « action » qui demandent quelques réflexes. Ici, il faut participer à une sorte de « Simon » (appuyer sur la bonne couleur au bon moment) et là cela tient davantage de l'épreuve de force : il faut alors alterner le plus rapidement entre la gauche et la droite pour réussir. Plus rare, un troisième type de jeux permet de contrôler un personnage dans un décor 3D pour une séquence de simili-infiltration.

À Kane que chose Tyler est bon !

Souvent bien intégrées à l'histoire, ces séquences permettent de rattraper certaines erreurs de parcours, mais, dans d'autres cas, il s'agit simplement d'épreuves à franchir pour avoir le droit de continuer. En cas d'échec, un panneau « fin » arrive plus tôt que prévu pour mettre un terme à la partie et nous proposer de recommencer la séquence manquée. Simples dans leur fonctionnement, ces petits moments d'action m'ont semblé bien mis en scène, mais il est possible qu'ils ne soient pas du goût de joueurs habitués à des aventures plus classiques. Ces derniers en profiteront pour tester et regretter la liberté d'action finalement très limitée qu'offre Fahrenheit. En regardant le jeu, on pourrait effectivement imaginer des dizaines de combinaisons possibles selon que Lucas Kane se soit par exemple enfui en taxi ou en métro.

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Régulièrement, des petits jeux sont là pour apporter un surcroît de pression sur les épaules déjà chargées du joueur.

En réalité, les différentes possibilités offertes aux joueurs débouchent très rapidement sur des conclusions identiques et, même en faisant n'importe quoi avec un personnage, on ne peut pas aller bien loin. Le moral du personnage baisse très rapidement et il finit par se suicider. Évidemment, cela limite d'autant l'intérêt de refaire l'aventure une seconde voire une troisième fois, mais compte tenu des ambitions de Quantic Dream, c'était inévitable. Les développeurs ont effectivement cherché à mettre le paquet sur l'aspect cinématographique de leur histoire, sur l'émotion qui s'en dégage et le côté remarquablement humain des personnages. En Lucas Kane, on cherche vraiment à savoir ce qui s'est passé « dans ce restaurant de Manhattan par une froide nuit d'hiver » et, bien que l'on connaisse l'identité de l'assassin, l'enquête de Valenti et Miles est tout aussi passionnante.

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Il faut dire que la mise en scène de Quantic Dream est simplement remarquable. Tout d'abord, le scénario très bien écrit est surtout découpé de manière à sans cesse relancer l'intérêt du joueur. Il y a certes quelques scènes qui fonctionnent moins bien que d'autres, mais dans l'ensemble c'est une très grande réussite. À de nombreuses reprises, les développeurs ont pris le parti de diviser l'écran en plusieurs parties façon 24 Heures Chrono. Cet effet de style permet de suivre l'action sous différents angles ou bien tout simplement de montrer, en parallèle, la progression de deux personnages. Cela donne bien sûr du rythme à l'aventure et permet de faire monter très rapidement la pression. Ce rythme est d'ailleurs renforcé par les différents éléments (séquences « action », dialogues...) que nous avons déjà avancés.

Pour ne rien gâcher, la bande-son est simplement exceptionnelle. L'intégralité du jeu est en français, mais pas de souci niveau doublage puisque des acteurs de renom interprètent les différents personnages. Associés à des répliques qui font souvent mouche et de nombreux clins d'oeil, cela donne à Fahrenheit une authenticité dont peu de jeux d'aventure peuvent s'enorgueillir. La musique n'est d'ailleurs pas en reste et les splendides compositions d'Angelo Badalamenti rappellent fréquemment celles de Twin Peaks. Pour être tout à fait honnête, la réalisation aurait pu être encore plus réussie si le graphisme avait suivi. On voit dans ce domaine que le jeu accuse quelques années de retard sur le planning. Les textures sont un peu grossières, les décors manquent de détails et certains personnages sont taillés à la serpe... Au regard de la qualité de l'aventure, ça reste cependant un détail.

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Ces écrans signifient une fin prématurée : le jeu n'est pas difficile, mais il faut faire un peu attention pour ne pas les voir trop souvent.


Citizen Cage

En développement depuis de nombreuses années, Fahrenheit était attendu par de très nombreux joueurs, mais à trop attendre un jeu on finit bien souvent par être déçus et c'est donc avec une certaine méfiance que nous abordions ce test. Heureusement pour eux comme pour nous, Quantic Dream ne s'est pas loupé avec cette histoire de meurtre mystique sur fond d'hiver polaire. Pas vraiment un jeu d'aventure, sûrement pas un titre d'action, Fahrenheit fait partie de ces OVNI ludiques que l'on vit plus qu'on ne les raconte. La mise en scène est impeccable, le scénario solidement construit et les personnages très attachants. Associés à une bande-son de très grande qualité, cela donne une aventure au parfum indéfinissable où l'angoisse et le stress ont une place toute particulière.

Une réalisation graphique un peu en retrait, quelques passages moins réussis, des séquences « action » pas évidentes pour tout le monde et une fin un peu vite expédiée sont les défauts que l'on ne manquera pas de relever. Malgré cela et une durée de vie finalement assez courte (moins de dix heures pour terminer le jeu la première fois), Fahrenheit reste un titre d'exception. Ce n'est certainement pas le jeu parfait, mais il offre une telle bouffée d'oxygène que tout amateur de Jeux Vidéo se doit au moins de l'essayer !

Fahrenheit

8

Les plus

  • Mise en scène stupéfiante
  • Bande-son absolument remarquable
  • Plusieurs solutions à chaque problème
  • Ambiance générale impeccable

Les moins

  • Aventure courte et assez figée
  • Réalisation graphique en retrait
  • Mini-jeux parfois un peu pénibles

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Réalisation8

Prise en main9

Durée de vie5


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Tombé dans le jeu vidéo à une époque où il fallait une belle imagination pour voir ici un match de foot, là un combat de tanks dans ces quelques barres représentées à l'écran, j'ai suivi toutes les évolutions depuis quarante ans. Fidèle du PC, mais adepte de tous les genres, je n'ai du mal qu'avec les JRPG. Sinon, de la stratégie tour par tour la plus aride au FPS le plus spectaculaire en passant par les simulations sportives ou les jeux musicaux, je me fais à tout... avec une préférence pour la gestion et les jeux combinant plusieurs styles. Mon panthéon du jeu vidéo se composerait de trois séries : Elite, Civilization et Max Payne.

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