Sharaf Maksumov / Shutterstock.com
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Les investissements sur les crypto-monnaies ont atteint des niveaux jamais vus. Ces actifs numériques, au premier rang desquels le Bitcoin, sont aujourd’hui au cœur d’une fièvre spéculative qui pousse de nombreux Français à se positionner sur les monnaies virtuelles. Face à un tel engouement, Bercy a décidé depuis 2020 de rendre obligatoire la déclaration des plus-values réalisées sur des crypto-monnaies. Y a-t-il des règles spécifiques en la matière ? Pour quels montants ? Comment déclarer ses avoirs en crypto-actifs ? Clubic fait le point.

C’est un changement de paradigme intéressant à bien des égards : après les avoir ignorées et pointées du doigt, comme l'ont fait tour à tour l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et la Banque de France, le ministère de l'Économie et des Finances a dû se pencher sur la question de la fiscalité des crypto-monnaies. La loi de finances 2019 a ainsi instauré un régime d’imposition spécifique pour ces actifs, créant une « obligation déclarative applicable aux détenteurs de comptes de crypto-actifs ouverts dans des établissements situés à l'étranger ».

Une ruée vers les crypto avec des conséquences fiscales

Il ne se passe pas une semaine sans que la plus connue de ces monnaies numériques, le Bitcoin (BTC), ne fasse parler d’elle. Avec un cours qui a grimpé de 587% en un an et une crédibilité nouvelle apportée par des investisseurs célèbres, comme Elon Musk ou l’entreprise PayPal, qui autorise aujourd’hui des transactions en Bitcoins, les Français, en quête d’un placement rentable, ont décidé d’acquérir de la monnaie virtuelle par petites touches.

Effet de mode ou vraie tendance de fond ? Quoi qu'il en soit, l’intérêt des « petits investisseurs » vers les bitcoins et les altcoins tels que les ethers ou les litecoins, est aujourd’hui réel. Un succès qui a également des répercussions concrètes d’un point de vue fiscal : mieux vaut être bien informé pour satisfaire à ses obligations et éviter de s’exposer à des risques fiscaux assez salés.

Crypto

Autant l'indiquer d'entrée de jeu afin de lever le doute : détenir des crypto-monnaies en soi n’est pas imposable. La déclaration devient obligatoire à partir du moment où il y a un changement de devise, c’est-à-dire que la valeur virtuelle du bitcoin ou de tout autre altcoin est transformée en une monnaie fiat (devise gouvernementale ayant cours légal, comme l’euro), et ceci même si l’argent reste sur la plateforme d’échange.

D’autres cas rentrent dans la catégorie des opérations taxables :

  • L’utilisation de la crypto-monnaie pour acquérir un service ou un bien. Par exemple, l'achat d’une voiture suite à la cession d’ethers.
  • L'échange avec soulte d'un actif numérique. Par exemple, 1 bitcoin échangé contre 10 000 ethers et un solde en euros.

A noter

Si le total des cessions est égal ou inférieur à 304 € par an, aucun impôt n’est dû. Mais étant donné la forte volatilité du Bitcoin en 2020 et les multiples records à la hausse qu’il a atteints, peu de portefeuilles devraient se situer sous ce seuil.

Un taux d’imposition différent selon la fréquence des transactions

Pour les plus-values réalisées à titre occasionnel, l'article 150 VH bis du Code Général des Impôts, dans sa version révisée du 17 avril 2020, prévoit une taxation unique de 30% (12,8% d'impôt auquel s'ajoutent 17,2% de prélèvements sociaux) sur les gains liés aux actifs numériques.

Cette flat tax n’est applicable que lorsque le volume des opérations est peu important et non habituel. Dans le cas contraire (activité régulière ou professionnelle), c’est le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) qui sera pris en considération par l’administration fiscale.

Acteur central du dispositif français de lutte contre le blanchiment des capitaux, Tracfin permet au fisc de traquer les crypto-contribuables avec une redoutable efficacité. En obligeant les banques à lui faire remonter l'ensemble des transactions effectuées par une personne, le ministère de l'Economie et des Finances en sait plus sur nos finances qu’on ne pourrait le croire.

Or, les crypto-monnaies ont beau être décentralisées, elles n’échappent pas à la vigilance de Bercy, et donc à l’imposition. Une règle est à connaitre : dès qu’un euro est déplacé sur une plateforme visant à acheter des valeurs virtuelles, les banques gardent ce mouvement en mémoire. Il en va de même pour les plus-values obtenues lors de la vente de crypto-monnaies, généralement payées sur le compte bancaire de l’investisseur.

Croire que le fisc ne verrait pas ces mouvements est une erreur à ne surtout pas commettre !

Quels formulaires pour faire sa déclaration de crypto-monnaies ?

Pour rappel, si le total des ventes réalisées en 2020 est inférieur ou égal à 304 €, aucune plus-value n’est imposable. Au-delà, les formulaires suivants doivent être remplis (idéalement dans l’ordre suivant) :

Formulaire Cerfa 3916 bis.

Dans le cas où une personne dispose de crypto-monnaies sur un compte étranger (Coinbase, Binance, Kraken, etc.), elle doit mentionner l’information à l’aide du formulaire dédié. Cette déclaration est obligatoire même si les comptes sont vides, mais néanmoins actifs.

Formulaire Cerfa n°2086.

Cette partie doit être remplie rigoureusement. Il faudra en effet y indiquer le détail de toutes les opérations imposables ayant été réalisées au cours de l’année concernée, en l’occurrence 2020 (valeur globale du portefeuille, plus ou moins-value engendrées, etc.)

Formulaire Cerfa n°2042.

Le document de base que tout contribuable doit remplir lors de sa déclaration d’impôts comporte les cases 3AN et 3BN (« Plus ou moins-values sur ses actifs numériques ») : c’est ici qu’il faudra indiquer les montants calculés auparavant dans le Cerfa N°2086.

Les risques en cas de non déclaration, d’erreur ou d’omission

En cas d’absence de déclaration, le fisc aura la main lourde. Les chiffres parlent d’eux-mêmes ! Les amendes s’élèvent ainsi à 750 € par compte non déclaré et vont jusqu’à 150 € en cas d’erreur ou d’omission. Des sanctions qui atteignent respectivement 1 500 € et 250 € si le montant des actifs numériques dépasse les 50 000 €.

Dans le pire des cas (redressement fiscal), l’amende peut être majorée jusqu’à 80% du montant initial, ce qui peut vite mener à des sommes importantes pour les petits investisseurs. Autant dire que nous ne recommandons pas de tenter d’échapper à l’imposition au motif qu'on ne possède « que » 0,00001 bitcoin !

En cas de doute, il est préférable de se tourner vers son centre des Finances publiques pour poser toutes les questions nécessaires. Il existe également des assistants en ligne, comme Waltio.co ou Koinly.io, qui aident à calculer et à déclarer ses plus-values de crypto-monnaies en toute sécurité et conformément aux exigences de l’administration fiscale. Ces solutions connectent les comptes des plateformes d'exchange (eToro, Crypto.com…) sur leur interface via les API ou fichiers CVS et délivrent une liasse fiscale préremplie qui facilite le remplissage de sa déclaration.

Faut-il déclarer uniquement ses plus-values ?

De nombreux déclarants commettent cette erreur et y laissent au passage quelques plumes : celle de déclarer uniquement ses gains réalisés (les plus-values) en omettant d’y déclarer les pertes (moins-values). Or, tout doit être indiqué dans la déclaration !

La raison est simple et va même dans l’intérêt de la personne imposée. Par exemple, si cette dernière a réalisé un bénéfice de 1 500 € en bitcoins (BTC) et une perte de 900 € en ethers (ETH), le total de ces opérations fera apparaitre un bénéfice de 600 €. C’est donc ce montant qu’il faudra déclarer, et pas uniquement les 1 500 € que l’investisseur a gagné en Bitcoins. L’imposition sera donc au final moins importante.

La règle à suivre est donc une nouvelle fois la suivante : tout montant, qu’il s’agisse d’un gain ou d’une perte, doit apparaître dûment sur la fiche d’imposition.

Cartes crypto : faut-il déclarer ses achats ?

C’est la question qu'on trouve partout sur les forums dédiés aux monnaies virtuelles et à la blockchain : est-ce que les achats réalisés avec les nouvelles cartes bancaires de crypto-monnaies sont soumis à l’impôt ? La réponse est oui ! Ces cartes, qui permettent d’acheter directement en euros, effectuent une conversion des actifs crypto/fiat à chaque transaction. Or, qui dit conversion dit possible taxation.

Les « crypto-cartes de paiement » commencent à se répandre au sein des détenteurs de portefeuilles virtuels. Elles permettent d’acheter directement un bien en euros via une transaction instantanée au prix du marché (là où il fallait attendre plusieurs jours auparavant pour rapatrier ses crypto monnaies sur son compte bancaire). Mais elles représentent aussi un risque, car on peut facilement perdre le fil des achats effectués et des sommes engagées sur le montant des transactions.

Un conseil donc : il est hautement recommandé d’avoir un œil sur les montants transférés sur le wallet de la carte crypto pour être en phase avec le montant des éventuels gains à déclarer aux impôts.

Imposition des crypto-monnaies : ce qu'il faut retenir

Après plusieurs années d’hésitation sur la conduite à tenir en matière d’imposition des crypto-monnaies, Bercy a donc mis depuis 2020 les choses au clair avec des procédures bien définies. Voici un résumé des règles principales concernant la fiscalité de ces actifs, aujourd’hui durablement inscrits dans le paysage financier français :

  • La simple tenue d’un compte de crypto-monnaies n’est pas imposable.
  • Toute plus-value et moins-value doit être déclarée à partir du moment où un échange crypto/fiat est exécuté.
  • Si les cessions sont égales ou inférieures à 304 €, aucun impôt n’est dû.
  • L’utilisation de cartes de paiements cryptos est imposable.
  • Tous les comptes de crypto-monnaies doivent être déclarés s'ils sont domiciliés à l'étranger.
  • Le taux d’imposition est unique et s’élève à 30% (flat-tax) dans le cas de transactions occasionnelles.
  • Trois formulaires (3916 bis, 2086 et 2042) sont à remplir.
  • Des solutions en ligne (Waltio.co, koinly.io) permettent d’automatiser le calcul des plus-values.

Ces lignes directrices permettront d’éviter tout stress lors de la déclaration fiscale et d’être en conformité avec les règles décidées par Bercy.