Un nouveau nom pour une nouvelle génération de navigateurs. Neuf ans après le concept initial, Opera ressuscite Neon dans une version ultra ambitieuse. Objectif : faire du navigateur un assistant personnel sur-mesure, capable de comprendre vos besoins, d’agir sur le web à votre place, et même de produire du contenu pendant que vous êtes hors ligne.

Opera dépoussière Neon et lance officiellement le premier navigateur agentique grand public. © Opera
Opera dépoussière Neon et lance officiellement le premier navigateur agentique grand public. © Opera
L'info en 3 points
  • Opera présente Neon, un navigateur avec une IA agentique qui réalise des tâches web et produit du contenu.
  • Neon peut remplir des formulaires, réserver et acheter en ligne, tout en respectant des protocoles de sécurité.
  • Les fonctionnalités avancées de Neon soulèvent des questions sur la gestion des données sensibles et l'automatisation des paiements.

Depuis le temps qu’on nous promet que les navigateurs vont changer, Opera semble avoir décidé de ne plus attendre. La société norvégienne vient tout juste d’officialiser Opera Neon, son nouveau navigateur doté d’une intelligence artificielle dite agentique. Derrière ce terme un brin abstrait transparaît la volonté de faire évoluer le navigateur d’une interface passive à un outil actif, capable d’interpréter ce que vous voulez faire… puis de s’en charger.

Le projet est le fruit de deux ans de développement en interne. Il reprend les bases du Browser Operator présenté en mars dernier, tout en les poussant beaucoup plus loin. Neon ne fait pas que suggérer ou résumer, il agit. Il remplit les formulaires, réserve vos voyages, automatise les tâches web… et peut même créer un site, un rapport ou un jeu vidéo à votre place.

Quand le navigateur commande des fleurs tout seul

Lors d’une démonstration de Neon, alors encore Browser Operator, à laquelle nous avons pu assister en avril dernier, l’agent IA n’a pas seulement montré qu’il pouvait interagir avec des sites. Il a carrément passé une commande de fleurs. Le démonstrateur a saisi un prompt dans l’interface : « je veux que tu livres un bouquet de fleurs », en précisant la date, l'heure de livraison, l’adresse et le nom du destinataire – un journaliste présent dans la salle.

Le navigateur s’est aussitôt mis au travail. Il a trouvé un site de livraison, sélectionné le bouquet, rempli les champs du formulaire, renseigné les coordonnées, saisi le numéro de carte bancaire. Vingt-quatre heures plus tard, le journaliste recevait son bouquet.

Dans toute cette histoire, le démonstrateur n’est jamais intervenu à un quelconque moment du processus, gardant les mains en l’air pour prouver sa bonne foi. Pour autant, nous avons bien vu le pointeur de souris bouger, scroller, cliquer et se charger de la commande, de la recherche jusqu’à la saisie des informations de paiement. Seule exception : la validation finale du paiement, qui a été confirmée manuellement.

Et c’est exactement ce genre d’usages pratiques et quotidiens qu’Opera veut généraliser avec Neon.

Au cours d'une démonstration en avril dernier, nous avons pu observer Browser Operator commander des fleurs en direct. © Chloé Claessens / Clubic
Au cours d'une démonstration en avril dernier, nous avons pu observer Browser Operator commander des fleurs en direct. © Chloé Claessens / Clubic

Un navigateur qui sait chercher, faire… et fabriquer

Opera résume cette évolution autour de trois piliers fonctionnels : Chat, Do, et Make.

Neon Chat reprend les standards de l’assistance IA moderne, avec une interface conversationnelle capable de comprendre la page que vous consultez, de fournir des résumés ou de rédiger des textes dans votre style préféré. Il repose sur un moteur développé par Opera, conçu pour fonctionner avec plusieurs modèles d’IA existants et intégré directement dans le navigateur.

Neon Do, comme le montre la démonstration évoquée plus haut, permet au navigateur d’agir sur les pages web. En analysant leur structure, il comprend le contenu affiché et peut interagir avec les sites comme le ferait une personne devant son écran : cliquer, remplir des formulaires, réserver, acheter (des fleurs, à tout hasard). Il peut aussi, selon vos instructions, interpréter le contexte, extraire des informations ou générer du contenu lié à la page. Toutes les actions sont exécutées localement, sans transfert de données vers un serveur distant. Et si besoin, vous devriez pouvoir reprendre la main à tout moment.

Enfin, Neon Make pousse l’ambition encore plus loin. À partir d’une consigne, il organise le travail, le découpe en sous-tâches et les délègue à des agents IA opérant sur une machine virtuelle dans le cloud européen d’Opera. Le système produit un résultat exploitable, qu’il s’agisse d’un site, d’un jeu, d’un rapport ou d’un outil plus complexe. Il peut même exécuter plusieurs créations en parallèle, en gérant plusieurs tâches à la fois. Une fois achevés, les projets peuvent être hébergés par Opera et partagés en ligne, directement depuis le navigateur.

En théorie, Neon peut aussi poursuivre son travail en arrière-plan lorsque vous quittez le navigateur, installer les bibliothèques nécessaires au fil de l’eau – Python, JavaScript, ou autres – et corriger ses propres erreurs à la volée.

Durant la démonstration, Opera Neon, alors encore Browser Operator, a renseigné les information de paiement tout seul, avant de demander confirmation d'achat. © Chloé Claessens / Clubic

Un navigateur autonome, mais jusqu’où ?

Derrière l’effet « waouh » de la démonstration, la navigation agentique soulève aussi des questions de fond. Lorsque Neon exécute une commande en ligne, remplit des formulaires ou prépare un paiement, il interagit directement avec des interfaces qui, jusqu’ici, nécessitaient une validation humaine. Chose qui implique, en pratique, un accès à des données sensibles : coordonnées bancaires, adresses, identifiants de compte, voire codes de validation à usage unique.

Un accès élargi à des données sensibles ?

Dans la démonstration à laquelle nous avons assisté, le navigateur a mené à bien toutes les étapes d’une commande en ligne. Il a sélectionné le produit, rempli l’adresse de livraison, renseigné les coordonnées du destinataire et saisi les informations de paiement. Seule la validation du paiement nécessitait encore une intervention humaine. Une configuration cohérente avec ce qu’Opera a confirmé à Clubic. Selon Henrik Lexow, directeur produit IA, « Neon s’arrête avant l’acte de paiement proprement dit ».

Pour préparer cette commande, l’agent a tout de même dû accéder aux données de paiement. C’est techniquement possible via le gestionnaire de mots de passe intégré d’Opera, qui stocke localement ces informations. L’agent n’a donc pas d’accès privilégié. Il utilise les mêmes mécanismes que le remplissage automatique classique. Opera assure par ailleurs que toutes ces opérations s’exécutent en local, sans transfert vers le cloud – ce qui, sur le papier, est rassurant.

Ce qui change, c’est que ce n’est plus l’utilisateur ou l’utilisatrice qui clique, mais l’IA qui orchestre l’ensemble. Et forcément, cela soulève la question de ce qu’on lui délègue. Peut-elle tout faire, tout le temps ? Aujourd’hui, non. Mais demain ? Opera nous a confirmé participer à une initiative menée par VISA autour du paiement agentique, censée poser un cadre sécurisé pour ce type d’automatisation. Autrement dit, la commande 100 % automatisée, paiement compris, est déjà dans les cartons.

Avec Neon Do, le navigateur peut automatiser des actions web avancées et contextualisées, à la demande de l'internaute. © Opera

Et la double authentification dans tout ça ?

Là encore, pas d’ambiguïté. Toujours selon Henrik Lexow, Opera Neon ne gère pas de type d’autorisation, et n’est donc pas en mesure de contourner une authentification multifactorielle. Si un service demande un code à usage unique ou une validation manuelle via une application, c’est encore à l’internaute de s’en charger. L’agent ne peut pas accéder aux tokens et autres identifiants OTP, ni automatiser ces étapes.

Bref, Opera Neon ouvre la voie à une nouvelle forme de navigation, où le navigateur devient un agent actif, capable de bien plus qu’afficher des pages. La promesse est forte : décharger les internautes des impasses techniques, automatiser les tâches répétitives, transformer des idées en projets. Mais elle oblige aussi à repenser en profondeur le rôle du navigateur, et à tenir compte des enjeux soulevés à moyen et long terme. Un assistant intelligent, oui. Mais à condition de savoir précisément ce qu’il peut faire, ce qu’il fait vraiment, et comment reprendre la main quand c’est nécessaire.

Opera Neon est pour l’instant accessible sur liste d’attente et sera proposé en version premium, sous forme d’abonnement.

  • Speed Dial et barre latérale très efficaces
  • Excellentes performances
  • Environnement et fonctionnalités orientés productivité
8 / 10
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