Elon Musk, quand "Iron Man" tombe le masque

18 mars 2016 à 08h22
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À l'image de ses fusées, la réussite d'Elon Musk s'est arrachée du sol dans une violence inouïe, brûlant argent et énergie en quantité astronomique, et secouant tout le monde à des kilomètres autour de lui. Dans la stratosphère, l'homme vise Mars. Il balaiera tout ce qui l'en empêchera.


Mise à jour : Elon Musk voit grand et ne cesse de faire parler de lui. Sa dernière sortie en date : la création de The Boring Company, censée creuser des tunnels pour rendre la circulation plus fluide. Retour sur le parcours et la réussite de cet entrepreneur hors du commun.


On présente souvent Elon Musk comme ce milliardaire play-boy qui a inspiré le personnage excentrique et surdoué de Tony Stark, dans le film Iron Man. Et c'est vrai. L'acteur qui incarne le superhéros, Robert Doney Junior, a bel et bien rencontré le super-entrepreneur en 2007, pour cerner le personnage et façonner le sien.

Au terme d'une longue enquête, le journaliste américain Ashlee Vance est parvenu à percer en partie l'armure de cet homme d'affaires forgé dans une Afrique du Sud afrikaner brutale, raconte-t-il dans sa biographie, Elon Musk: Tesla, PayPal, SpaceX : l''entrepreneur qui va changer le monde, et publiée en février 2016 (Eyrolles).


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L'ouvrage revient sur l'incroyable épopée de Musk, de la cour de récréation, où il subissait la violence que l'on réservait aux geeks un peu trop introvertis, jusqu'à la conquête spatiale, dont il rêvait enfant en lisant parfois 10 heures par jour. Si Oscar Wilde visait la Lune pour atteindre les étoiles, Elon Musk vise Mars, où il ambitionne de finir ses jours. Sa quête finale le mène à multiplier d'autres conquêtes, passant par SpaceX, Tesla, SolarCity...

Multimillionnaire à 27 ans

Serial-entrepreneur n'est pas de trop pour qualifier Elon Musk. Frais émoulu de son diplôme de physique à la Queen's University de Kingston, au Canada, Musk signe pour un doctorat de physique appliquée à Stanford, qu'il quitte deux jours plus tard. En 1995, le Web décolle sous le soleil de la Silicon Valley. Musk se rend en Californie et tente sa chance en fondant, avec son frère Kimbal, Zip2, éditeur de logiciels pour les médias. Premier succès.

Quatre ans plus tard, les Musk revendent l'affaire à Compaq pour 307 millions de dollars et Elon empoche 22 millions. Millionnaire à 27 ans, il se montre devant les caméras de CNN, venues immortaliser la livraison de sa McLaren F1, alors la voiture la plus rapide du monde. Un mois plus tard, Musk investit 10 millions de dollars dans X.com, sa nouvelle boîte Internet qui veut changer les banques. Elle le fera en fusionnant avec PayPal.




Le statut de cofondateur d'Elon Musk dans PayPal fera débat, mais son implication et sa nomination comme PDG trancheront en sa faveur. En 2002, changement d'échelle : eBay croque PayPal 1,5 milliard de dollars et le sud-africain, naturalisé américain la même année, touche le jackpot : 250 millions de dollars. Une somme que l'entrepreneur hyperactif va rapidement brûler en combustible pour tenter de faire décoller son rêve fou.

Relance de la conquête spatiale

Devenu mécène de la Mars Society, Elon Musk lance Space Exploration Technologies Corporation, connue sous le nom de SpaceX. Nous sommes encore en 2002, en juin. Son idée est de créer les lanceurs les moins chers. Et c'est en plein cœur de Los Angeles, où les ingénieurs et le foncier y sont les plus onéreux, qu'il pose ses valises... Entouré d'une équipe tant dévouée que douée, c'est dans un joyeux foutoir que la conquête spatiale redémarre.

Les années s'enchaînent où les équipes empruntent le jet privé de Musk, se rendent sur les îles de Kwajalein en plein Pacifique, réalisent des tirs, ramassent les morceaux, essuient la colère de leur patron ne lâchant rien... à force d'acharnement, les fusées Falcon finissent par décoller : en 2008, SpaceX obtient un contrat avec la Nasa.

Cela ne suffit pas. SpaceX travaille depuis à un module réutilisable, sans succès pour l'instant. Un nouveau défi fou où il a cette fois été devancé, en novembre 2015, par Jeff Bezos, patron d'Amazon, avec Blue Origin.


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Elon Musk et la fusée Falcon 9 - Crédit : SpaceX.


Pour que sa start-up réussisse à arracher une fusée de terre, au nez et à la barbe de géants industriels qui ont porté l'Homme sur la Lune, Elon Musk travaille comme un forcené et impose le même rythme à ses troupes. La même année, son mariage avec sa femme Justine, mère de jumeaux et de triplés, ne résiste pas à la pression de cette vie trépidante. Le couple se déchire dans un divorce médiatisé. Le personnage de Musk devient public.

Un rêve sans aucun compromis

Ce n'est pas que construire des fusées prenne du temps. C'est qu'en parallèle, et depuis quatre ans, Elon Musk s'affaire aussi à révolutionner l'automobile avec Tesla. Fondée en 2003 par Martin Eberhard, Marc Tarpenning et JB Straubel, la marque accueille les dollars d'Elon Musk l'année suivante afin de développer le Roadster, qui serait le premier véhicule électrique performant, sexy et assez autonome pour que des gens veuillent l'acheter.

Encore une fois, Musk s'attaque non seulement à une industrie très complexe mais en plus, il le fait par la face nord : industrie en crise, brûleuse de cash, hyper réglementée et ne croyant pas trop en l'électrique. Cela ne lui fait pas peur pour autant. Les premiers temps sont durs. Le carnet de commande du Roadster se remplit mais la société n'arrive pas à tenir la cadence. La voiture, victime de soucis de jeunesse, se fait brocarder par la presse.


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Première présentation du prototype de la Tesla Model S en 2009 - Crédit : Reuters


À cette époque, rien n'est acquis à Elon Musk, en train de tout perdre. Dans les faits, l'homme se ruine à faire décoller des fusées, qui retombent. Se ruine à construire des voitures électriques, approchant Tesla de la faillite en 2008. La même année, sa femme part avec sa maison et 2 millions... Elon Musk revend sa McLaren et fait le tour de ses amis en quête de fonds. Bonne idée : il revend la start-up Everdream 120 millions de dollars à Dell.

En 2009, il obtient un second sursis en présentant à la presse, enfin, la Tesla Model S. Bricolée sur la base d'une Mercedes CLS électrifiée, le capot fixé avec des aimants... personne ne le remarque. L'auto fait forte impression et redonne espoir à l'entreprise. Seulement, une fois les journalistes partis avec leurs belles photos de la berline, reste un problème : Tesla est extrêmement loin de posséder le milliard de dollar réputé nécessaire à mettre en production un nouveau modèle. Finalement, le fabricant d'autos électriques obtient, sur le fil, 465 millions de dollars de l'État. Et rachète une usine à GM - proche du gouffre - pour 42 millions... elle en valait 1 milliard.

Révolution de l'automobile

En 2012, Tesla réussit à lancer sa Model S. Elle matérialise le jusqu'au-boutisme d'Elon Musk. La voiture conjugue une carrosserie de berline familiale 7 (!) places, grâce à deux strapontins dans le coffre pour deux enfants, un design élancé de coupé sportif, une autonomie enfin suffisante de 450 km, une accélération folle digne de sa McLaren F1 d'antan... Sans oublier son écran tactile 17 pouces pour piloter l'ensemble de l'auto.

Son accueil est excellent. Mais de premiers clients se plaignent de plusieurs problèmes, comme les poignées de portes escamotables à l'approche de la main du conducteur - une lubie d'Elon Musk et du designer, Franz von Holzhausen, ancien de Mazda. Maligne, la société se saisit de cette avarie pour mettre en avant un autre atout majeur de la Model S : pendant que le client dort, la voiture met à jour son logiciel par Internet, et s'améliore.


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Tesla a vendu plus de 50 000 Model S en 2015 et prévoit d'être rentable en 2016 - Crédit : Maurizio Pesce.


L'une de ses dernières évolutions logicielles (apparue en 2015) est elle aussi une belle révolution : la fonction Autopilot. Elle permet au véhicule de circuler sans intervention du conducteur, augurant avant l'heure l'âge de la voiture autonome, dont les experts prédisent les débuts pour 2020. À peine la Model S mise en circulation, en 2012, Elon Musk... enchaîne sur un autre projet. Comme à son habitude, il est totalement démesuré. L'homme ne se repose pas. Il met sur les rails un chantier dingue : Hyperloop, ou un train à sustentation magnétique.

Leader des panneaux solaires

Les tubes devant accueillir l'engin ont été livrés dans une parcelle de désert près de Las Vegas début 2016, afin de mener les premiers essais. La promesse d'Hyperloop est d'emmener des voyageurs à 1 300 km/h, soit quatre fois plus vite environ que le TGV, plus vite aussi qu'un avion de ligne classique, plafonnant souvent à 900 km/h. À la clé, si le projet aboutit, une deuxième conquête de l'Ouest et une nouvelle révolution ferroviaire se profile.

À cette vitesse, Hyperloop réduirait encore d'un cran les distances sur le vaste sol américain, rapprochant par exemple ses deux extrémités, avec un New-York-Los Angeles rendu possible en à peine plus de trois heures. Face à l'énorme besoin énergétique d'un tel système ? Musk répond par SolarCity, le leader américain des panneaux solaires. Société qu'il a aussi contribué à lancer, en 2006, aux côtés de Lyndon Rive, son cousin. Et qu'il préside.


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Représentation artistique de ce à quoi pourrait ressembler Hyperloop - Crédit : DR.


Elon Musk semble tirer à hue et à dia. Quelle cohérence ? Pourtant, ces projets convergent vers le même but. Quel rapport entre Tesla et SolarCity ? Eh bien, l'ambition de Musk est de mailler le monde de superchargeurs alimentés à l'énergie solaire, pour recharger les autos. Depuis peu, l'américain s'attaque aussi à l'habitat, avec sa batterie Powerwall : elle promet aux maisons leur autosuffisance, en stockant l'énergie des panneaux solaires.

IA et réseau Internet global

Au tournant des années 2000, Elon Musk a survécu à l'éclatement de la bulle Internet au même titre que Peter Thiel, l'un des cofondateurs de PayPal. Un brin amer sur la révolution numérique, pour ne pas dire acerbe, il a déclaré : « Nous voulions des voitures volantes, nous avons eu 140 caractères à la place », référence à Twitter.
Et voilà qu'Elon Musk est sorti du lot des start-up Web pour s'attaquer à des chantiers industriels impossibles.

Et ce n'est pas fini. Devenu entre-temps milliardaire grâce à la bonne santé de l'action Tesla (coté depuis 2006), avec une fortune estimée par Forbes à près de 13 milliards de dollars en 2016, Elon Musk a lancé d'autres grands projets : OpenAI, une organisation à but non-lucratif œuvrant au développement d'une intelligence artificielle open source à « visage humain » - le technophile visionnaire craint que l'IA mène à des dérives cataclysmiques.

Tout en réfléchissant à la possibilité de créer des avions électriques à décollage vertical, le magnat va créer un réseau de 4 000 microsatellites de télécommunication, placés en orbite basse (< 2 000 km) autour de la Terre. Le but sera de concurrencer Google et Facebook sur un tout nouveau marché, celui du réseau Internet global. À force de refaçonner la Terre à sa façon, on se demande si Elon Musk voudra la quitter pour aller sur Mars.


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Elon Musk prévoit d'envoyer de premiers hommes sur Mars en 2025, avant la Nasa, et d'y établir une colonie - Crédit : Bloomberg.


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