Jacques VAUTHIER, Directeur de l'Eifad – CNED : « On ne se bouscule pas dans les TICE, pourtant les

29 mars 2004 à 00h00
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AB - Jacques VAUTHIER, bonjour. Comment se porte la formation ouverte et à distance en France ?

JV - La FOAD a plusieurs acceptions suivant que l'on parle de formation initiale, continue ou même de « knowledge management », de gestion des connaissances dans les entreprises.

Dans le premier cas, les universités, les écoles de commerce ou les écoles d'ingénieurs ont proposé des formations en ligne ou mixte en faisant intervenir plusieurs media, dont le papier !

Les appels d'offres gouvernementaux concernant les campus numériques ont eu pour effet de fédérer des initiatives éparses. Les résultats sont divers mais ont le mérite d'exister. Mais à coté de cela, des formations sont offertes par des universités sur des plates formes numériques de travail.

Le catalogue que j'avais entrepris pour l'international en avait déjà recensé plus de quatre vingt. Les écoles de commerce commencent à s'y mettre en particulier pour une offre de M.B.A. en ligne qui se révèle une ressource financière non négligeable. Les écoles d'ingénieurs ont aussi des initiatives même si ces formations posent des problèmes quand elles sont dispensées à distance.

La formation continue, à la suite de la loi sur les trente cinq heures et surtout de la loi sur la valorisation des acquis de l'expérience voit son champ se développer dans le domaine de la formation à distance pour tenir compte des contraintes horaires des personnels.

Enfin, les entreprises développent de plus en plus de knowledge management pour théoriser les savoir faire qui se trouvent au sein de l'entreprise et les faire partager par les personnes qui en ont besoin : c'est aussi une forme de formation ouverte et à distance !

AB - L'e-learning va-t-il enfin dynamiser l'éducation nationale ?

JV - Je vous laisse la responsabilité de l'adverbe « enfin ». Je vous dirais que nous sommes dans une mutation rapide des populations d'élèves et d'étudiants. Une étude menée par Pew Internet and American Life Project a montré que 73% des Américains de 12 à 17 ans se branchent régulièrement sur Internet, soit 17 millions de personnes.

Ces informations recoupent celles du groupe canadien Environics Research pour qui 70% des jeunes de 9 à 17 ans recherchent sur la toile des nouvelles et de l'information, 57% téléchargent de la musique et 56% utilisent le courrier électronique.

Les jeunes internautes disent qu'ils trouveraient difficile de se passer d'Internet et près de la moitié considèrent que ce media a amélioré leurs rapports aux autres et leur a permis de se faire de nouveaux amis.

Ces jeunes créent des communautés virtuelles qui les aident à acquérir de la maturité car il est nécessaire de faire preuve de jugement, de critiquer et aussi de venir en aide à d'autres. Comment voulez-vous enseigner de la même façon à ces jeunes ?

Je suis convaincu que les problèmes des collèges et lycées sont en partie dus à cette mutation et à la nécessité qu'ont les enseignants de modifier radicalement leur méthode pédagogique en utilisant les technologies de l'information et de la communication (TIC).

Le programme e-learning Europe prévoit une entrée Internet par classe dès 2005.

Plus de 10.000 classes élémentaires en Angleterre sont équipées de tableaux interactifs qui permettent de travailler en ligne avec les élèves, de les faire participer à des questionnaires à choix multiples en utilisant les boîtes de vote qui sont mises à disposition du public lors de jeux télévisés. Inutile de dire que les élèves se retrouvent dans leur environnement !

AB - Quels sont les principaux freins au développement de l'enseignement en ligne en France ?

JV - Dans les universités, il est clair que c'est la prise en compte du travail effectué en ligne par les enseignants. En effet, seul l'enseignement en présence fait partie des décomptes des services statutaires. Pas de prise en compte non plus dans les demandes de promotion de travaux de multimédiatisation : seule la recherche intervient.

Bref, on ne se bouscule pas au portillon pour s'investir dans les TICE. Pourtant les étudiants sont demandeurs de ce type de formations complémentaires qui offrent un continuum entre la distance pure et la présence sur les campus.

Les centres d'autoformation qui associent ce mixte distance-présence permettent une diminution des abandons des étudiants en particulier en sciences où le secondaire ne répond plus aux exigences du supérieur.

Il serait nécessaire de former les jeunes professeurs à l'utilisation de ces technologies qui ne sont plus nouvelles !

L'arrivée de la génération 2 du « www » avec des langages tels que le XML permettent une gestion des objets de connaissances avec une souplesse de plus en plus grande. Les LCMS (« learning content management systems ») qui permettent de la mise en ligne de contenus numérisés sont de plus en plus performants.

Leur utilisation nécessite toutefois une formation ad hoc avec une triple exigence : scénariser les contenus - car au bout de trois pages en ligne tout être normalement constitué imprime pour pouvoir travailler plus confortablement - mettre en place des évaluations pertinentes et prévoir un tutorat efficace en ligne avec une gestion de forum, de chats...

L'école de l'ingénierie de la formation à distance du CNED offre ce type de formation dans des stages internationaux et à l'interne. Mais on attend cela en particulier des IUFM !

AB - Pour mettre en œuvre l'école numérique de demain, peut-on envisager une collaboration riche entre public et privé ?

JV - Evidemment ! Ceci est déjà le cas. Le CNED travaille avec des sociétés privées qui fournissent des contenus techniques par exemple en aéronautique pour la formation de techniciens de maintenance d'aéroports.

Les enjeux nationaux et internationaux tels que Meryll Lynch les avait évalués sont en train d'être de plus en plus visibles. L'augmentation du volume de e-learning aux USA a été par exemple l'an dernier de plus de 38% et se chiffre par millions de dollars.

Je ne vois pas comment nous allons y échapper ! Mais on ne peut pas être pertinent dans tous les domaines : la veille technologique, dans un domaine aussi volatil que les technologies de l'information et de la communication, requiert un travail de spécialistes mobilisés vingt quatre heures sur vingt quatre sous peine de se voir être dépassés par leurs concurrents immédiats.

AB - Pr. Jacques VAUTHIER, je vous remercie pour ces éclaircissements.
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