Le blocage de plusieurs sites à caractères pornographique refusant de mettre en place des mesures de vérification d'âge pose question. Est-ce le début d'un contrôle plus strict de l'activité des internautes sur la toile ?

À première vue, la question semble avoir une réponse simple. Quand on demande : faut-il empêcher les mineurs d'accéder aux contenus pornographiques, l'immense majorité des Français répondront oui. Mais le diable ici n'est pas tant dans les détails que dans les moyens. Quelle technologie faut-il mettre en place pour cela ? Car tout ce qui est proposé à cette heure réduit l'anonymat de l'internaute, et met en place des solutions qui pourront être étendues ensuite à d'autres domaines moins consensuels. Serait-ce là l'objectif recherché ?
Aylo (Pornhub) se pose en défenseur de la confidentialité des données
Pornhub est à nouveau indisponible en France, tout comme plusieurs autres plateformes du groupe canadien Aylo. Ce dernier refuse toujours autant de mettre en place des solutions de contrôle de l'âge des personnes navigant sur ses sites, et ce, explique le gouvernement, pour protéger contre l'accès des mineurs au contenu pornographique.
Il faut dire que les solutions proposées, même si elles se veulent sécurisées, poussent l'internaute à transmettre une pièce d'identité ou à effectuer une transaction à 0 euros avec sa carte bancaire pour confirmer son statut de majeur. Il s'agit clairement d'un saut historique dans l'histoire d'internet, avec l'obligation de s'identifier pour accéder à des pages sur la toile. Pour Aylo, ce serait un précédent extrêmement dangereux pour la confidentialité des données de l'internaute.
Et si l'on peut évidemment douter de la pureté des intentions du groupe, qui a sûrement peur de voir son trafic être réduit par des mesures de contrôle, la pertinence des arguments avancés est difficilement niable.
Les réseaux sociaux, la prochaine étape
Surtout que déjà, le gouvernement, utilisant à nouveau la question de la protection des mineurs, annonce ne pas vouloir cantonner l'identification des mineurs sur le web aux sites pornographiques. Emmanuel Macron expliquait ainsi le mois dernier, après un nouveau drame ayant eu lieu dans un lycée de Haute-Marne, vouloir faire appliquer l'interdiction d'accès des réseaux sociaux aux moins de 15 ans.
L'expérimentation qui commence avec la question des contenus pornographiques pourrait ainsi être aisément appliquée, derrière, aux réseaux sociaux. Il pourrait ainsi devenir nécessaire de prouver son âge, selon les mêmes modalités décrites plus haut, pour ouvrir un compte, voire, qui sait, simplement pour pouvoir naviguer sur un réseau social.

Entre-t-on dans un nouvel âge de la surveillance sur le web ?
Évidemment, il est assez aisé de répondre que, quoique le gouvernement puisse tenter, il existera toujours des moyens techniques permettant de contourner ces nouvelles obligations, que ce soit en changeant ses DNS ou en faisant usage d'un VPN. C'est ce qu'il se passe notamment en Chine, où le Grand Firewall a poussé des centaines de millions de Chinois à utiliser quotidiennement des VPN. En Russie aussi, ces réseaux virtuels sont populaires, même si le gouvernement cherche à rendre leur utilisation plus difficile. Reste que les exemples cités ne sont pas de nature à rehausser l'image des actions du gouvernement, qui se voit là comparé à des régimes beaucoup moins soucieux des libertés publiques.
La question d'une volonté étatique de contrôler plus fermement l'internet se pose d'autant plus que les autorités ont depuis longtemps fait état de leur envie de mieux border la toile. En 2023, il était ainsi évoqué la possibilité de tout simplement couper les réseaux sociaux en cas de troubles. Et au niveau européen, Bruxelles a aussi indiqué vouloir mettre fin au côté « far west » (avec tout ce que cette formule peut avoir d'ambivalent) que serait internet.
D'ailleurs, preuve d'une certaine volonté de contrôle présente sur le Vieux Continent, l'Union européenne veut s'attaquer non seulement à la navigation, mais aussi aux cryptomonnaies, avec le plan de l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent de tout bonnement interdire les portefeuilles et les cryptomonnaies anonymes (tel que le Monero) à partir de 2027.
Quelle est la limite à ne pas franchir ?
Au vu de tout ce qui est entendu ces dernières années, et de ce qui commence à se mettre en place, la question est simple : où se trouve la limite ? C'est-à-dire que s'il existe des craintes légitimes quant aux problèmes qu'internet peut créer, notamment du côté des mineurs, on peut aussi se demander s'il n'est pas nécessaire de poser des limites aux intrusions de l'État, au-delà desquelles il lui serait impossible de légiférer pour surveiller en masse notre activité.
On peut rappeler par exemple que, peu importe les problèmes que pouvait rencontrer la société les décennies précédentes, un principe comme le secret de la correspondance n'avait pas été remis en cause. Faut-il développer des principes similaires à l'ère du numérique, qui permettrait de circonscrire et de sanctuariser un certain nombre d'activités et de données, afin de les mettre hors de la main du gouvernement, qu'importe la cause invoquée ? La réflexion pourrait bien monter dans les années à venir.
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