Loic Damilaville, Afnic : "La supervision de l'ICANN ne peut être que collégiale"

07 mai 2009 à 15h33
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Adjoint au Directeur général de l'AFNIC, loic-damilaville rappelle le rôle stratégique de l'ICANN dans la gestion des noms de domaines sur internet et évoque les positions européennes vis à vis de cette organisation, contrôlée par les Etats-unis mais qui pourrait s'engager dans un certain multilatéralisme.

JB -Loic Damilaville, bonjour. En quelques mots, pouvez vous rappeler ce qu'est l'Icann et son rôle dans le quotidien des internautes ?

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Loic Damilaville
LD -Bonjour ! L'ICANN est une structure de droit californien en charge de la gestion du système des noms de domaines au niveau mondial. Concrètement, c'est elle qui a la capacité de donner son feu vert ou d'empêcher la création de nouvelles extensions comme celles que nous avons vu récemment apparaître: .MOBI, .ASIA et autres .TEL. Mais l'ICANN n'est pas seule: elle n'exerce ces fonctions qu'en vertu d'un mandat que lui a donné le gouvernement américain, et ce mandat octroie un droit de veto aux autorités américaines sur toute décision de l'ICANN.

JB -Cette organisation dépend donc du Département américain du Commerce. Les USA ont ils parfois abusé du contrôle de l'Icann pour défendre leurs seuls intérêts ?

LD -Le sujet est particulièrement sensible: c'est même le coeur du débat qui oppose un certain nombre de pays aux Etats-unis depuis au moins l'époque du Sommet Mondial pour la Société de l'Information (SMSI) en 2003-2005. Il existe peu de cas manifestes où les Etats-unis ont exercé leur droit de veto. Le plus flagrant est celui du .XXX, une extension visant les sites à caractère pornographique, dont la création avait été formellement acceptée par l'ICANN, mais le Departement du Commerce a annoncé qu'il s'opposait à la création de l'extension deux jours avant la signature du contrat.

Au-delà de ce cas particulier, il suffit souvent de disposer d'un pouvoir de blocage pour être en mesure de s'assurer qu'aucune décision ne sera prise sans accord préalable, au moins tacite. Certains pays s'inquiètent du pouvoir détenu par Washington sur l'Internet au travers du dispositif ICANN. Le projet de "Cybersecurity Act" récemment déposé par les sénateurs Rockefeller et Snowe, qui prévoit de donner des pouvoirs étendus au président américain sur les infrastructures de l'Internet en cas de menace, ne peut que les inquiéter encore un peu plus.

JB -La France et l'Europe défendent une nouvelle gouvernance de l'internet. Quelle forme doit elle prendre ? Le président Obama vous semble t'il prêt à "changer" cette gouvernance et à abandonner ce qui ressemble à un avantage stratégique pour son pays ?

LD -La proposition du commissaire Viviane Reding paraît fondée sur le bon sens. Si les Etats-unis acceptent de relâcher leur contrôle sur l'ICANN, il faut organiser les futures modalités de supervision de cet organisme et cette organisation ne peut qu'être collégiale. Elargie à d'autres pays que les Etats-unis, tout en restant limitée à un nombre restreint de puissances pour permettre des processus de décision rapides. D'où l'idée d'un "G12" où seraient équitablement représentées toutes les régions de la planète.

Les Etats-unis n'accepteront cependant d'entrer dans une logique de dialogue à ce sujet que si le pouvoir politique dispose d'arguments forts contre les réticences de certains sénateurs pour qui les fonctions de l'ICANN n'auraient jamais du sortir du giron du gouvernement. Le président Obama ne s'est pas encore exprimé sur ce sujet, mais Viviane Reding rappelle dans son intervention que c'est l'administration Clinton qui a créé l'ICANN en 1998 pour "privatiser la gouvernance de l'Internet".

La nouvelle administration américaine voudra-t-elle refermer une "parenthèse" ou s'engager dans une voie de compromis au regard des réflexions sur le rôle des Etats nées des événements des derniers mois? Voudra-t-elle appliquer à la gouvernance de l'internet sa politique d'ouverture en direction des autres nations? L'avenir nous le dira, mais très bientôt puisque le contrat entre l'ICANN et le DoC arrive à échéance le 30 septembre prochain.

JB -Loic Damilaville, je vous remercie.
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