Malgré l’épuisement officiel des adresses IPv4 en 2011, le protocole reste au cœur du trafic Internet. Le passage à IPv6 avance lentement, freiné par des obstacles techniques, financiers et organisationnels.

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L'info en 3 points
  • Malgré l'épuisement de l'IPv4 en 2011, sa persistance s'explique par des solutions temporaires et un coût de migration élevé.
  • La transition vers l'IPv6 est ralentie par des contraintes techniques et la complexité de gérer les deux protocoles simultanément.
  • L'adoption varie selon les régions, les réseaux mobiles progressent plus vite grâce à IPv6, mais beaucoup d'entreprises temporisent.

En théorie, l’IPv6 devait prendre le relais depuis longtemps. Ce protocole, finalisé en 1998, promettait un espace d’adressage quasiment infini et une connectivité plus simple. Mais ça, c'est la théorie. Et on le sait, parfois, la pratique est bien moins aisée à voir le jour. C'est bien le cas ici avec l'IPv6. Plus de vingt ans après sa création, il n’a toujours pas supplanté l’IPv4. Ce dernier continue de gérer près de la moitié du trafic mondial. Les solutions mises en place pour allonger sa durée de vie ont retardé la transition. À cela s’ajoute le coût d’une migration à grande échelle, souvent difficile à justifier pour des structures qui fonctionnent encore avec des systèmes basés sur IPv4. Tant que le protocole historique remplit son rôle, même de manière imparfaite, les entreprises prennent leur temps. Et l’Internet mondial tourne toujours.

Les solutions mises en place pour prolonger l’IPv4 fonctionnent suffisamment bien pour temporiser

Depuis les années 1990, les ingénieurs ont mis en œuvre plusieurs méthodes pour éviter une panne sèche d’adresses IP. Le CIDR a amélioré l’allocation, puis le NAT a permis à plusieurs machines de partager une seule adresse publique. Ces techniques ont vite été généralisées.

Chez les particuliers, le routeur distribue des adresses privées et assure la traduction. Du côté des opérateurs, le CGNAT applique le même principe à l’échelle d’un quartier ou d’une ville. Un seul point de sortie vers Internet suffit pour plusieurs foyers. Cette méthode complexifie certains usages, comme l’auto-hébergement, mais elle fonctionne.

Les FAI qui n’ont plus d’adresses disponibles peuvent aussi en acheter. Le marché secondaire est bien actif. Les prix varient selon la demande, mais la simple possibilité d’en acquérir repousse encore l’échéance. À la fin des années 2010, l’IANA avait déjà distribué l’ensemble du stock mondial. Depuis, les RIR n’attribuent presque plus rien, et les transactions passent entre entreprises. Malgré cela, les réseaux IPv4 tournent encore, parfois au prix d’un bon niveau de bidouille.

Le coût global d’une migration IPv6 freine les initiatives, même dans les grandes structures

Basculer vers IPv6 ne consiste pas à changer une configuration ou à cliquer sur un bouton. Il faut parfois remplacer des équipements, revoir la sécurité réseau et réécrire certains outils internes. Les anciens pare-feu ne sont pas toujours compatibles. Certaines applications utilisent des formats d’adresses figés sur IPv4, et leur mise à jour peut prendre des mois.

Dans les réseaux d’entreprise, les services internes s’appuient souvent sur des règles établies depuis longtemps. Ces architectures fonctionnent bien avec le NAT. Changer impose un chantier technique complet. Si le système marche, pourquoi y toucher ? Beaucoup d’équipes IT ne voient pas de bénéfice immédiat, surtout si l’investissement détourne des budgets déjà alloués à d’autres priorités.

Autre frein : la formation. Tous les techniciens ne maîtrisent pas les spécificités d’IPv6. Certaines entreprises évoquent une pénurie de profils capables de concevoir, déployer et maintenir un réseau natif IPv6. Cette rareté retarde les projets et renforce l’idée que la transition peut attendre.

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La cohabitation entre IPv4 et IPv6 complique la mise en place d’une transition fluide

L’IPv6 n’est pas compatible avec l’IPv4. Les deux protocoles ne se comprennent pas directement. Pour communiquer entre eux, il faut des passerelles comme NAT64, ou opter pour la double pile. Cela signifie que chaque appareil reçoit deux adresses et que chaque réseau gère deux types de règles.

Ce système mixte augmente la complexité. Il faut doubler certaines opérations, comme la configuration des pare-feux ou le suivi du trafic. Un oubli sur un seul protocole suffit à créer une faille ou à bloquer un service. Les ingénieurs doivent tester tous les scénarios deux fois. L’erreur de configuration devient plus probable.

Résultat : peu d’organisations osent désactiver IPv4. Même celles qui ont activé IPv6 gardent les deux couches en parallèle. Cette situation crée un cercle lent. L’adoption reste partielle car personne ne peut vraiment couper l’ancien système sans risquer de rupture.

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L’adoption varie fortement selon les zones, les usages et les fournisseurs de services

Le taux global progresse, mais de manière inégale. En mai 2025, Google estimait que 46 % de ses utilisateurs accédaient à ses services via IPv6. C’est un bon indicateur de couverture. La France atteint 85 %, l’Inde 75 %, l’Allemagne 74 %. À l’inverse, la Chine reste sous les 25 %, selon les estimations d’Akamai. Ce décalage s’explique en partie par l’infrastructure existante et les politiques locales.

Les réseaux mobiles avancent plus vite que les réseaux fixes. Des opérateurs comme Reliance JIO en Inde ont basculé sur IPv6 dès 2016. Verizon et T-Mobile l’ont intégré dans leurs spécifications 4G. Les box domestiques récentes activent IPv6 par défaut, ce qui augmente mécaniquement la part du trafic.

À l’inverse, les réseaux d’entreprise suivent une autre logique. Leur transition dépend du budget, des ressources internes et de la nature des services. Un réseau interne qui fonctionne exclusivement avec IPv4 reste plus simple à gérer. Rien n’impose encore une conversion complète, sauf dans certains appels d’offres publics.

Enfin, côté contenu, seuls les grands noms ont franchi le pas. Google, Amazon, Meta, Cloudflare ou Microsoft proposent des services compatibles. En revanche, selon W3Techs, moins de 30 % des sites web utilisent IPv6. Cela freine d’autant l’intérêt d’un passage à grande échelle. Un utilisateur peut disposer d’une adresse IPv6, mais naviguer essentiellement sur des sites encore en IPv4.

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Source : XDA