Test de Dracula 3 : La Voie Du Dragon

L'année 2008 sera placée sous le signe des vampires en ce qui concerne les jeux d'aventure. En attendant A Vampyre Story et Dracula : Origin, c'est à Dracula 3 - La Voie Du Dragon que revient l'honneur d'ouvrir le bal (des vampires). C'est Khéops Studio qui s'est lancé dans l'aventure et qui confirme ainsi sa spécialisation dans la conception et la réalisation de jeux ayant pour base l'Histoire ou la littérature. Ici, les deux sont pris en compte pour proposer une aventure captivante qui mélange harmonieusement les faits historiques et la fiction, tout comme l'a fait à son époque un certain Bram Stocker.

Morsure pour mort pas si sûre

Durant l'entre-deux-guerres, le Père Arno Moriani de La Sacrée Congrégation des Rites est chargé de l'instruction d'un procès en béatification de Martha Calugarul, docteur dans le petit village de Vladoviste. En effet, depuis sa mort, la population raconte d'étranges évènements bénéfiques la concernant et le Vatican décide de mener une enquête afin de savoir si elle mérite de devenir une Sainte. Les premiers éléments des investigations du Père Moriani ne révèlent rien de miraculeux, mais, bien au contraire, soulèvent de nouvelles interrogations sur certaines pratiques inquiétantes et mettent à jour les superstitions locales. Le village est situé en contrebas du château du Crépuscule, dernier lieu de résidence d'un certain Vlad Tepes, aussi surnommé Dracula. Détruit par la guerre, il n'en reste plus que des ruines. Rapidement, l'enquête du Père Moriani change de direction et le Vatican lui demande de démontrer, par des preuves et des témoignages irréfutables, que l'existence des vampires n'est qu'une affabulation. Notre héros découvre alors que s'il veut découvrir la vérité, il va devoir s'engager sur la voie du dragon, un parcours initiatique devant mener au seigneur des vampires en personne.


Si vous avez joué aux dernières productions Khéops, vous ne serez pas dépaysés et vous vous retrouverez dans un jeu d'aventure à la première personne avec un rendu en omni 3D. Le moteur utilisé pour ce titre est identique à celui de Léonard de Vinci ou, plus récemment de Nostradamus, avec tout de même certaines améliorations. Un travail important a été réalisé sur l'ambiance visuelle qui arrive à créer cette atmosphère lourde de mystères et de menaces. Si dans les précédentes productions nous pouvions regretter le peu de personnages rencontrés et leurs animations rigides, ici, tout a été chamboulé. Même si les lieux peuvent sembler vides, ce n'est pas vraiment le cas et les personnages secondaires se rencontrent à différents endroits, rendant les environnements visités bien plus vivants. Chaque personnage bénéficie en plus d'animations correctes et variées ainsi que d'un rendu très détaillé de leur aspect physique. Petit clin d'œil à leur titre précédent, Nostradamus, nous retrouvons la possibilité d'admirer notre héros dans un miroir.

Un autre point qui a été encore plus travaillé dans ce titre est la minutie des détails visuels et sonores. Les lieux traversés sont globalement superbes, bien que certains endroits ont bénéficié de moins de méticulosité que d'autres, et donnent un aspect très réaliste sans jouer sur la surenchère visuelle. À savoir que s'il n'y a pas de raison particulière d'avoir une animation utile à la scène, elle n'y sera pas et le contraire est aussi valable. Un reproche souvent formulé dans les productions Khéops est le faible nombre d'endroits à explorer. Un léger effort a été réalisé ici, même si ce n'est pas la profusion, sans toutefois engendrer de lieux vides qui n'apportent rien à l'histoire et qui multiplient inutilement les déplacements. Si les lieux visités ne sont pas trop nombreux, ils proposent cependant de nombreuses interactions différentes à chaque retour et même leur aspect visuel est modifié.

Chasser le vampire on y va tiquant

Mais c'est principalement dans le domaine sonore que la précision est extrême, à tel point que tous ces petits sons d'ambiance passeraient presque inaperçus tellement ils semblent naturels et normaux. Tendez bien l'oreille, vous serez étonnés. Autre point agréable, le doublage des dialogues est particulièrement bon avec, pour ne rien gâcher, une excellente synchronisation labiale. Par contre, si les musiques sont nombreuses, elles se font particulièrement discrètes tout en remplissant leur office de mise en condition, avec de temps en temps quelques envolées plus fortes du violon pour souligner l'intensité de certains moments. Enfin, ce titre bénéficie de très nombreuses cinématiques de qualité qu'il est possible de revoir à volonté. Nous avons au final une bien solide réalisation.

Classiquement, le pointeur de la souris change en fonction des actions réalisables et de nombreuses interactions avec le décor sont possibles, pour la résolution des énigmes et puzzles bien entendu, mais aussi pour certains actes de la vie quotidienne. Le souci du détail évoqué juste avant s'étend jusque-là avec, pour chaque action réalisable, de multiples étapes logiques à effectuer. Le bouton droit de la souris permet d'accéder au menu. Ce dernier offre de nombreuses possibilités. Il vous sera possible de consulter de très nombreux documents que vous récupèrerez au fur et à mesure. Le jeu en use et abuse. On sent que les développeurs se sont énormément renseignés et ils nous font largement profiter de leurs recherches. Tous ces documents peuvent être examinés en détail grâce à une fonction loupe qui se révèlera très utile. Ils peuvent également être aisément comparés en passant rapidement de l'un à l'autre. Enfin de nombreuses possibilités de tri notamment en fonction de leur origine, de leur lieu d'acquisition ou de leur rapport avec l'une des sept étapes de la voie du dragon sont présentes. Ce dernier point est très important, surtout pour l'avant-dernière étape du jeu.


Comme dans les titres précédents, une liste des objectifs à réaliser est consultable à volonté pour guider le joueur. L'inventaire est conséquent, mais peu d'objets y seront présents en même temps. Autre point important, l'intégralité des dialogues est conservée afin de tenter de retrouver le petit détail glissé subrepticement, qui se révèlera en fait la clé de la résolution d'une énigme. Ces derniers sont très nombreux et souvent très longs. Il est cependant très dommage qu'il soit impossible de rechercher dedans ou d'aller directement à une page précise, ce qui oblige à faire défiler un nombre de pages de plus en plus important. Mieux vaut prendre beaucoup de notes par soi-même. À noter que le jeu dispose de la transcription intégrale du roman « Dracula » de Bram Stocker (en version anglaise) et d'une bible en latin de 3353 pages. Ces deux documents sont également le moyen pour le joueur de deviner ce qu'il doit faire ensuite en consultant certaines pages au hasard. L'interprétation du texte étant l'indice pour l'étape suivante dans la progression de l'aventure. Une bonne idée, très amusante.

Une histoire pour hardgore aventuriers

Nous en arrivons maintenant au coeur du jeu : les énigmes. Disons-le tout de suite, si elles sont particulièrement nombreuses, variées et originales, elles se révèleront souvent d'une difficulté assez importante. Si les dernières productions en matière de jeux d'aventure nous ont habitués à ne pas trop faire travailler nos petites cellules grises, cela ne sera pas le cas ici. Les jeux Khéops ont comme particularité de proposer énigmes et puzzles inspirés par l'univers du jeu pour une meilleure immersion du joueur dans l'histoire. Dracula 3 sollicite énormément le joueur. Le joueur occasionnel de jeux d'aventure se sentira rapidement frustré par les premières énigmes coriaces qui arrivent rapidement. Le problème est que ces joueurs ne sont pas habitués, toujours en raison des derniers jeux sortis relativement aisés, à ce que presque rien (voire absolument rien) ne leur permettent d'être mis sur la voie. Le titre demandera souvent au joueur d'avoir de sérieuses connaissances, ou de faire des recherches extérieures, pour comprendre le fonctionnement de certaines énigmes (analyses sanguines, suites logiques, règles mathématiques, fonctionnement de la machine de décryptage « Enigma »...). Ce besoin de recherches extérieures ne satisfera certainement pas les moins aventureux des joueurs, mais pour les autres, c'est un élément supplémentaire à l'expérience aventureuse du titre.

Il est amusant de constater également que, tel un professeur, le jeu nous propose souvent deux étapes pour une énigme. La première étape est l'exposé de la théorie avec une résolution relativement aisée. La seconde est la mise en pratique, plus difficile, où certains éléments manquent ou bien avec d'autres qui s'ajoutent. Hélas, certaines énigmes particulièrement pénibles tirent trop en longueur, obligeant le joueur à appliquer sa logique plusieurs fois de suite, multipliant ainsi les possibilités d'erreurs et augmentant le taux d'agacement ainsi que de frustration. Mais souvent, l'indice qu'il nous manque nous a été donné, mais de façon si discrète qu'il passe inaperçu (une phrase dans un dialogue, un détail dans une image, un passage dans une cinématique...). En fait, le plus petit détail, même anodin, peut être très important. Parmi les énigmes qui vous retiendront le plus longtemps citons, entre autres, celle de la bibliothèque de Budapest (avec une logique inexpliquée et pour laquelle les indices mettant sur la voie sont difficilement compréhensibles), les analyses sanguines de Krüger, le décryptage avec la machine « Enigma », les tableaux de la chambre de Maria Florescu, et j'en passe. À noter la présence de certaines énigmes facultatives ou bien celles dont la solution est donnée par les personnages, comme ces mots mêlés où il faut retrouver des allusions qui nous sont totalement inconnues et qui plus est rédigées en latin ! Mais attention, ne vous y trompez pas, cette importante difficulté n'est pas un point noir pour le jeu. Elle renoue en quelque sorte avec ce qui existait il y a quelque temps encore dans ce genre de jeu d'aventure. Il s'agit de la vraie aventure, du jeu d'énigme qui demande au joueur de s'investir corps et âme, plutôt que d'attendre que tout lui tombe « prémâché » entre les mains et surtout de comprendre pourquoi il fait cela, préalable indispensable à la dernière épreuve.


Dracula 3 - La Voie Du Dragon repose sur de nombreuses références historiques et littéraires. Il est aussi amusant de constater les références et les hommages glissés par les développeurs qui mélangent les faits historiques à la fiction romanesque. Ainsi, le docteur Maria Florescu porte le même nom que Radu Florescu, auteur du livre « À La Recherche de Dracula ». De même, Martha Calugarul porte le nom de Vlad IV Dracul, fils illégitime de Vlad II Dracul, le père de Vlad Tepes. Enfin, que dire du rapport entre ces ossements de chevaux découverts dans le cercueil du vampire dans le jeu et ce fait historique identique lors de l'ouverture du tombeau de Vlad Tepes au monastère de Snagov. Ainsi, tout comme le roman de Bram Stocker, le jeu mélange les faits historiques et réels à la légende, tout en les romançant pour créer un cadre propice au questionnement. Et si tout cela n'était pas qu'un jeu, mais un moyen d'en savoir plus et de mettre sur une piste les curieux du mythe. En tout cas, l'aspect culturel que Khéops Studio aime à mettre dans ses jeux est bel et bien présent. Est-ce que plus tard, nous ne retrouverons pas ce titre parmi les documents à consulter pour mieux connaître la légende de Dracula et ce qui touche au mythe des vampires ?

Conclusion

Dracula 3 - La Voie Du Dragon est une belle réussite. Très difficile, il sollicite énormément le joueur qui doit faire des recherches dans le jeu et même en dehors pour résoudre certaines énigmes. Le tout baigne dans une ambiance et une atmosphère bien mises en place, notamment grâce à une mise en scène efficace qui arrive à inquiéter et parfois à surprendre le joueur. Le titre ne regorge pas d'effets gores ou sanguinolents, mais joue plus sur les sentiments d'inquiétude et de mal-être. Un titre que tout passionné de véritable aventure riche, complexe et demandant un bon investissement personnel se doit de posséder.



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