Quelles applications pro pour les lunettes et casques de réalité virtuelle ?

13 novembre 2014 à 10h11
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L'intérêt suscité par Oculus et son acquisition par Facebook a remis sur le devant de la scène les casques et lunettes de réalité virtuelle. Après un départ raté, des dispositifs plus performants à moindre coût devraient séduire les joueurs, mais aussi les entreprises.

Oculus Rift, Samsung Gear VR, Sony Morpheus, Zeiss VR One, mais aussi les français Archos, Homido, Light&Shadows, ou pour un usage plus professionnel Laster Technologies et Optinvent, la multiplication des lancements de nouveaux casques et lunettes de réalité virtuelle contraste avec la traversée du désert que vient de connaitre cette technologie de visualisation 3D.

Trop chères, encombrantes et peu performantes, les lunettes de réalité virtuelle professionnelles apparues dans les années 90 n'ont été achetées que par les gros industriels de l'aéronautique ou de l'automobile pour évaluer virtuellement leurs prototypes, ou par quelques géants des produits de grande consommation comme Procter&Gamble, afin de visualiser l'impact de leurs emballages dans les rayons.

Toutefois, l'ensemble des professionnels ne va pas renoncer à ce type de dispositif. Les entreprises pourraient même servir de moteur au développement de ces systèmes.

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La baisse des prix va faire décoller le marché de la réalité virtuelle

L'arrivée de lunettes plus abordables va ouvrir le marché à bien d'autres industriels et à bien d'autres applications. C'est la conviction de Sébastien Kuntz, président de « I'm in VR ». Le Français, qui a récemment participé à Oculus Connect, première conférence développeur organisée par l'américain, souligne : « L'arrivée de lunettes de réalité virtuelle telles que l'Oculus Rift vont démocratiser les usages. Jusqu'à présent, seules les grandes entreprises pouvaient s'offrir des CAVEs (Cave Automatic Virtual Environment) de réalité virtuelle. La baisse des prix va amener les lunettes de réalité virtuelle sur tous les bureaux. »

Cette chute des prix est spectaculaire. Il fallait compter plus de 16 000 dollars pour des lunettes VR1280 de Virtual Research Systems, des lunettes professionnelles qui ne disposaient que d'une définition de 1280x1024. En comparaison, le kit de développement de la version 2 des Oculus Rift est actuellement proposé à 350 dollars, et offre une définition de 1920x1080.

L'essor du marché des smartphones explique l'effondrement du prix des composants utilisés par ces lunettes. Les smartphones ont permis l'arrivée d'écrans OLED de petite taille à haute résolution, mais aussi une diminution du prix des capteurs nécessaires au tracking des mouvements du porteur. « Toutes les applications que nous développions jusqu'à maintenant pour les CAVEs de réalité virtuelle ou les casques pro, nous pouvons aujourd'hui les développer à moindre coût pour les Oculus Rift » ajoute Sébastien Kuntz. « Le kit de développement est très simple à exploiter pour les développeurs, et gagne, d'une version à l'autre, de plus en plus de fonctionnalités. »

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Une piste à suivre : les dispositifs intégrant un smartphone

Oculus doit innover et améliorer son offre rapidement car la filiale de Facebook s'apprête à faire face à une vague de concurrents redoutables, des casques dont l'électronique est constituée par un smartphone amovible. Le plus sérieux d'entre eux, c'est Samsung avec ses lunettes Gear VR. Celles-ci s'appuient sur la technologie Oculus, mais l'écran est composé d'un Galaxy Note 4 qui vient se glisser à l'intérieur des lunettes.

Sa résolution QuadHD de 2560x1440 fait de cette phablet un excellent moteur de visualisation pour les Gear VR. Ce casque devait être commercialisé très prochainement, au prix de 200 euros, un prix auquel il faut bien évidemment ajouter celui de la phablet. Sur ce même principe, Carl Zeiss vient de lancer sa VR One, un kit pour smartphone pour 100 euros seulement, une initiative imitée par les français Archos et Homido qui ont eux-aussi annoncé des kits de réalité virtuelle pour smartphones.

Les applications professionnelles vont bénéficier de cette démocratisation

Le jeu sera le secteur qui bénéficiera le plus de cette nouvelle génération de lunettes : Sony ne s'y est pas trompé en dévoilant récemment le casque Morpheus pour sa PlayStation. Les utilisateurs professionnels vont eux-aussi s'emparer de ces lunettes de nouvelle génération. Ainsi, le français Light&Shadows propose Neo : ce casque s'appuie sur un smartphone mais dispose d'un système de tracking par LED intégrées à la monture, ainsi que d'un logiciel de streaming vidéo provenant d'un serveur, afin d'afficher des applications de réalité virtuelle dont la complexité peut dépasser la puissance d'un smartphone commun. Un système exclusivement conçu pour les professionnels.

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Raphael Seghier, cofondateur d'Homido, espère bien séduire ces grandes entreprises avec son casque de réalité virtuelle vendu au prix record de 67 euros. « Je connais bien le monde industriel d'où je viens » confie cet ancien de Vallourec. « Les grands industriels ont déjà construit des CAVEs de réalité virtuelle et ils vont se concentrer sur des HDM (head mounted display) haut de gamme, mais ils auront besoin de HDM Smartphone comme le nôtre quand ils voudront diffuser leurs travaux auprès de leurs clients, les montrer sur Internet. Pour se projeter à l'extérieur, il y aura un besoin pour des HMD tels que l'Homido. »

Outre l'industrie, le secteur de la distribution devrait, lui aussi, être touché par ces nouveaux outils de visualisation immersive. Déjà, lors du dernier salon de l'automobile de Paris, PSA proposait sur son stand des démonstrations virtuelles sur Oculus Rift et ce type de dispositifs pourrait bien se retrouver dans de nombreux points de vente à l'avenir. Concessionnaires automobiles, mais aussi agences immobilières pourraient bien être les premières à s'équiper.

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La startup MyCloud3D a notamment réalisé un démonstrateur sur Oculus Rift pour le compte de Bouygues Immobilier. Le géant du BTP a ainsi pu faire visiter virtuellement son immeuble, Green Office Rueil, avant même que la première pierre n'ait été posée. Bouygues Immobilier dispose déjà des modèles 3D de ses projets et leur mise à disposition dans une application de réalité virtuelle est donc aisée. Il est possible de faire encore plus simple en proposant une visite virtuelle à travers de simples vues à 360° des locaux, ce que n'importe quel agent immobilier peut réaliser lui-même en quelques minutes.

La technologie s'adresse au secteur immobilier, mais aussi au commerce avec la possibilité de créer des sites de commerce électronique en 3D. Le secteur touristique pourrait proposer des visites virtuelles d'hôtels ou de sites touristiques en agence de voyage afin de convaincre les futurs touristes hésitants.

Des débouchés importants dans le monde de la formation

C'est sans doute dans le monde de l'enseignement et de la formation que ces lunettes de nouvelle génération pourraient avoir l'impact le plus fort. Il existe déjà de multiples applications de formation en réalité virtuelle, en particulier dans l'industrie lourde, sur des processus coûteux ou dans des environnements dangereux pour l'homme. Plateformes pétrolières, raffineries, sites nucléaires sont friands de réalité virtuelle pour former leur personnel. C'est aussi le cas des pompiers et ce, afin de mener des exercices virtuels de grande ampleur sans risquer la vie du personnel. Le coût des équipements à mettre en œuvre était un frein majeur à leur développement dans d'autres secteurs.

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« Pour moi, l'une des applications les plus intéressantes c'est la formation » estime Sébastien Kuntz, « J'ai notamment travaillé avec la SNCF pour développer des applications de formation concernant les procédures de sécurité sur les voies, notamment afin de vérifier l'état des freins sur les wagons de marchandise. La réalité virtuelle est intéressante, car elle permet de former la personne sur tous les types de wagons possibles, ce qui est bien évidement plus compliqué dans le monde réel. La mise en place de telles formations implique de déployer des dispositifs pour simuler les équipements à actionner, les équiper de capteurs pour renseigner l'application. Tout va dépendre de l'objectif pédagogique. » Les fournisseurs de lunettes vont devoir rapidement étendre leurs offres avec des périphériques permettant aux utilisateurs d'interagir dans les mondes virtuels, avec des solutions du type de la Razer Hydra, sorte de Wiimote pour PC.

Des barrières restent encore à faire sauter

Si le problème du coût est en train de s'estomper, la réalité virtuelle doit encore franchir quelques obstacles avant de trouver une large adoption en entreprise. « Il faut tenir compte de l'acceptabilité psychologique et physiologique des lunettes de réalité virtuelle » reconnaît Jérôme Royan, le responsable du laboratoire réalités immersives de l'Institut de Recherche Technologique IRT B<>Com.

« Certaines personnes supportent assez mal le port de telles lunettes pendant 1 heure ou 2. Le cerveau interprète parfois mal ces déplacements qui sont dissociés de ce que l'oreille interne renvoie comme information et cela peut causer des nausées chez un certain nombre de personnes. » L'accroissement de la définition et surtout de la réactivité des images ne permet que de réduire en partie ce phénomène.

Le chercheur souligne en outre que certains métiers rejettent toujours cette nouvelle façon d'interagir en 3 dimensions « Par exemple, nous cherchons à donner aux médecins le moyen d'afficher des images issues des équipements d'imagerie médicale, des images qui sont souvent très bruitées. On cherche à leur fournir des images de bien meilleure qualité, en 3D et positionnées sur le corps du patient. Or pour l'instant, c'est une approche qu'ils rejettent. »

De même qu'on imagine encore assez mal les concepteurs en CAO modifier de quelque dixième de millimètre le design d'un arbre à cames en gesticulant avec leurs lunettes de réalité virtuelle sur les yeux alors qu'ils peuvent le faire en 3 clics avec leur souris. « Aujourd'hui, utiliser des casques de réalité virtuelle est bien adapté pour visualiser de grands modèles 3D très complexes comme ceux d'une voiture ou d'un Airbus, mais pour éditer une pièce 3D, il n'est pas du tout évident que ce type de dispositif soit adapté. D'ici 5 à 10 ans, on disposera notamment de matériel beaucoup plus précis pour capter les mouvements et les usages pourront alors évoluer ».

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Outre la précision des outils et l'adaptation des interfaces 3D, un problème épineux se pose encore aux experts du domaine, celui de la collaboration. « Le problème de ces casques de réalité virtuelle, c'est qu'ils ne permettent pas d'avoir un niveau de collaboration élevé avec les autres utilisateurs. Or en milieu professionnel, rares sont les usages où on est en mode solo » explique Jérôme Royan.

« On sait représenter l'utilisateur sous la forme d'un avatar, mais on reste loin du niveau d'interaction que l'on peut avoir avec quelqu'un dans la vie courante. Ce côté présentiel et collaboratif est l'un de nos axes de recherche. Etre capable de comprendre ce que fait l'autre, de capter ses expressions, c'est finalement très complexe à mettre en œuvre. » Les limites du matériel des équipements de réalité virtuelle sont en train d'être repoussées grâce aux progrès réalisés pour les smartphones. Reste aux développeurs à se saisir de la troisième dimension pour imaginer les applications professionnelles du futur.



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