Live Japon : Olympus, aveuglement complice

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Il y a deux mois et demi a été révélé un énorme scandale financier chez Olympus, maison réputée pour ses appareils photo et endocopes. Au milieu des rebondissements quasi quotidiens de cette saga (dont nous vous avons narré les premiers épisodes il y a quelques semaines) est apparu un aveuglement général de dirigeants du groupe qui ont fait semblant (ou non) de ne pas voir des malversations pourtant devenues énormes depuis deux décennies.

Pour le mangaka japonais Jean-Paul Nishi, cette situation insensée s'assimile à celle d'un vieux couple où l'un dissimulerait faussement pendant des lustres un secret de polichinelle qui crève les yeux mais que l'autre feint d'ignorer.

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L'affaire Olympus a débuté le 14 octobre avec le limogeage manu-militari du PDG britannique Michael Woodford, premier "gaijin" (étranger) à avoir dirigé cette vénérable maison. Depuis, le drame s'est amplifié et les malversations financières auxquelles se sont livrés plusieurs dirigeants de l'entreprise ont été en grande partie mises au jour. Olympus a du coup été forcé d'opérer d'importantes rectifications comptables après avoir reconnu le camouflage de montagnes de pertes financières durant plus de deux décennies. En moins de trois mois, le groupe Olympus a été passablement laminé par cette minable histoire. Contrairement à ce que prétendaient initialement les membres du conseil d'administration du groupe, c'est parce qu'il avait découvert le pot aux roses que M. Woodford a été évincé. Désormais, plusieurs enquêtes sont en cours au Japon, de même qu'à l'étranger où le FBI américain s'en est mêlé. Des perquisitions ont eu lieu en décembre. Devant les objectifs des caméras de TV (prévenues à l'avance), des inspecteurs de la police japonaise, du bureau du procureur de Tokyo et de la Commission des opérations de Bourse ont pénétré au siège tokyoïte d'Olympus, dans des immeubles de filiales ainsi qu'au domicile d'ex-PDG et autres ex-pontes de l'entreprise. Ils ont saisi ainsi des documents dans le but d'élucider les procédés employés pour planquer un fiasco de plus d'un milliard d'euros. Au total, plus de vingt sites ont simultanément été visités par les enquêteurs. Sont notamment visés par les investigations en cours les trois anciens responsables d'Olympus nommément mis en cause dans un rapport d'un comité d'enquêteurs indépendants, à savoir l'ex-PDG Tsuyoshi Kikukawa, son bras droit Hisashi Mori et un contrôleur de gestion, Hideo Yamada.

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Ces ex-dirigeants du groupe, qui ont abandonné toutes leurs fonctions depuis, s'étaient ingéniés à partir de la fin des années 1990 à cacher les revers financiers découlant de placements hasardeux effectués durant la décennie précédente, une période d'investissements à tout va qui a engendré une bulle. Olympus n'est qu'une des nombreuses sociétés nippones qui se sont fourvoyées dans le "money game", quitte à y laisser des plumes pas nécessairement scrupuleusement déclarées. Le PDG en poste, Shuichi Takayama, qui faisait lui-même partie de précédents conseils d'administration mis en cause, s'est engagé à ce que le groupe apporte sa collaboration totale pour clarifier les rôles de chacun. Plusieurs dizaines d'anciens et actuels membres des instances de direction d'Olympus depuis le début des camouflages de passif (à la fin des années 1990), ainsi que d'autres intervenants, devraient être visés par les enquêtes. L'actuelle équipe se dit en outre disposée à quitter la tête d'Olympus une fois l'affaire totalement éclaircie et une nouvelle structure de direction proposée.

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Quant à l'ex-PDG congédié d'Olympus, Michael Woodford, dont les déclarations ont déclenché le scandale qui secoue le groupe japonais, il s'était initialement dit prêt à revenir aux commandes du groupe pour le sauver. M. Woodford ne croit en effet pas une seconde que les dirigeants en place aient quelconque légitimité pour rétablir l'entreprise. "Je suis fermement convaincu qu'il ne revient pas à l'équipe dirigeante actuelle, entachée par ses erreurs du passé, de choisir l'identité des nouveaux membres du conseil. Des décisions-clés de cette nature doivent être prises par les actionnaires, et des nouveaux dirigeants totalement indépendants de la direction actuelle devraient être nommés dès que possible", plaidait M. Woodford. Toutefois, à la surprise générale, ce vendredi 6 janvier, il a annoncé qu'il renonçait à mener croisade, abandonnant tout espoir de devenir le chevalier blanc d'Olympus et de marcher ainsi sur les pas de Carlos Ghosn chez Nissan ou d'Howard Stringer chez Sony. M. Woodford a reconnu ne pas avoir reçu le soutien escompté des actionnaires japonais, tout en prétextant que son renoncement était davantage motivé par des raisons personnelles, cette affaire entraînant des nuits cauchemardesques pour sa femme.

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Pour s'extraire de ce bourbier, redresser son image et reprendre du tonus, Olympus étudie désormais l'arrivée dans son tour de table d'un industriel partenaire aux reins solides. Disposant de technologies de pointe, notamment dans le domaine de la santé, avec une part de marché mondiale de 70% sur les endoscopes, Olympus intéresse des groupes déjà présents dans ce secteur ou bien souhaitant y entrer. Les japonais Sony, Fujifilm et Panasonic apparaissent comme des candidats potentiels, de même que des étrangers dont le géant allemand Siemens.

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Toutefois, la décision, tant sur le montant d'une injection d'argent frais que sur les partenaires éventuels, dépendra du maintien ou non de l'action d'Olympus à la Bourse de Tokyo, le titre, qui a fondu de plus de moitié en quelques semaines, étant toujours menacé de radiation si les autorités compétentes jugent cette sanction nécessaire. Une assemblée générale extraordinaire des actionnaires, qui risque d'être houleuse, aura en outre lieu vers mars ou avril. L'actuelle direction d'Olympus prévoit de présenter d'ici-là un nouvel organigramme et un plan pour revitaliser l'entreprise avant de se retirer.

Excellente année à tous de la part de Taku Nishimura (alias Jean-Paul Nishi) et Karyn Poupée.
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