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La Russie affirme à nouveau viser la Lune (mais ce sera sans l'ESA)

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
14 avril 2022 à 16h05
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Maquette taille réelle de l'atterrisseur Luna-25. © Roscosmos
Maquette taille réelle de l'atterrisseur Luna-25. © Roscosmos

En visite sur le nouveau site de Vostotchnyi lundi, Vladimir Poutine a mis en avant le programme spatial russe, avec un accent particulier sur ses ambitions lunaires. Mais les projets déjà définis ont du mal à se matérialiser… Et les partenaires clés s'en vont, comme l'ESA l'a confirmé hier sur ces mêmes missions lunaires.

La crise s'annonce durable entre le spatial russe et le monde occidental.

Quand le savant montre la lune…

Pour la journée nationale des cosmonautes et la célébration de l'anniversaire du premier humain en orbite le 12 avril, le dirigeant russe V. Poutine et son homologue biélorusse A. Loukachenko se sont rendus avec le responsable de Roscosmos (D. Rogozine) sur le site de Vostotchnyi. Ont-ils été influencés par notre article paru la veille ? Probablement pas, puisque cette visite avait d'abord pour but de mettre en valeur les travailleurs du secteur spatial russe, mais aussi de constater les avancées du site de lancement dédié au grand lanceur Angara.

Dans son discours, V. Poutine est resté très vague, évoquant les recherches sur les véhicules spatiaux à propulsion nucléaire, les futurs vaisseaux habités ou une coopération accrue avec le Bélarus. Mais une phrase a fait couler beaucoup d'encre, puisqu'il a également annoncé « relancer le programme lunaire ».

Luna Park

Point de mystérieux programme caché ou de véhicule soviétique remis au gout du jour, V. Poutine évoquait très certainement les trois missions lunaires en préparation depuis bien longtemps dans les bureaux russes, à savoir Luna 25, 26 et 27. Héritières du prestigieux programme Luna (en pause depuis 1976), ces dernières sont censées démontrer progressivement les capacités de missions russes modernes, avec des atterrissages au Pôle Sud lunaire, des expériences ambitieuses et des programmes pour gagner des compétences sur le moyen et long terme. Des missions qui ont cependant été maintes fois repoussées au cours des années passées… Même si Luna-25 est toujours officiellement programmée pour un décollage en août 2022 (et un atterrissage sur notre satellite naturel peu après).

Une « annonce » qui s'inscrit donc plutôt dans une rare continuité : ces projets étant dirigés depuis la Russie, peuvent continuer… Car tous les autres en collaboration sont au point mort. Et l'agenda n'était pas gracieux : le lendemain du discours, c'est l'agence européenne qui a décidé de stopper définitivement ses travaux avec la partie russe sur Luna 25, 26 et 27, avec le transfert de toutes les expériences et développements sur d'autres véhicules.

L'ESA s'en va, la Russie voudra-t-elle tout faire toute seule ?

Depuis l'invasion de l'Ukraine, ces travaux étaient en pause, mais leur cession et le transfert est un geste fort de plus de la part des autorités spatiales européennes. Cela comprend par exemple le boîtier « Pilot » capable de piloter de façon autonome l'atterrissage lunaire en traitant en temps réel les images de la surface (une première démonstration devait voler sur Luna-25) ou une très grande foreuse (le projet PROSPECT) qui devait s'envoler avec Luna 27. Les Européens privilégieront les atterrisseurs lunaires internationaux, en particulier ceux payés dans le cadre des projets publics-privés américains CLPS.

L'ESA compte toujours développer un ensemble de compétences clés pour de futures missions lunaires avant de se lancer "seule" dans l'aventure. © ESA
L'ESA compte toujours développer un ensemble de compétences clés pour de futures missions lunaires avant de se lancer "seule" dans l'aventure. © ESA

La Russie est de plus en plus esseulée. Aujourd'hui même, le directeur de l'Académie des sciences de Russie a aussi affirmé que ses homologues chinois avaient « mis en pause » leur collaboration… Dans ce cadre isolé, la nation pourrait tout de même marquer les esprits si elle arrivait en 2022 à réussir sa première mission lunaire en 46 ans, en posant un véhicule à la surface de la Lune au moment où le programme américain est très en retard. Un accomplissement technologique autant que politique, dans le contexte actuel.

Source : Arstechnica

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (16)

pecore
Toujours la guerre de l’image, toujours montrer qu’on est le plus fort, le plus avancé, que l’on a besoin de personne. Mais comme tout ce qui émane aujourd’hui de cette partie de l’Europe, tout cela n’est que communication et posture.
fredolabecane
Bah moi je pense qu’il vaut mieux qu’ils visent la lune plutôt que l’Ukraine…
Jissou06
La Russie sur la Lune bientôt ?<br /> Je n’y crois pas un mot.<br /> Déjà pour l’occident… Je ne vois pas un homme poser un pied sur la Lune avant 2025 ou 2028<br /> A-t-on un programme précis sur ce sujet ?
ebottlaender
Hum… Avez-vous lu l’article ? Il n’est pas question d’y poser le pied, mais d’y envoyer des missions robotisées Luna 25, 26 et 27, prévues de longue date.
gothax
Luna 25 comme le dit Éric était prévu depuis longtemps et doit probablement décoller en août 2022. Les europeens qui ont joué l’Europe continentale pendant longtemps avec un succes non negligeable préfère fuir pour ne pas être montré du doigt. Si on se place du point de vue de la france c’est que du perdant perdant. Quand les scientifiques sont tributaires des politiques … On doit se poser des questions. Moi qui travaille au CNRS je en sais quelque-chose.
Voigt-Kampf
Bonjour Eric Bottlaender,<br /> Dans son discours, V. Poutine est resté très vague,<br /> Un lien peut-être ?<br /> Merci
ebottlaender
Il faudra probablement remonter pas mal dans le fil de leurs publications, mais on peut le retrouver (en extrait et peut-être même en intégralité) sur le telegram de Roscosmos. Je préfère ne pas donner de lien, car il ne concerne pas que l’espace et contient une sacré part de propagande.
tinou7789
Mais viser la lune. Ca leur fait pas peur?
K702
C’est la question que je me posais, mais je pense que même à l’usure ils y croient encore et en coeur.
JeanM64
La Lune sans l’ESA… un peu normal !<br /> L’Union Européenne ¿partenaire? non fiable ;<br /> et Union Européenne ennemi de la Russie l’UE fournit des armes aux (pas) très démocrates ukrainiens.<br /> Certes la Russie est agresseur, mais en Ukraine pour sa propre population russophone, c’est un peu comme si dans notre 9-3 nous interdisions l’arabe, le wolof, le peul, etc. sous peine de lynchage, de bastonnade à mort.
MattS32
JeanM64:<br /> mais en Ukraine pour sa propre population russophone, c’est un peu comme si dans notre 9-3 nous interdisions l’arabe, le wolof, le peul, etc. sous peine de lynchage, de bastonnade à mort.<br /> C’est tellement dur d’être russophone en Ukraine que le président actuel du pays est un russophone et que face à l’arrivée de l’armée russe, les populations russophones des zones de conflit ont massivement fuit vers l’ouest de l’Ukraine et vers l’Europe de l’Ouest plutôt que vers la Russie, malgré toutes les facilités accordées par la Russie (et notamment, un passeport Russe attribué de façon quasi automatique…).
ebottlaender
Ben Jean-mimi, c’est à dire que c’est pratiquement hors sujet quand même. L’ESA n’est pas l’Union Européenne, pour commencer donc ça part dans l’amalgame bien complet. Ensuite non le russe n’est pas interdit en Ukraine (un élément de propagande hurlé bien fort depuis la Russie mais dans la même ligne que leurs bateaux qui se coulent tout seuls).<br /> Et pour finir, le « un peu normal » semble bien condescendant : l’ESA est bien plus avancée que la Russie en terme d’exploration du Système Solaire. Depuis la chute de l’URSS, cette dernière n’a réussi qu’une mission vers Mars… En partenariat avec les européens.
Atlas_78
Vodka ?.
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